L’année 2004 marque un tournant dans l’histoire de Gaza et dans les relations entre Israël et ses voisins palestiniens. Au cœur de cette période se trouve une décision historique, celle du gouvernement israélien d’évacuer les colonies juives de Gaza dans le cadre du Plan de Désengagement unilatéral mis en place par le Premier ministre Ariel Sharon, soutenu par plusieurs figures politiques israéliennes, dont Shimon Peres. Cette décision, qui visait à réduire la présence israélienne dans la bande de Gaza, a eu un impact majeur sur la région, sur la société israélienne et sur les relations israélo-palestiniennes.
1. Le Contexte de Gaza en 2004
Gaza, territoire d’une grande densité démographique, était sous contrôle israélien depuis 1967, après la guerre des Six Jours. Après cette guerre, Israël a établi plusieurs colonies juives dans cette région, malgré la forte majorité palestinienne qui y vivait. Ces colonies étaient un point de friction constant avec les Palestiniens et au fil des années, la situation de Gaza est devenue de plus en plus conflictuelle.
À partir des années 2000, la situation s’est détériorée avec l’intensification des attaques terroristes palestiniennes, notamment les attentats suicides et les tirs de roquettes depuis Gaza vers le sud d’Israël. En réponse, Israël a mis en place des mesures de sécurité de plus en plus strictes, y compris un blocus militaire et économique autour de Gaza, augmentant les tensions entre les deux peuples.
Le 12 mai 2004, le Premier ministre israélien Ariel Sharon annonce un projet ambitieux et controversé : le « Plan de Désengagement Unilatéral » (ou « Plan de désengagement de Gaza »). L’objectif de ce plan était de retirer les troupes israéliennes et les colons de la bande de Gaza, tout en maintenant un contrôle sur l’espace aérien, maritime et la sécurité. En fait, il s’agissait d’un retrait de l’armée israélienne et d’une évacuation des colonies juives de Gaza. Ce plan a été officiellement adopté en août 2005, mais les préparations et les décisions ont été amorcées dès 2004.
2. Le Rôle de Shimon Peres dans le Retrait de Gaza
Shimon Peres, alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement israélien, a joué un rôle clé dans la mise en place et la promotion de ce plan. Bien que Peres fût souvent perçu comme un défenseur de la paix et du processus de négociation avec les Palestiniens, son soutien au retrait de Gaza était motivé par des considérations stratégiques complexes.
Peres croyait que la présence israélienne dans Gaza était devenue de plus en plus insoutenable sur le plan militaire et diplomatique. La guerre, les attentats et l’isolement international d’Israël avaient conduit à un climat de guerre permanente. Il était convaincu que le retrait des colonies et de l’armée israélienne de Gaza permettrait de réduire les tensions et ouvrirait la voie à une nouvelle dynamique politique, même si cela signifiait une action unilatérale sans l’accord préalable des Palestiniens. Il estimait que ce retrait pourrait être une manière de se réorienter vers la Cisjordanie tout en offrant un « geste de paix » à la communauté internationale et aux Palestiniens.
Cela a conduit à une division interne au sein du gouvernement israélien. Ariel Sharon, bien que plus pragmatique que certains membres de son propre parti, a vu dans ce plan une manière de « dégager » Gaza de manière à ne pas se retrouver empêtrés dans une zone où l’armée israélienne devait assurer la sécurité des colonies, souvent sous attaque. Ce plan a été conçu comme une tentative de se réorganiser stratégiquement, sans toutefois cesser de contrôler Gaza totalement.
3. Les Colonies Juives de Gaza et leur Évacuation
En 2004, Gaza comptait environ 8 000 colons juifs vivant dans 21 colonies établies au sein du territoire palestinien. La décision de les évacuer a suscité de vives réactions en Israël. De nombreux colons voyaient leur présence à Gaza comme un acte de foi et un droit légitime, en particulier ceux établis dans des colonies comme Netzarim, qui étaient au cœur de la bande de Gaza et symbolisaient un territoire juif dans une mer de population palestinienne. Pour eux, le retrait représentait une défaite, un abandon de la terre d’Israël.
L’évacuation des colonies a été un processus extrêmement difficile. En août 2005, près de 9 000 colons ont été déplacés de Gaza, un nombre relativement faible par rapport à d’autres déplacements de populations dans l’histoire d’Israël, mais d’une grande portée symbolique. Des centaines de familles ont été évacuées, et certains colons ont résisté violemment aux autorités israéliennes. La scène de ces évacuations a marqué profondément la société israélienne. De nombreux colons ont vu le retrait comme un acte de capitulation face aux Palestiniens, ce qui a renforcé les tensions internes au sein de la société israélienne. En outre, ce retrait a accentué les divisions politiques au sein du pays, entre ceux qui croyaient que c’était un geste de paix et ceux qui considéraient cela comme une concession excessive.
4. Un Test pour la Cisjordanie
Le retrait de Gaza a aussi été perçu comme un test pour la Cisjordanie. En effet, ce désengagement unilatéral a été vu par certains comme un modèle pour une future séparation des territoires israéliens et palestiniens, notamment en Cisjordanie. Sharon et Peres espéraient qu’en quittant Gaza, Israël pourrait se concentrer sur la sécurisation de la Cisjordanie, une zone stratégique où la majorité des colons israéliens résidaient. De plus, le retrait de Gaza, bien qu’imparfait, visait à montrer au monde que Israël était prêt à prendre des mesures unilatérales pour réduire son emprise sur les territoires palestiniens.
Mais ce test, loin d’aboutir à une solution durable, a engendré des conséquences imprévues. L’évacuation de Gaza a non seulement créé un vide politique, mais elle a aussi facilité la montée en puissance du Hamas, qui a rapidement pris le contrôle du territoire en 2007 après avoir remporté des élections démocratiques en 2006. Ces élections, bien que considérées comme libres par la communauté internationale, ont abouti à la victoire du Hamas sur le Fatah, ce qui a profondément bouleversé le paysage politique palestinien.
Malgré cette élection démocratique, la prise de pouvoir du Hamas a été suivie par une série de conflits internes et de répressions violentes, consolidant ainsi le contrôle du Hamas sur Gaza et exacerbant les divisions internes parmi les Palestiniens. Cette situation a mis en lumière l’instabilité politique et la difficulté de gouverner Gaza, même après un retrait israélien, et a montré l’absence de solution immédiate au conflit.
5. Les Conséquences du Retrait : Une Paix Illusoire ?
L’évacuation de Gaza en 2005 a eu des effets immédiats, mais ses conséquences à long terme restent très discutées. Le retrait israélien n’a pas mené à une paix durable avec les Palestiniens, bien au contraire. Après le départ de l’armée israélienne, le Hamas, qui avait obtenu un soutien grandissant au sein de la population de Gaza, a pris le contrôle du territoire lors d’une lutte interne avec le Fatah en 2007. Dès lors, Gaza est devenue un bastion du Hamas, qui a intensifié les attaques contre Israël, notamment par des tirs de roquettes depuis Gaza, exacerbant encore plus les tensions dans la région.
D’un point de vue diplomatique, bien que l’initiative ait été perçue par certains comme un moyen de réduire la pression sur Israël, elle n’a pas conduit à une avancée significative dans le processus de paix israélo-palestinien. La situation à Gaza s’est envenimée, et les relations entre Israël et les Palestiniens ont continué à se détériorer.
6. Conclusion : Une Décision Historique et Complexe
Le retrait de Gaza en 2005, impulsé par la décision d’Ariel Sharon et soutenu par des figures comme Shimon Peres, est l’une des décisions les plus marquantes de l’histoire récente d’Israël. Envisagé comme un moyen d’éloigner les Israéliens de Gaza, il visait à minimiser les pertes humaines israéliennes et à offrir une opportunité de réorganisation stratégique. Cependant, le retrait a également révélé les profondeurs de la complexité du conflit israélo-palestinien, soulignant la difficulté d’atteindre une paix durable lorsque des questions fondamentales demeurent sans réponse.
Si le retrait a permis à Israël de se désengager physiquement de Gaza, il n’a pas suffi à instaurer une paix durable, et Gaza est devenu un théâtre de conflits récurrents.
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