Israël face à l’isolement économique

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Israël face à l’isolement économique

Presque deux ans après l’attaque du 7 octobre, Israël semble non seulement affaibli sur le plan diplomatique, mais aussi confronté à une forme d’isolement économique grandissant. Ce qui, au départ, n’apparaissait que comme un ralentissement temporaire lié au contexte sécuritaire, se mue progressivement en une tendance plus structurelle. Les répercussions sont déjà palpables dans plusieurs secteurs économiques clés, notamment la high-tech, le commerce international et la recherche universitaire.

Le secteur technologique israélien, longtemps considéré comme un fleuron de l’économie nationale, continue de susciter l’intérêt des investisseurs. Un rapport de l’entreprise IVC a révélé que les startups israéliennes ont levé 5,2 milliards de dollars au premier semestre 2025, en hausse par rapport à l’année précédente. Toutefois, derrière ce chiffre flatteur se cache une réalité plus préoccupante : le nombre total de levées de fonds a chuté de 11 %. Cela signifie que les capitaux se concentrent sur un petit nombre de sociétés déjà bien établies, laissant les jeunes entreprises – notamment celles à leur première levée – dans une grande précarité.

Marginalisation croissante et perte de confiance
Pour Mickey Barnea, avocat d’affaires spécialisé en fusions-acquisitions, ce phénomène dépasse les simples chiffres. Selon lui, les entreprises israéliennes sont de plus en plus perçues comme des partenaires à risque. « Nous sommes marginalisés », dit-il. « Ce n’est pas que nos interlocuteurs soient contre Israël, ce sont souvent des collègues juifs à l’étranger, mais ils sentent que l’environnement est devenu toxique. »

La perception internationale d’Israël semble avoir basculé. Si les conflits passés avaient déjà suscité des tensions, le contexte actuel – combinant guerre prolongée, crise humanitaire à Gaza, et image négative dans les médias – a intensifié la méfiance. Ce rejet, souvent silencieux, se traduit par des retraits de projets, des négociations interrompues ou des investissements reportés. Les conséquences sont difficiles à mesurer précisément, car il est plus simple de comptabiliser les accords conclus que les opportunités perdues.

Un exemple emblématique est l’annulation de l’entrée en Israël de la chaîne britannique Pret A Manger, dont le projet d’implantation, en partenariat avec la société israélienne Fox, a été stoppé en 2024. Le retrait a été officiellement justifié par un « cas de force majeure » lié à la guerre. Mais la Fox y a vu une soumission à la campagne de boycott anti-israélienne lancée au Royaume-Uni.

Des multinationales sous pression
Les pressions ne se limitent pas aux investisseurs. Plusieurs multinationales comme McDonald’s, KFC ou Starbucks ont été confrontées à des boycotts massifs à travers le monde pour leurs liens réels ou supposés avec Israël. Le PDG de McDonald’s a reconnu que ces campagnes avaient significativement impacté leurs performances au Moyen-Orient et ailleurs.

Dans le secteur technologique, les tensions internes grandissent également. Chez Google, Amazon et Microsoft, des employés ont publiquement dénoncé les liens de leurs employeurs avec l’État israélien. Chez Google, certains salariés ont même été arrêtés après avoir organisé des sit-in dans les locaux de l’entreprise, appelant à couper tout lien avec le projet de cloud du gouvernement israélien. Des événements similaires ont éclaté chez Microsoft, avec des interruptions lors d’interventions de dirigeants.

Les marchés asiatiques se ferment
La méfiance vis-à-vis d’Israël ne se limite pas à l’Europe ou au Moyen-Orient. En Asie, notamment au Japon et en Chine, les signaux sont clairs : les opportunités se tarissent. Au Japon, plusieurs entreprises ont suspendu leurs relations commerciales avec Israël sans décision officielle, mais par simple crainte d’être impliquées dans un conflit qu’elles ne comprennent pas ou ne veulent pas soutenir.

Selon Mickey Barnea, « les Japonais préfèrent rester à l’écart, quitte à perdre des occasions commerciales ». Même constat en Chine, où les projets communs s’éteignent discrètement. Le flux d’investissements chinois s’est réduit à néant, sans déclaration politique mais avec des effets bien visibles.

Le cyber, seul secteur en croissance
Malgré cette conjoncture, Israël conserve une position dominante dans un domaine : la cybersécurité. Le pays continue d’attirer des investissements massifs, représentant plus de 40 % des fonds levés dans la high-tech israélienne en 2024. Ce secteur, reconnu pour son excellence technique, reste épargné – pour l’instant – par les considérations géopolitiques.

Pour Ron Tzur, économiste et conseiller dans le domaine de l’innovation, c’est le seul secteur où Israël bénéficie d’un réel avantage comparatif difficilement remplaçable. Cela explique pourquoi les entreprises étrangères, même critiques, continuent d’y investir.

Mais cette réussite illustre aussi l’ampleur du déséquilibre. Les fonds d’investissement privilégient désormais des sociétés très matures, délaissant les startups en phase initiale. Hors cybersécurité, les jeunes entreprises peinent à lever des capitaux. La vitalité de l’écosystème israélien en est affectée.

Vers un isolement économique progressif
Le phénomène est plus profond qu’une simple baisse d’investissements. Il s’agit d’une transformation des mentalités. « Aujourd’hui, faire affaire avec Israël devient un acte risqué, socialement et commercialement », explique Barnea. « Les entreprises qui ont le choix optent pour des partenaires qui ne leur posent pas de problème d’image. »

Cet isolement discret mais progressif touche également le monde académique. Le boycott des chercheurs israéliens se répand dans les universités, où il est facile de choisir d’autres experts sans payer le prix politique d’un partenariat avec Israël. Dans les secteurs où la compétitivité israélienne est moyenne, les alternatives sont vite préférées.

Une économie sous tension
Malgré tout, les données macroéconomiques ne montrent pas encore d’effondrement. En 2024, les exportations israéliennes vers l’Europe n’ont baissé que de 2,5 %, atteignant tout de même 38 milliards de dollars. La technologie et les services de recherche compensent en partie le recul des exportations industrielles.

Mais Barnea alerte : les effets se feront ressentir plus tard. « Nous dépendons fortement des capitaux étrangers, et s’ils se tarissent, cela affectera tous les Israéliens. La hausse des prix, la pression sur le budget de la défense et la baisse des investissements peuvent conduire à une situation critique. »

Ron Tzur se veut plus optimiste : « Israël a déjà traversé d’autres tempêtes. Nos fondamentaux restent solides. Mais il ne faut pas ignorer les signaux faibles d’un désengagement international. »

Alors que les tensions régionales se poursuivent, Israël fait face à un défi inédit : maintenir sa position économique dans un monde où sa légitimité commerciale est de plus en plus contestée, non par les armes, mais par les marchés.

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