Comment imaginer le « jour d’après », alors que la guerre fait rage à Gaza, que les bombes pleuvent sur le sud de cette étroite bande de terre et que l’espoir de nouvelles libérations d’otages s’éloigne avec la fin de la trêve ? Il y aura pourtant un lendemain, même si aucune des deux parties n’est encore en mesure de l’envisager. Certes, il est difficile d’imaginer ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines, tant le brouillard de la guerre obscurcit l’horizon. Mais l’exercice n’en est pas moins utile pour se projeter. Voici cinq scénarios qui nous semblent probables, à plus ou moins longue échéance. Ils suggèrent le pire, mais explorent aussi des perspectives porteuses d’espoir. D’une gouvernance internationale à la solution à deux États, voici le champ des possibles. Troisième scénario de notre dossier spécial : l’embrasement régional.
Un scénario noir pour Israël comme pour ses alliés occidentaux : le conflit à Gaza entraîne dans son sillage un embrasement de la Cisjordanie et des pays de la région avec l’entrée en guerre du Hezbollah libanais et de son allié iranien. « Tant en vies humaines qu’en destructions matérielles, ce serait désastreux pour l’ensemble des parties, anticipe Hugh Lovatt, spécialiste du Moyen-Orient à l’European Council on Foreign Relations. Et l’on assisterait à une déstabilisation régionale qui impliquerait les intérêts israéliens, américains, mais aussi probablement européens. »
Deux mois après le déclenchement de la guerre, ce scénario n’est toutefois pas le plus probable aux yeux des experts. « Si un embrasement régional avait dû se produire, il aurait, à mon sens, déjà eu lieu, juge Jean-Loup Samaan, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales. On ne peut malgré tout pas complètement exclure un risque d’escalade lié à une erreur de calcul des forces en présence, comme une frappe du Hezbollah qui tuerait de nombreux civils israéliens et conduirait à une riposte féroce d’Israël, puis à un engrenage de violence. »
Supériorité militaire
Dans un tel cas de figure, l’Etat hébreu aurait-il les capacités de faire face ? Avec son budget de défense de 23,4 milliards de dollars en 2022, Israël surpasse les dépenses militaires de l’Iran, du Liban, de l’Egypte et de la Jordanie réunis. Ses forces peuvent aussi s’appuyer sur un arsenal moderne et abondant comprenant 1 300 chars Merkava, 1 200 véhicules blindés de transport de troupes, 43 hélicoptères d’attaque et 345 avions de combat.
« L’armée israélienne est suréquipée et dispose de technologies de pointe, résume le général Richoux, ancien commandant de la 7e brigade blindée. Militairement, aucun adversaire n’est en mesure de lui tenir tête dans la région. » Malgré leurs menaces sur une possible « extension » de la guerre, l’Iran comme ses alliés se sont pour l’heure gardés de franchir le Rubicon. « Le calcul de l’Iran semble actuellement être de ne pas s’impliquer pleinement et de maintenir la tension avec Israël à un niveau calculé », confirme Ghaith al-Omari, du Washington Institute for Near East Policy.
Outre les escarmouches à la frontière du Liban conduites par le Hezbollah, les Houthis – rebelles yéménites qui revendiquent leur appartenance à « l’axe de résistance », une coalition de mouvements hostiles à Israël et soutenus par l’Iran – ont lancé ces dernières semaines plusieurs attaques de drones et de missiles contre l’Etat hébreu, et attaqué des navires commerciaux accusés d’être affiliés à Israël.
Soutien américain
Afin de dissuader toute escalade incontrôlée, les Etats-Unis ont dépêché dès le mois d’octobre deux porte-avions en Méditerranée orientale – dont l’USS Gerald R. Ford, le plus grand navire de guerre du monde – dotés chacun d’une capacité d’emport de 90 avions. « Cela équivaut à plus de la moitié de la chasse française, relève le général Richoux. Ils sont capables d’obtenir des effets militaires foudroyants en quelques minutes. »
De quoi inciter à la prudence. « Téhéran s’exposerait à la destruction de ses raffineries, de ses installations portuaires et peut-être même nucléaires », liste Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences po et spécialiste du Moyen-Orient. Quant au Hezbollah, il prendrait le risque de perdre des milliers d’hommes et des infrastructures, au moment où son agenda se concentre avant tout sur la Syrie et le Liban. »
En cas de conflit régional, le risque d’une internationalisation plus large devrait, lui aussi, rester limité. « La Chine ne se montre pas intéressée pour intervenir, souligne Jean-Loup Samaan. Et la Russie, à part accueillir une délégation du Hamas, exprime également un intérêt plus que relatif. »
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