Sept mois d’existence et déjà une deuxième levée de fonds qui s’élève à plusieurs centaines de millions d’euros. Mistral AI, la start-up française d’intelligence artificielle créée en mai par des pointures du secteur, a annoncé dimanche avoir levé 385 millions d’euros, devenant ainsi l’une des deux championnes de l’IA en Europe. Après les 105 millions déjà levés en juin, ce second tour de financement valorise la société à quelque 2 milliards de dollars, selon des sources financières, ce qui la propulse parmi les licornes françaises, ces sociétés de la tech valorisées à plus d’un milliard d’euros.
L’émergence d’acteurs européens de l’IA intervient alors que l’UE vient de s’accorder vendredi sur une future régulation du secteur, sans brider l’innovation européenne. La France et l’Allemagne craignaient qu’une régulation excessive ne tue dans l’œuf leurs champions naissants.
« Créer un champion européen à vocation mondiale dans l’intelligence artificielle »
« Depuis la création de Mistral AI en mai, nous suivons une ambition claire : créer un champion européen à vocation mondiale dans l’intelligence artificielle […], a déclaré son patron, Arthur Mensch, cité dans le communiqué du groupe. En Europe, seule l’allemande Aleph Alpha est aussi richement dotée, après avoir levé début novembre près de 500 millions d’euros. En Allemagne, la levée de fonds pour soutenir la pépite nationale avait été dirigée par des industriels allemands (Bosch, Lidl, Burda) et accompagnée par des étrangers. Robert Habeck, ministre allemand de l’Economie, avait alors déclaré qu’il s’agissait d’une étape importante pour « assurer notre souveraineté dans le secteur de l’intelligence artificielle ».
Parmi les bailleurs de fonds de Mistral AI, figurent l’éditeur américain de logiciels Salesforce, la banque BNP Paribas, le transporteur CMA CGM, indique la start-up dans son communiqué. Selon des sources du secteur, le groupe Nvidia, spécialiste mondial des puces pour supercalculateurs, est aussi partie prenante. « Nous gardons le contrôle du board », précise aux Echos Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI, qui reste aussi majoritaire avec ses associés à l’occasion de sa seconde levée de fonds.
Lors du premier tour de Mistral AI, c’est l’américain Lightspeed Venture qui a capté la majeure partie du capital (10 %). Cette fois-ci, c’est Andreessen Horowitz, le fonds de capital-risque californien star de la Silicon Valley, qui dirige la levée. Selon Bloomberg, le fonds aurait injecté, à lui seul, environ 200 millions d’euros, suivi de Lightspeed. Mobiliser les plus grands acteurs de la Silicon Valley démontre l’engouement suscité par Mistral AI en moins d’un an d’existence. La presse américaine la cite déjà comme un potentiel rival d’Open AI, à l’origine de ChatGPT.
Un langage en open source
Comme beaucoup de ses concurrentes, Mistral AI, qui compte désormais 22 salariés, pour la plupart des ingénieurs experts en intelligence artificielle, propose aux entreprises des modèles de langage en « open source » nourris de données publiques. Contrairement à OpenAI, les modèles d’intelligence artificielle développés par Mistral AI peuvent donc être améliorés par n’importe quel développeur dans le monde. Son principal atout est d’avoir été cofondée par trois experts français de l’IA, formés à l’X ou à l’ENS, embauchés par les géants américains mais revenus à Paris.
Le PDG, Arthur Mensch, 31 ans, polytechnicien et normalien, a passé près de trois ans chez DeepMind, le laboratoire d’IA de Google. Ses associés viennent de Meta (Facebook) : Guillaume Lample est l’un des créateurs du modèle de langage LLaMA dévoilé par Meta en février, et Timothée Lacroix était lui aussi chercheur chez Meta.
Un soutien politique solide
Dès sa création, Mistral AI a conquis les milieux politiques et économiques français. Arthur Mensch était en juin seul avec Emmanuel Macron sur la scène de Vivatech, le grand salon européen de la tech. Dès son premier tour de table, mené par le fonds américain Lightspeed Venture, plusieurs grands patrons se sont penchés sur son berceau : Xavier Niel, le propriétaire de Free, Rodolphe Saadé, le patron de CMA CGM, ainsi que l’ex-PDG de Google Eric Schmidt. Le gouvernement est visiblement attentif à ce nouvel acteur, dont l’ex-secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O est « conseiller cofondateur » ainsi que membre du Comité interministériel sur l’IA générative créé en septembre par Elisabeth Borne.
L’Europe est jusqu’ici très largement dépassée par les Etats-Unis dans la course à l’IA. Open AI et son produit phare ChatGPT, financée par Microsoft, a mobilisé plusieurs milliards de dollars. Ses rivaux ne sont autres que Google, qui vient de sortir son modèle Gemini, ainsi qu’Amazon et Meta. La levée de fonds de Mistral AI est d’autant plus notable que les financements ont dégringolé en 2023. Il s’agit du deuxième record de l’année en France, après les 850 millions d’euros du fabricant de batteries électriques Verkor en septembre.
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