L’ambassade française en Irak est au centre d’un litige judiciaire, sur fond de « spoliation de biens juifs » par les autorités irakiennes. « Malheureusement, la République française squatte un immeuble qui n’est pas le sien », dénonce Me Jean-Pierre Mignard, représentant les ayants droit des propriétaires juifs d’Irak émigrés au Canada.
Me Mignard a saisi le tribunal administratif de Paris d’une requête sur le fond en mai 2024 puis, en février 2025, d’une requête en référé provision, soit une procédure accélérée. « Nous sommes toujours en attente d’une date pour les deux procédures », indique l’avocat.
21,5 millions d’euros réclamés
Dans la requête en référé provision dont l’AFP a eu connaissance, Me Mignard demande au nom des ayants droit près de 21,5 millions d’euros, au titre de loyers impayés – depuis 1969 pour le loyer principal et depuis 1974 pour un montant complémentaire – et préjudice moral.
« Mes clients ne sont pas voraces ni cupides, longtemps ils n’ont d’ailleurs pas voulu médiatiser l’affaire car ils sont francophiles, mais nous sommes face à une hypocrisie française », expose Me Mignard.
Cet avocat déplore qu’en dehors des efforts de Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères entre 2017 et 2022 et parti avant d’avoir trouvé une solution, « cette histoire n’empêche manifestement personne de dormir au Quai d’Orsay ».
Une location conforme à la législation irakienne
Propriétaires de ce bâtiment de Bagdad aux murs ocre et colonnes néoclassiques, les frères Ezra et Khedouri Lawee, membres de la communauté juive d’Irak, émigrent au Canada à la fin des années 1940, en plein exode des juifs d’Irak. Mais la résidence reste dans leur patrimoine malgré leur exil.
L’ambassadeur de France en Irak signe un premier contrat de location avec les frères Lawee en 1964, prenant effet en 1965 pour cet immeuble de 3.800 m2 avec son terrain de 1.150 m2, selon un argumentaire du ministère français des Affaires étrangères, auquel l’AFP a eu accès.
Si l’administration française a conclu dans les années qui suivent des contrats de location avec les autorités irakiennes, c’est que les propriétaires historiques ont été privés de leurs fonds immobiliers par des législations irakiennes concernant les juifs ayant quitté l’Irak, s’y défend le Quai d’Orsay. « Nous sommes typiquement dans une situation de biens juifs spoliés, qu’on occupe sans vergogne et sans payer de loyer aux vrais propriétaires », s’indigne Me Mignard.
Obtenir « un geste » de l’Irak
Dans leur argumentaire, les autorités françaises mentionnent des courriers d’Ezra Lawee en 1975 et en 1977 pour obtenir le règlement de loyers impayés et y opposent une loi de 1968 sur la prescription de créances de l’Etat français.
« Payer un loyer à la famille Lawee et ses ayants droit aurait été un geste qui aurait montré que la République française n’était pas dans la connivence d’un acte de dépossession aux dépens d’une famille parce qu’elle est juive, acte que nous ne pouvons pas tolérer », insiste Me Mignard.
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Au regard des « bonnes, voire excellentes, relations de la France avec l’Irak », Me Mignard estime que la France « pourrait obtenir un geste de l’Irak, pour que dorénavant le sort de cet immeuble soit strictement lié à un rapport entre la famille Lawee/Khazzam et la France ».
L’avocat pense qu’ « aller devant un tribunal irakien n’a pas de sens » : « A notre avis, il n’est pas compétent, c’est un tribunal français qui l’est. » Ce que conteste le Quai d’Orsay dans son argumentaire, soutenant que le bail n’est pas couvert par le droit français et que ce litige relève des autorités locales irakiennes.
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