La contestation haredi vire au tragique
Un adolescent meurt à Jérusalem : quand la colère haredi rencontre les limites du réel
Jeudi 30 octobre 2025, Jérusalem a vécu une journée à la fois puissante et tragique. À l’entrée de la capitale, la « marche du million » voulue par les autorités haredies (ultra-orthodoxes) pour dénoncer la fin annoncée des exemptions de service militaire a tourné au drame : un garçon de 15 ans est décédé après une chute depuis un chantier de construction en hauteur. Les équipes de secours arrivées très vite sur place n’ont pu que constater le décès, tant les blessures étaient sévères. La police a immédiatement ouvert une enquête pour déterminer les circonstances exactes de la chute.
Le rassemblement, massif et très masculin, a paralysé les principaux axes menant à la ville. Des images ont montré des manifestants grimpant sur des structures : toits, grues et charpentes de tours en construction, parfois malgré les injonctions des forces de l’ordre et des pompiers. Dans l’électricité du moment, on a vu la ferveur religieuse se mêler à un bras de fer politique qui, depuis des mois, alimente les fractures de la société israélienne : l’égalité du service militaire, sur fond de guerre prolongée et de besoins accrus des forces armées.
Pour comprendre l’embrasement, il faut revenir à la matrice du conflit : un régime d’exemptions accordé historiquement à un petit nombre d’étudiants de yeshiva, devenu au fil des décennies un dispositif de masse, alors que la population haredie croît rapidement. Le pivot juridique, lui, est connu : la Cour suprême a jugé en 2017 que le système d’exemptions était inconstitutionnel, renvoyant la balle au législateur. Depuis, chaque tentative de compromis se heurte à une équation impossible : satisfaire à la fois l’exigence d’égalité du fardeau et la protection d’un mode de vie religieux qui place l’étude de la Torah au cœur de l’identité.
Ce jeudi, cette tension abstraite a pris un corps : des centaines de milliers d’hommes en prière, des bus déviés, des artères fermées, et, au cœur du tumulte, un adolescent qui chute d’une hauteur vertigineuse. Les secours — Magen David Adom et United Hatzalah — décrivent une intervention rapide mais vaine. La police, de son côté, indique investiguer toutes les pistes, y compris celle d’un geste volontaire, signe de la prudence requise lorsqu’un événement tragique se produit dans un contexte chaotique où les rumeurs vont plus vite que les faits.
La politique, elle, n’est jamais très loin. Les partis haredim, indispensables à la stabilité de la coalition, exigent une solution législative qui sanctuariserait l’étude à plein temps ; l’establishment sécuritaire, confronté à des pertes lourdes et à un effort opérationnel prolongé, plaide au contraire pour un élargissement des effectifs. Entre ces pôles, le gouvernement marche sur une ligne de crête, chaque pas susceptible de provoquer une crise. La manifestation de Jérusalem n’était pas seulement un cri communautaire ; c’était aussi un message adressé aux décideurs : « Ne touchez pas à l’accord fondateur ».
Reste la question qui fâche : où placer le curseur ? Les faits du jour rappellent cruellement que certaines formes de protestation franchissent une ligne rouge, celle de la sécurité élémentaire. Escalader des grues et des tours en construction expose à un risque mortel — pour soi et pour les autres. On peut défendre des convictions religieuses ardentes sans prendre des risques inconsidérés. C’est là que l’État d’Israël doit tenir son cap : garantir la liberté de manifester et de prier, tout en imposant, partout, les règles de sécurité et l’autorité de la loi.
préserver la cohésion du pays suppose d’articuler responsabilité collective et respect des traditions. Israël a le devoir de protéger la vie, de maintenir l’ordre public et d’assurer une répartition équitable du service national, sans renier la place éminente de l’étude religieuse. La journée de Jérusalem nous rappelle qu’aucune cause, si respectable soit-elle, ne justifie de jouer avec la mort. À l’heure des choix, l’intérêt national — la sécurité de tous — doit l’emporter, avec dignité et sang-froid.
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