Israël veut encadrer le prix des otages

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Israël veut encadrer le prix des otages

En Israël, la question des otages n’est plus seulement une urgence humanitaire : elle devient un sujet de législation. Lors d’une récente réunion du cabinet de sécurité, le Premier ministre Binyamin Netanyahou est revenu sur les accords d’échange conclus pendant la guerre contre le Hamas, au cours desquels Israël a libéré des terroristes en contrepartie du retour d’otages israéliens. Selon lui, ces transactions ont un effet pervers évident : elles encouragent de futures prises d’otages.

Pour soutenir cette thèse, Netanyahou s’est appuyé sur les conclusions de la Commission Shamgar, créée après l’accord Shalit de 2011, qui avait vu la libération de 1 027 prisonniers palestiniens en échange d’un seul soldat israélien. Ce rapport, remis dès 2012 et resté en grande partie confidentiel, recommande de mettre fin aux « méga-échanges » et de limiter strictement le nombre de prisonniers de sécurité libérés pour chaque captif israélien, en particulier ceux condamnés pour meurtre dans des attentats.

Le Premier ministre a révélé que ces recommandations avaient déjà été présentées au cabinet avant le 7 octobre 2023, sans qu’aucune décision opérationnelle n’ait été prise. Or, affirme-t-il, la question des otages a été l’un des facteurs ayant prolongé la guerre pendant près de deux ans. D’où sa volonté actuelle d’inscrire dans la loi les principes définis par la Commission Shamgar, afin d’encadrer de manière contraignante la marge de manœuvre des gouvernements à venir.

C’est dans ce contexte qu’a ressurgi la « loi Lapid », une proposition déposée il y a une dizaine d’années par l’actuel chef de l’opposition, Yaïr Lapid. Son principe central est radical : pas plus d’un terroriste – y compris un condamné pour meurtre – ne pourrait être libéré pour chaque otage. L’idée est de casser la logique d’asymétrie extrême qui a marqué par le passé plusieurs accords, du Jibril Agreement des années 1980 à l’affaire Shalit, où un Israélien valait des centaines de prisonniers.

Pour Netanyahou, l’adoption d’une telle règle, ou l’intégration des conclusions Shamgar dans la législation, réduirait l’attrait des enlèvements comme outil de pression. Mais au sein du cabinet, les avis divergent. Le secrétaire du gouvernement, Yossi Fuchs, a rappelé que graver ces principes dans le marbre « peut aider, mais peut aussi compliquer » la prise de décision en situation de crise, où chaque cas est unique et où la pression de l’opinion publique est immense.

Fuchs a cité un précédent : la loi dite « Elkin-Struck », adoptée en 2014 à la suite de l’enlèvement et du meurtre de trois adolescents israéliens. Ce texte empêche la libération, dans le cadre d’accords politiques ou de grâces, de terroristes condamnés pour meurtre dans des circonstances d’une gravité exceptionnelle. Pendant la dernière guerre, cette loi a eu un effet très concret : huit prisonniers qui devaient être libérés dans un échange d’otages n’ont finalement pas été relâchés.

Le débat actuel ne se limite pas aux échanges d’otages. Parallèlement, la Knesset avance sur une loi instaurant la peine de mort pour certains terroristes reconnus coupables de meurtre. Le projet, porté notamment par le camp national-sécuritaire, a déjà franchi une première étape parlementaire. Ses promoteurs affirment qu’il dissuadera les attaques et empêchera à l’avenir la libération de terroristes particulièrement sanguinaires dans le cadre de nouveaux accords.

Ses opposants, en Israël comme à l’étranger, dénoncent à la fois un risque de dérive judiciaire et l’impact sur l’image internationale du pays. Ils soulignent que des règles trop rigides pourraient, dans certains scénarios, empêcher de sauver des otages encore en vie, en interdisant des compromis douloureux mais parfois nécessaires. Les familles d’otages, elles, sont souvent partagées entre la volonté de ramener leurs proches à tout prix et la crainte de voir se répéter, indéfiniment, le cycle enlèvements–libérations.

Au fond, la « loi Lapid », les recommandations Shamgar, la loi Elkin-Struck et le projet de peine de mort s’inscrivent dans un même effort : réduire l’« incitation aux enlèvements » en rendant les échanges plus coûteux pour les organisations terroristes et moins attractifs politiquement pour leurs dirigeants. Reste à savoir si la Knesset acceptera de lier à ce point les mains des gouvernements futurs. Entre la défense du principe « ramener chaque otage à la maison » et la nécessité de restaurer un pouvoir de dissuasion, c’est toute la doctrine israélienne face aux prises d’otages qui est aujourd’hui en train d’être redessinée.

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