« Il y a un côté Las Vegas » : Ce que la décoration intérieure de Donald Trump dit de son pouvoir

Vues:

Date:

Du doré, du marbre et… encore du doré. Les photographies prises au sein des différents lieux de résidence de Donald Trump sont à la limite de devoir être regardées avec des lunettes de soleil. Que ce soit sa propriété de Mar-a-Lago, en Floride, ou son penthouse au dernier étage de la Trump Tower, à New York, le style décoratif est chargé. La Maison-Blanche n’a pas échappé à cette cohérence stylistique : le Bureau ovale est désormais couvert d’ornements dorés, de l’angelot à la fausse moulure et de nombreux portraits au mur.

Donald Trump reçoit le président polonais dans le Bureau ovale.
Donald Trump reçoit le président polonais dans le Bureau ovale.  - Joyce Boghosian/White House/ZUMA/SIPA

« Chaque président imprime sa marque dans le Bureau ovale et plus largement à la Maison-Blanche, rappelle Elisabeth Fauquert, maîtresse de conférences en histoire et culture des Etats-Unis, à l’université Paris-Nanterre. Franklin D. Roosevelt avait installé une piscine, Richard Nixon, une piste de bowling, Barack Obama avait installé un buste de Martin Luther King dans son bureau. Ces changements ont toujours une fonction politique et servent la mise en scène du pouvoir ». Trump n’échappe pas à la règle : son décor devient un message politique. Mais que lire derrière le clinquant ?

« Dictateur chic »

Déjà que le républicain a un (mauvais) goût cohérent depuis longtemps, si l’on en croit la décoration d’intérieure de ses résidences et hôtels. « Ça lui plaît d’être dans un environnement signalétique du pouvoir », souligne la chercheuse. Le milliardaire veut rappeler sa réussite économique, avec un aspect « self-made-man » qui a bâti sa légende. « Il y a un côté Las Vegas, une projection un peu cliché de ce qu’est la richesse », ajoute Elisabeth Fauquert.

Mais derrière l’ostentatoire, se cultive aussi l’image d’un pouvoir fort. Le journaliste et chroniqueur britannique Peter York a théorisé le style de décoration « dictateur chic » dans un livre après analyse des demeures « d’hommes forts » du siècle. Dans un article de Politico, il en rappelle les grands points communs : voir grand, adopter un style ancien mais avec des objets neufs, s’inspirer des intérieurs français du XVIIIe siècle ou des hôtels de luxe, privilégier l’or, le verre et le marbre, les tableaux de maîtres et les portraits, de soi notamment, les ornements et les animaux héroïques.

Donald Trump s'apprête à prendre la parole à Mar-a-Lago, durant la campagne présidentielle.
Donald Trump s’apprête à prendre la parole à Mar-a-Lago, durant la campagne présidentielle.  - Alex Brandon/AP/SIPA

Piano décoré de moulures et lustres démentiels à Mar-a-Lago, fausses coupes antiques sur la cheminée de la Maison-Blanche, chandeliers et trônes dorés dignes de Napoléon III à New York…. Pour Donald Trump, c’est un bingo. « C’est une étiquette un peu simpliste, mais qui capte un message important », nuance Elisabeth Fauquert, qui préfère le concept « d’esthétique populiste performative », défendu par le politiste australien Benjamin Moffit. « C’est une grammaire visuelle qui s’oppose au bon sens, aux codes feutrés des élites en remplaçant ces éléments de réussite économique avec des images simples, polarisantes », précise-t-elle.

Donald Trump et l'ex-Premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans sa résidence de la Trump Tower.
Donald Trump et l’ex-Premier ministre japonais, Shinzo Abe, dans sa résidence de la Trump Tower.  - Official White House Photo by Shealah Craighead/ WikiCommons

Avec cette décoration excessive et kitch, Trump assume donc son image d’un « outsider anti-élites », souligne-t-elle. Non sans références historiques, comme en témoigne le portrait d’Andrew Jackson, président de 1829 à 1837, partisan de l’esclavage et considéré comme le premier président populiste américain, accroché au mur du Bureau ovale.

Irrévérence

« Il surinvestit les symboles et les met en scène : tout est fait pour le buzz, sans aucune limite, expose Elisabeth Fauquert. Il met en avant un rapport irrévérencieux à l’histoire et à ce que représente la Maison-Blanche, dans le style « je fais ce que je veux chez moi » ». Une excentricité qui va jusqu’à l’installation dans le Bureau ovale d’un bouton pour obtenir directement du soda light.

La décoration tapageuse de Mar-a-Lago, considérée de plus en plus comme une Maison-Blanche alternative, est aussi un signal de rupture avec Washington et son architecture sobre et monumentale. « Il cultive la grammaire populiste, spécifiquement celle du sud conservateur », appuie encore la spécialiste en histoire et culture américaine. Et pour se sentir en Floride partout, la roseraie de la maison présidentielle a laissé la place à une terrasse recouverte de dalles de marbre. Ces dernières sont surmontées d’un mobilier de jardin jaune et blanc, similaire à celui de la propriété du président.

Ambiance
Ambiance « garden party » dans la cour de la Maison-Blanche.  - CNP/NEWSCOM/SIPA

Donald Trump ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. En juillet, la présidence américaine a annoncé la construction d’une future salle de bal à 200 millions de dollars dans l’aile Est de la Maison-Blanche. Les travaux vont être lancés, financés par des fonds privés et par Trump lui-même, en septembre. D’une taille de 8.300 mètres carrés, la pièce pourra accueillir jusqu’à 650 personnes assises et ressemblera à un édifice blanc flanqué de colonnes selon les premières maquettes.

Retrouvez ici tous nos articles sur Donald Trump

« C’est une mise en scène centrale de l’exercice du pouvoir et aussi une autre manière de fabriquer l’image d’une communauté fusionnelle autour d’un chef : Trump est un habitué des shows, des rallyes, des galas », souligne Elisabeth Fauquert, à l’instar des nombreux événements organisés durant la campagne présidentielle. Ou quand Vegas rencontre Versailles.

La source de cet article se trouve sur ce site

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

PARTAGER:

spot_imgspot_img
spot_imgspot_img