Les intellectuels d’Alep estiment que la tentative de la Turquie de se présenter comme ayant changé de position sur la question kurde reflète sa conscience de son propre échec et de son incapacité à s’extirper du bourbier qu’elle a créé.
Des Intellectuels d’Alep ont réalisé une évaluation avec l’agence ANHA sur les récentes déclarations de la Turquie selon lesquelles elle cherche une solution à la question kurde, tout en ayant recours à la force militaire et en poursuivant ses attaques contre les populations du nord et de l’est de la Syrie. Les penseurs d’Alep ont souligné la contradiction de l’approche d’Ankara. Ils estiment que la rhétorique de la Turquie ne correspond pas à ses actes, révélant une stratégie politique plutôt qu’un véritable changement de politique.
La négation de toute identité autre que Turque
Shirin Sheikho, membre du Forum culturel d’Alep, a déclaré : « Les opérations militaires en cours de l’État turc dans le nord et l’est de la Syrie, associées à son discours public affirmant son engagement à résoudre la question kurde, ne changent rien à la réalité selon laquelle la Turquie reste profondément nationaliste et refuse de reconnaître toute identité autre que la sienne. »
Madame Cheikho a expliqué que l’évolution du discours turc est principalement motivée par ses ambitions politiques : « Ankara craint d’être mise à l’écart dans le paysage géopolitique émergent du Moyen-Orient. En conséquence, elle a opté pour des concessions tactiques (par crainte de l’Administration Trump ?), exploitant la question kurde pour maintenir son influence régionale tout en offrant des promesses creuses. »
Öcalan autorisé à parler à travers les barreaux de sa prison ?
Sheikho a également souligné la récente décision de la Turquie d’autoriser le leader Öcalan à communiquer, suggérant qu’il ne s’agissait pas d’un signe de bonne volonté mais plutôt d’une tentative désespérée de détourner l’attention internationale de ses politiques agressives envers les Kurdes : « Ce n’est pas un acte de réconciliation, mais plutôt une manœuvre d’un État qui se trouve acculé. La Turquie est au bord du gouffre et utilise de tels gestes comme une diversion. »
Elle a également souligné la position contradictoire de la Turquie : « Alors qu’elle prétend soutenir la paix, la Turquie poursuit ses interventions militaires à Başûr (Kurdistan irakien), à Sinjar et dans le nord et l’est de la Syrie. Ses actes restent en contradiction avec ses paroles et elle n’a pas réussi à créer les conditions nécessaires à une véritable résolution de la question kurde. »
Un parallèle avec la « question palestinienne » du point de vue saoudien ?
Enfin, Sheikho a souligné les implications plus larges des conflits non résolus dans la région : « Nous sommes fermement convaincus qu’une paix durable au Moyen-Orient commence par la résolution des questions palestinienne et kurde. Ne pas résoudre ces questions fondamentales ne fera que perpétuer le cycle des crises dans la région. »
Mohammed Ali Mohammed, militant politique, membre du Parti démocratique kurde syrien et participant au Forum culturel d’Alep, a analysé les récentes déclarations de la Turquie : « Ankara n’assouplit pas sa position par bonne volonté ou par engagement à résoudre la question kurde, elle le fait pour se sauver de l’abîme. »
La longévité de l’AKP autoritaire d’Erdogan ne garantit pas qu’il ne s’effondrera pas
Il a souligné que tous les régimes autoritaires finissent par s’effondrer, quelle que soit leur longévité : « L’histoire nous enseigne que la dictature mène toujours à la chute. Les nations et les États ne progressent qu’après la chute des régimes oppressifs. Le sort de la Turquie en tant que force d’occupation ne sera pas différent, même si elle n’a pas encore reconnu cette réalité. »
Mohammed a souligné l’agression militaire continue de la Turquie contre les Kurdes : « Ankara s’accroche toujours à sa stratégie militaire, cherchant à effacer l’identité kurde parce qu’elle perçoit les Kurdes comme une menace pour son idéologie nationaliste. En commettant des massacres et en facilitant la division du Kurdistan par le biais de traités internationaux, la Turquie a systématiquement nié aux Kurdes leurs droits les plus fondamentaux et écrasé leurs aspirations à l’autodétermination. »
La Turquie d’Erdogan se serait créé un bourbier dont elle ne parvient plus à s’extirper
Mohammed a affirmé que les ambitions de la Turquie sont finalement vaines : « Par ces tactiques, la Turquie a tenté d’éliminer le peuple kurde, d’effacer son histoire et de redessiner sa géographie. Mais elle a échoué et continuera d’échouer. Consciente que la force militaire n’a pas donné les résultats escomptés, la Turquie tente désormais d’adoucir sa rhétorique pour éviter un nouvel examen international. »
Il a également exposé la duplicité de la Turquie : « Ses frappes de drones et ses gangs supplétifs ciblant le nord et l’est de la Syrie révèlent ses véritables intentions. La Turquie ne prend pas la paix au sérieux – elle a simplement épuisé ses options militaires et recourt maintenant à une rhétorique creuse. Toute cette stratégie n’est rien d’autre qu’une tentative d’échapper au bourbier qu’elle s’est elle-même créé par la violence injustifiée. »
Internationalisation de la question kurde, via la main tendue de Marco Rubio ?
Mohammed a également souligné la reconnaissance internationale croissante de la lutte kurde : « La question kurde est devenue une question mondiale, débattue dans les forums et parlements locaux, régionaux et internationaux. Le peuple kurde a gagné la confiance de nombreuses sociétés grâce à son projet politique, qui offre un modèle viable de stabilité au Moyen-Orient. »
Rappelons que le président du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, et le secrétaire d’État américain Marco Rubio se sont entretenus lors de la deuxième journée de la conférence de Munich sur la sécurité (14-15 février).
Les discussions ont porté sur le renforcement du partenariat stratégique entre les États-Unis, l’Irak et la région du Kurdistan, sur le paysage sécuritaire et sur la lutte contre les menaces posées par le terrorisme, en particulier Daesh en Irak et en Syrie.
L’interventionnisme turc en Syrie vise à éliminer les Kurdes
Dans une perspective plus large, l’écrivain et membre du Forum culturel d’Alep Mohammed Qamber analyse la stratégie à long terme de la Turquie : « Un moment, la Turquie parle de paix et de justice pour les Kurdes, et le moment suivant, elle utilise la force brutale contre eux. Cette dualité est une tentative de se présenter comme un acteur bienveillant tout en maintenant ses politiques agressives. »
Qamber a souligné la contradiction entre la rhétorique de la Turquie et ses actes :
« Sur le terrain, les actions de la Turquie révèlent sa tromperie. Elle n’a jamais reconnu l’identité ni l’existence des Kurdes. Historiquement, elle a occupé les territoires kurdes en vertu de traités internationaux, modifié leur démographie et construit son État sur eux. »
Concernant l’intervention de la Turquie en Syrie, il a ajouté : « La Turquie est intervenue en Syrie sans aucune invitation ni mandat légitime. Elle s’est autoproclamée unilatéralement gardienne de la sécurité et de la stabilité de la Syrie, mais sa véritable intention est de réprimer les forces kurdes et d’éliminer complètement la présence kurde. »
ANHA
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