https://armees.com/Le salon du Bourget 2025 a révélé une réalité méconnue : l’armement n’est pas qu’une affaire de puissance industrielle. Il est aussi une scène diplomatique.
Le Bourget, miroir armé de la diplomatie française
Le salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, ouvert le 17 juin 2025, n’est pas un simple rendez-vous technologique. C’est une vitrine mondiale où se jouent des alliances géopolitiques, des rivalités commerciales et des enjeux d’image. L’édition actuelle en est l’illustration la plus aiguë. Pour la première fois, la France a ordonné, sans interdiction officielle, mais avec une exécution matérielle sans ambiguïté, la fermeture visuelle de cinq stands israéliens d’armement. Des panneaux noirs, dressés à la hâte, ont recouvert les vitrines de Rafael, IAI ou encore Elbit Systems.
La manœuvre, inédite, a été interprétée comme un signal diplomatique indirect en réponse au conflit entre Israël et le Hamas. Mais plus qu’une prise de position sur le fond, elle marque une mutation stratégique du rôle des salons d’armement dans la politique extérieure française.
Des salons devenus instruments de soft power militaire
Derrière les jets supersoniques et les drones furtifs, le Bourget est devenu un théâtre de représentations nationales armées. Chaque stand y incarne une puissance, chaque vitrine une posture. Cette évolution est assumée : selon le document stratégique Esprit Défense – Hors-Série 2025, publié par le ministère des Armées, « l’exportation d’armement ne peut plus être dissociée des représentations qu’elle véhicule sur la scène internationale ». Autrement dit : vendre une arme, c’est désormais aussi vendre un alignement politique.
Dans ce contexte, le camouflage des systèmes israéliens, même temporaire, devient une manière d’exprimer un désaccord diplomatique sans recourir à une interdiction explicite. Une forme de désolidarisation symbolique mais visible, rendue possible par la maîtrise française des espaces d’exposition.
Masquer sans interdire : la tactique du contournement diplomatique
Pourquoi ne pas avoir interdit purement et simplement la présence d’Israël ? Parce que la France reste l’un de ses partenaires militaires et technologiques. Les entreprises israéliennes entretiennent des relations industrielles régulières avec la Direction générale de l’armement (DGA), notamment dans les domaines de la guerre électronique et des systèmes aéroportés.
Mais la conjoncture impose des signaux publics. D’un côté, la France se veut exportatrice responsable, de l’autre, elle défend une autonomie stratégique qui inclut la liberté d’accueillir ou non certains acteurs. Masquer les stands sans les fermer, c’est faire de la régulation par l’esthétique, une diplomatie silencieuse mais lisible.
Un précédent lourd de conséquences pour l’industrie de défense
Cette décision crée un précédent. Elle indique que les salons internationaux d’armement ne sont plus des zones neutres, mais des lieux où les États peuvent exercer une forme de souveraineté politique. Cette logique pourrait demain s’appliquer à d’autres contextes : guerre civile, régime autoritaire, conflit régional. Le critère n’est plus uniquement juridique, mais aussi médiatique et moral.
Pour les industriels, cette évolution est lourde de conséquences. Les investissements dans ces événements sont colossaux, tant en logistique qu’en marketing. Être invisibilisé, même sans exclusion, revient à perdre l’essence même de la participation : la visibilité stratégique. Comme le souligne un consultant en stratégie défense interrogé parLe Figaro : « Au Bourget, être vu, c’est exister. Être masqué, c’est être marginalisé. »
Le Bourget 2025 a été le révélateur d’un tournant : l’armement ne s’expose plus seulement au nom de la performance, mais au nom d’une compatibilité politique temporaire. Le camouflage des stands israéliens n’est pas un simple acte logistique : c’est un outil de langage diplomatique en acte.
Article de
https://www.msn.com
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