Guerre en Ukraine : pourquoi le projet européen d’aider Kiev en s’appuyant sur des actifs russes gelés ne va-t-il pas de soi ?

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En quête d’un plan pour financer le soutien à l’Ukraine pour les deux années à venir, l’Union européenne veut utiliser les avoirs russes gelés mais cette option ne va pas de soi.

Bloqués depuis 2022, les avoirs russes immobilisés dans l’Union européenne (UE) représentent une manne financière conséquente d’environ 210 milliards d’euros, en comptant les intérêts. Les Européens voudraient utiliser cet argent pour financer leur soutien à l’Ukraine, mais cette option soulève de nombreuses questions.

Les avoirs de la Banque centrale russe dans l’Union européenne ont été immobilisés suite aux sanctions décidées par les Occidentaux après l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022.

La plupart de ces fonds se trouvent en Belgique, gérés par la société Euroclear. Ils produisent des intérêts entre 1,5 et 2 milliards d’euros par an, que les Européens ont décidé d’utiliser pour financer un prêt de 45 milliards d’euros à l’Ukraine. Plusieurs versements ont déjà été effectués.

Mais, fin octobre, les Européens se sont engagés à trouver des solutions pour financer l’Ukraine au cours des deux prochaines années, afin de garantir que Kiev ne se retrouve pas à court de ressources malgré le retrait progressif des Américains.

Il est question d’un nouveau prêt de 140 milliards d’euros pour lequel l’UE veut utiliser les quelque 185 milliards d’euros d’avoirs russes qui sont ou vont arriver à maturité cette année et sont donc disponibles sous forme liquide.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait plaidé pour une saisie pure et simple de cet argent. Mais cette éventualité constitue une ligne rouge pour de nombreux pays de l’UE, comme la France et l’Allemagne, ainsi que pour la Banque centrale européenne (BCE).

Selon le droit international, cela s’apparenterait à une confiscation, ouvrant la voie à des poursuites contre les institutions européennes, mais aussi contre Euroclear. Auprès du Monde, la directrice générale de la société de dépôt a prévenu qu’elle «n’exclurait pas» d’attaquer l’UE si elle l’obligeait à porter atteinte au droit de propriété.

Un niveau de risque élevé

L’alternative est d’emprunter ces 140 milliards d’euros auprès d’Euroclear et de les prêter à l’Ukraine. Celle-ci ne remboursera que si la Russie lui paie des réparations de guerre. Si Moscou s’y refuse, les sanctions ne seront pas levées, les actifs resteront immobilisés et l’Ukraine n’aura pas besoin de rembourser.

Il s’agirait d’une opération totalement inédite et la Commission européenne assure qu’un tel mécanisme n’est nullement une confiscation. Mais le niveau de risque reste élevé et la Belgique notamment, en tant que tutelle juridique d’Euroclear, redoute de se retrouver seule à payer les pots cassés en cas de problème.

Début octobre, le Premier ministre belge, Bart de Wever, avait appelé à la prudence lors d’un sommet européen à Copenhague, menaçant de bloquer tout le processus s’il n’obtenait par les garanties suffisantes. «Nous voulons une mutualisation des risques, car les risques sont très, très élevés. Nous pourrions être confrontés à des demandes de dizaines de millions d’euros, voire de centaines de millions d’euros», avait-il souligné.

La BCE, elle, s’inquiète d’éventuelles turbulences sur les marchés financiers, et d’une possible déstabilisation de l’euro. Ce mardi 2 décembre, elle a refusé de garantir ce prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine, portant un nouveau coup au projet.

Un sommet crucial les 18 et 19 décembre

D’après les informations du Financial Times, elle refuse de venir en aide à Euroclear si la société devait en urgence restituer les fonds et si, parallèlement, les Etats membres, aux finances publiques fragiles, ne parvenaient pas à lever des liquidités suffisamment vite.

Une telle proposition «violerait probablement les traités interdisant le financement monétaire», selon la BCE. En cas de crise de liquidité, elle serait en effet contrainte d’endosser le rôle de «prêteur de dernier ressort» à la place des Etats, ce que les textes européens interdisent.

Le délai pour trouver une solution de financement se réduit puisqu’un sommet crucial est prévu les 18 et 19 décembre à Bruxelles. Deux autres options existent mais elles représentent un coût plus important pour les Etats membres.

La première consiste à ce que les pays de l’UE financent directement l’Ukraine sous forme de dons. Dans ce cas, un minimum de 90 milliards d’euros d’ici 2027 sera nécessaire, à condition que la guerre prenne fin en 2026, et que les autres pays alliés de l’Ukraine assument le reste.

La deuxième repose sur un emprunt européen, qui aurait l’avantage de limiter l’impact direct sur les budgets nationaux. Mais, avertit Bruxelles, les intérêts de cet emprunt devront être payés par les Etats membres. Ces derniers devront également apporter des garanties solides, et donc représentant un coût pour leurs budgets, au cas où l’Ukraine ne serait pas en mesure de rembourser ce prêt, a précisé la Commission.

Ces différentes alternatives seront discutées par les 27 les 18 et 19 décembre. Une autre solution pourrait être de mélanger plusieurs options, au moins à court terme, en ayant par exemple recours à des dons directs et dans le même temps à un emprunt limité.

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