Paris se vide : la capitale perd en moyenne 14 000 habitants par an depuis 15 ans. Ce recul n’a rien d’un accident mais relève d’une tendance lourde engagée dès les années 1950, interrompue seulement brièvement au début des années 2000. Résultat : 800 000 habitants en moins, soit un quart de la population d’alors.
Une fuite résidentielle
Trois clés permettent comprendre la mécanique en marche. 1 – Le solde naturel reste positif, autrement dit les naissances excèdent les décès. La baisse de population s’explique donc par un solde migratoire fortement négatif : davantage de départs, moins d’arrivées. Il s’agit donc bien d’une fuite résidentielle. 2 — Cette baisse n’est pas un phénomène régional : l’Île-de-France, dans son ensemble, continue de gagner des habitants. 3 — Le parc de logements, lui, a nettement progressé. Depuis le milieu des années 1950, il a gagné environ 200 000 unités, pour dépasser aujourd’hui 1,4 million de résidences. Même si cette croissance a connu un accroc au début des années 1970, l’évolution du parc contraste fortement avec le recul continu de la population. Expliquer la baisse de population parisienne par une compression de l’offre est donc une contre-vérité, même si la réduction du nombre de personnes par foyer tend mécaniquement à accroître le besoin de logements pour une même population. C’est leur usage qui pose aujourd’hui problème.
Deux phases majeures de dépeuplement
Pour comprendre les forces à l’œuvre, il faut distinguer deux grandes phases de dépeuplement. Dans les années 1960-70-80 et jusqu’au début des années 1990, les familles quittent massivement Paris pour la petite couronne et les villes nouvelles (Cergy-Pontoise, Marne-la-Vallée, Évry, Saint-Quentin-en-Yvelines). Elles y trouvent des logements plus grands, moins chers, adaptés à l’automobile et rapidement reliés à Paris grâce au développement du RER. Parallèlement, à Paris, les opérations de rénovation urbaine réduisent temporairement le nombre de résidences, accentuant les départs. Cette attrition de l’offre reste limitée dans le temps. La ville se vide aussi de ses usines, de ses artisans, des emplois industriels et des personnes qui les occupent.
Une fièvre immobilière aux effets massifs
À partir de la fin des années 90, Paris entre dans une nouvelle ère : celle de la fièvre immobilière. Les prix immobiliers s’envolent : ils sont presque multipliés par 3 entre 1998 et 2008. Après la grande récession, la hausse ralentit puis repart : ils progressent à nouveau de 65% avant la pandémie, qui freine temporairement la dynamique. En moins de 30 ans, les prix ont augmenté de 319%, soit trois fois plus vite que le revenu des ménages et six fois plus que les prix à la consommation. Pourquoi un tel emballement ? Parce que la pierre apparaît comme le placement le plus sûr, non pour son rendement immédiat, mais pour l’espérance de plus-value. Les investisseurs affluent, certains laissant leurs biens vides pour faciliter la revente. D’autres transforment leurs appartements en meublés touristiques ; d’autres encore — Français ou étrangers fortunés — achètent un pied-à-terre dans la capitale. Bilan : parallèlement à l’explosion des prix, qui exclut du marché les classes populaires, moyennes et les familles, près d’un logement sur cinq est inoccupé, ou seulement de manière occasionnelle. Des habitations vides, au détriment des résidents permanents. Un véritable gaspillage immobilier.
Un risque de décrochage résidentiel durable
S’y ajoute le problème des passoires thermiques (30% du parc parisien), qui se retrouvent progressivement hors marché locatif, leurs propriétaires ne disposant pas des ressources nécessaires pour les rénover. Ils les vendront pour partie à des investisseurs ou à des particuliers aisés qui en feront leur résidence secondaire, réduisant encore davantage l’offre disponible. Si rien n’est fait pour rétablir l’accès au logement et l’attractivité résidentielle, Paris continuera de perdre ses habitants, au risque de devenir une ville que l’on visite, où l’on travaille, où l’on consomme… mais où l’on ne vit de moins en moins.
XERFI
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