Deux docteurs de l’Université hébraïque – un musulman et un juif – ont étudié et travaillé ensemble pour cofonder une start-up spécialisée dans les nanotechnologies capable de connecter des fibres optiques à des puces photoniques sur silicium pour assurer le transfert de données de nouvelle génération à la vitesse de la lumière.
« Nous n’allons pas régler pas les problèmes du Moyen-Orient, mais avec notre projet, nous allons régler ceux tenant à la connexion des fibres aux puces et à la consommation d’énergie, ce qui est essentiel pour répondre aux besoins de transfert de données à haut débit, à faible latence et à faible consommation pour les technologies et applications d’intelligence artificielle (IA) et d’apprentissage automatique (ML), qui évoluent très rapidement », explique au Times of Israel Hesham Taha, PDG et cofondateur de Teramount.
Selon M. Taha, l’invention de Teramount permet de faire disparaitre les goulets d’étranglement en matière de connectivité et de données et de suivre le rythme toujours plus rapide qu’impose la révolution de l’IA. La start-up mêle des acteurs d’horizons très différents – juifs et arabes – qui réfléchissent ensemble pour trouver des solutions, dans un environnement de travail où ils sont à égalité.
La start-up fondée à Jérusalem emploie une quarantaine de personnes, dont près de 30 % d’Arabes, principalement originaires de Jérusalem-Est : on trouve parmi eux des concepteurs d’optiques et de puces ainsi que des ingénieurs mécaniques et logiciels.
« La coexistence n’est pas l’ambition première de Teramount mais c’est tout naturellement qu’elle réunit en un même endroit des personnes d’horizons différents pour réfléchir et trouver des solutions ensemble, ce qui donne l’occasion à chacun de voir des gens qui sont comme eux mais qui parlent une autre langue », poursuit Taha.
Taha est née à Bu’eine Nujeidat, dans le nord d’Israël, d’un père ouvrier du bâtiment et d’une mère femme au foyer – une famille typique du village, explique-t-il. Issu d’une fratrie de huit, il a été le premier élève de sa classe à obtenir son diplôme d’études secondaires et le premier de sa famille à faire des études universitaires. Il a étudié la physique à l’Université hébraïque de Jérusalem en 1995 et fait un doctorat en physique appliquée.
Le dispositif de connectivité Teraverse de la startup israélienne Teramount pour l’assemblage de fibres optiques sur des puces photoniques de silicium. (Autorisation)
« J’aimais la physique, et à l’époque, je pensais à devenir enseignant », se souvient Taha. « Travailler dans le secteur de la haute technologie était loin de mes pensées et quasiment hors de portée. »
« Dans les années 1990, la plupart des études liées à la physique menaient surtout à des entreprises de type sécurité », ajoute-t-il.
C’est lors de ses études, qui le confrontent à des difficultés d’ordre culturel et linguistique, qu’il rencontre son collègue physicien Avi Israel. Les deux hommes deviennent amis et, après avoir travaillé chez Nanonics Imaging, à Jérusalem, ils se lancent ensemble pour fonder Teramount.
Créée en 2013, la société se fait connaitre en 2015 à la faveur de fonds versés par des investisseurs et, plus tard, par l’Autorité israélienne de l’innovation elle-même. La startup a développé un dispositif technologique permettant de connecter des fibres optiques à des puces de silicium afin de transférer très rapidement des téraoctets de données pour les applications d’IA de nouvelle génération et les applications de calcul haute performance qui requièrent toutes deux une bande passante particulièrement élevée.
L’intelligence artificielle – cette technologie qui donne aux ordinateurs la capacité d’apprendre – existe depuis les années 1950. Mais ces dix dernières années, le secteur a connu un regain d’intérêt grâce à l’énorme quantité de données disponibles en ligne et à la puissance de calcul démultipliée des puces. Dans le même temps, les géants de la technologie, de Nvidia à Intel, se sont lancés dans la course pour développer et construire des infrastructures et des centres de données afin de soutenir des systèmes de calcul de haute puissance nécessaires à l’exécution de modèles d’IA.
« Le calcul avancé, et plus particulièrement l’IA, nécessite des performances de calcul élevées combinant des dizaines de milliers de processeurs ou de GPU hautes performances », explique M. Taha. « Le principal problème survient lorsque l’on tente de connecter tous ces cerveaux pour qu’ils pensent ensemble simultanément et soient synchronisés. »

Illustration de câbles à fibres optiques. (kynny via iStock par Getty Images)
« Jusqu’alors, on s’appuyait sur des fils de cuivre pour transmettre des données entre processeurs avec des signaux électriques, mais on avait du mal à répondre aux demandes de bande passante requises par les IA modernes, lesquelles consomment beaucoup d’énergie et ralentissent le transfert de données », ajoute-t-il.
La photonique sur silicium – une technologie qui utilise la lumière, au lieu de l’électricité, pour transmettre des données – est une technologie très demandée car elle promet d’accélérer considérablement le transfert de données sur le réseau. Elle permet de traiter et transférer des données beaucoup plus rapidement que ne le font les conducteurs électriques, pour une informatique plus économe en énergie.
« Teramount permet de lever ces restrictions en remplaçant les connexions en cuivre entre processeurs par des connecteurs optiques ou des fibres optiques », poursuit Taha. « La légèreté d’un transfert de données par fibre optique permet de multiplier par plus de 10 les débits et économiser 70 % d’énergie. »
« Presque toutes les grandes entreprises de semi-conducteurs dans le monde travaillent activement pour intégrer ce type de connectivité, donc pour Teramount, c’est le moment idéal », fait-il remarquer.
La startup a annoncé mardi la levée de 50 millions de dollars de fonds grâce au nouvel investisseur Koch Disruptive Technologies (KDT). Des investisseurs existants, dont Grove Ventures, et plusieurs nouveaux investisseurs stratégiques, dont AMD Ventures, Hitachi Ventures, Samsung Catalyst Fund et Wistron, ont également rejoint le tour de table.
Parmi les bailleurs de fonds privés de la start-up se trouve le président de Teramount, Dadi Perlmutter, ex-cadre supérieur du géant des puces Intel et investisseur avisé.

Illustration : Une puce photonique en silicium CMOS. (Avec l’aimable autorisation d’IBM Research/AP)
Taha signale que le produit sera utilisé pour augmenter les capacités de production de masse de millions de ses dispositifs d’unité de connexion – qui relient les fibres optiques provenant de l’extérieur du rack aux puces photoniques sur silicium – et se préparer à répondre à la demande croissante attendue dès 2027. La startup prévoit également d’augmenter ses effectifs de 30 % pour passer à une soixantaine d’employés d’ici la fin de l’année.
Selon les données de MarketAndMarket, en 2025, le marché de la photonique sur silicium a atteint 2,65 milliards de dollars, en raison de la forte demande enregistrée pour ces composants. La valeur marchande de la photonique sur silicium devrait atteindre 9,65 milliards de dollars d’ici 2030.
« Nous travaillons avec des partenaires de tout premier plan, dont des fonderies mondiales, comme par exemple Tower Semiconductor, qui sont nos partenaires au sein de l’écosystème », conclut M. Taha.
« Nous voulons être présents sur toutes les puces du monde pour l’informatique avancée, car les interconnexions optiques sont des composants essentiels de l’avenir des infrastructures d’IA et d’autres applications à hautes performances. »
La source de cet article se trouve sur ce site