L’influence croissante des États-Unis sur le Proche-Orient conduit beaucoup d’Israéliens à se demander si leur pays est devenu le 51e État des États-Unis ; le soutien sans faille du président Trump tend à faire d’Israël un État protégé, voire un protectorat américain.
La récente mise en place par les États-Unis d’un Centre de Coordination Civilo-Militaire à Kiryat Gat, dans le sud d’Israël, a relancé une polémique vieille de 44 ans : en décembre 1981, Menahem Begin accusait l’administration Reagan de traiter Israël comme un État vassal ; le Premier ministre israélien était furieux contre le président américain qui avait pris des mesures punitives à l’encontre d’Israël en réponse à l’annexion du plateau du Golan.
En 2025, les termes ont changé mais pas forcément leur signification. Récemment, c’est le néologisme « Bibisitting » qui fut utilisé par des responsables américains pour qualifier les relations entre les deux pays : les États-Unis surveillent Benjamin Netanyahu de très près pour s’assurer que le Premier ministre israélien ne fasse pas dérailler l’accord de cessez-le-feu qu’ils ont négocié à Gaza.
« Vassal », « Bibisitting », « Protectorat » ou « 51e État » : le qualificatif ne change rien au fait qu’Israël est largement dépendant des États-Unis, sur le plan économique comme politique.
À l’origine des relations étroites entre les deux pays réside le soutien financier que le gouvernement américain accorde chaque année à son allié israélien. Ce soutien, qui a connu différentes formes et phases, a fini par se traduire par une forte dépendance d’Israël vis-à-vis du contribuable, du consommateur et de l’investisseur américain. Quelques chiffres suffiront à le prouver.
Commerce bilatéral
Selon l’Institut central de la Statistique à Jérusalem, les échanges commerciaux d’Israël en 2024 étaient largement dépendants du marché américain :
- les États-Unis absorbent 17 milliards de dollars de marchandises israéliennes par an, soit 28 % des exportations israéliennes de marchandises ;
- les États-Unis absorbent 20 milliards de dollars de services israéliens par an, soit 35 % des exportations israéliennes de services.
Autrement dit : les entreprises israéliennes ne peuvent plus se passer du marché américain pour écouler leurs biens et services.
Investissements étrangers
Selon le ministère israélien des Finances, les investissements étrangers en Israël se sont montés à 33 milliards de dollars en 2023. Une décomposition par pays montre que les États-Unis sont la principale source d’investissements en Israël :
- les Américains ont investi pour 24 milliards de dollars en Israël, soit 73 % des investissements étrangers ;
- à la seconde place – mais loin derrière les États-Unis – se trouve la France, avec des investissements de 3,7 milliards de dollars (10 % des investissements étrangers en Israël).
Autrement dit : de nombreux secteurs de l’industrie israélienne sont largement dépendants des capitaux étrangers, notamment les entreprises du secteur informatique et celles du domaine des sciences exactes.
Aide militaire
Le soutien financier des États-Unis à Israël prend aussi la forme d’une aide militaire, régulière et exceptionnelle :
- pour la période qui va de 2019 à 2028, l’aide militaire américaine se monte à 3,8 milliards de dollars par an ;
- en avril 2024, une aide exceptionnelle d’environ 14 milliards de dollars fut débloquée par l’administration américaine, sans compter la livraison quasi-illimitée d’armes et d’équipements militaires.
Il faut se rendre à l’évidence : Israël vit au crochet des États-Unis
Ils contribuent pour les deux-tiers des investissements étrangers, la moitié des dépenses militaires et le tiers des débouchés commerciaux d’Israël.
Benjamin Netanyahu a beau répéter qu’Israël est un État indépendant et que les relations israélo-américaines sont celles de partenaires, la dernière guerre tend à montrer le contraire.
En 2025, la dépendance d’Israël vis-à-vis de son allié américain est si étroite, qu’un Premier ministre israélien ne peut prendre une décision stratégique ou géopolitique sans le consentement du président des États-Unis…
à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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