La Syrie demande l’aide militaire de la Turquie
La Syrie demande l’aide militaire de la Turquie : un tournant stratégique inattendu
Dans un contexte régional marqué par des recompositions géopolitiques rapides, la Syrie a surpris les observateurs en sollicitant l’aide militaire de la Turquie pour former ses nouvelles forces armées. Cette initiative, révélée le 23 juillet, marque une rupture significative avec les années de méfiance entre Damas et Ankara. Elle intervient alors que le nouveau pouvoir syrien, issu du renversement du régime d’Assad en décembre 2024, cherche à restructurer son armée et à consolider sa sécurité intérieure face à des menaces persistantes, notamment djihadistes.
Une coopération inattendue après des décennies de tensions
La Turquie et la Syrie ont entretenu des relations souvent tumultueuses. Durant la période Assad, Ankara considérait Damas comme un partenaire peu fiable, notamment en raison du soutien syrien à Abdullah Öcalan, chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), jusqu’à son expulsion en 1998. Le déclenchement de la guerre civile syrienne en 2011 a encore accentué cette méfiance, la Turquie s’étant rapidement alignée contre Assad, soutenant les forces rebelles et créant l’Armée nationale syrienne (ANS), une structure militaire par procuration utilisée notamment contre les forces kurdes.
Mais le renversement du régime Assad par le HTS, et l’arrivée au pouvoir d’Ahmed al-Sharaa, ont changé la donne. Ce dernier, dans une volonté de rééquilibrer les alliances régionales, a initié un rapprochement diplomatique avec plusieurs acteurs clés, dont la Turquie. Plusieurs responsables du ministère syrien de la Défense se sont déjà rendus à Ankara ces derniers mois, participant notamment au salon international IDEF 2025, événement qui a rassemblé plus de 400 entreprises de défense de 44 pays.
Former une armée nouvelle pour un État en reconstruction
La Syrie post-Assad doit désormais constituer une nouvelle armée, apte à assurer la stabilité intérieure et à contrer les groupes extrémistes tels que l’État islamique (EI). Cette ambition suppose de former des milliers de soldats et de remplacer des structures militaires obsolètes. La Turquie, membre de l’OTAN dotée d’une armée professionnelle aguerrie, s’impose logiquement comme l’un des rares pays capables d’apporter une assistance militaire de cette ampleur.
Le choix turc se justifie aussi par des considérations pratiques : la proximité géographique, les antécédents de coopération avec certaines factions syriennes, et la livraison déjà en cours de matériel militaire comme des blindés légers. Certains cadres de la nouvelle armée syrienne sont d’anciens officiers de l’ANS soutenue par la Turquie, ce qui facilite les échanges opérationnels.
Un soutien américain discret mais attentif
L’envoyé spécial américain en Syrie, Tom Barrack, a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude face à la montée de l’extrémisme dans la région. Il devrait donc voir d’un bon œil une initiative visant à renforcer les capacités des forces syriennes face aux groupes djihadistes. Washington, qui a lui-même formé certaines unités syriennes à Tanf, dans le sud du pays, n’est pas opposé à une implication de la Turquie, alliée au sein de l’OTAN.
D’ailleurs, la 70e division syrienne intègre aujourd’hui des soldats ayant reçu un entraînement de l’armée américaine, et Damas cherche également à établir des ponts avec les Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyées par les États-Unis dans l’est du pays.
Des défis persistants
Malgré cette dynamique, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Plusieurs commandants de la nouvelle armée sont issus de groupes armés ayant commis des exactions contre des civils, ce qui suscite des inquiétudes sur leur intégration dans une structure militaire régulière. Le passé de certains officiers, notamment ceux issus du HTS ou de l’ANS, continue d’alimenter des accusations de sectarisme ou d’idéologie extrême.
Les récents affrontements dans la province de Soueida soulignent aussi l’absence de contrôle total de l’État sur certaines régions. La formation des nouvelles unités devra donc s’accompagner d’une réforme profonde des chaînes de commandement, afin d’éviter les dérives.
Un œil attentif depuis Israël
Toute coopération militaire entre la Syrie et la Turquie sera scrutée de près par Israël, qui multiplie depuis des années les frappes ciblées en territoire syrien contre des positions qu’il juge hostiles. L’implication croissante d’Ankara pourrait complexifier ces opérations, la Turquie ayant exprimé à plusieurs reprises son opposition aux raids israéliens.
Israël insiste depuis longtemps sur la nécessité de maintenir le sud syrien démilitarisé. Toute modification du statut militaire de cette zone, notamment avec l’appui turc, pourrait faire évoluer les équilibres de sécurité dans la région.
Au croisement de la diplomatie, de la défense et des recompositions géopolitiques, la formation des forces syriennes par la Turquie pourrait bien marquer une nouvelle phase dans la reconstruction d’un État syrien post-Assad — entre alliances renouvelées et défis anciens.
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