Que se passe-t-il en mer Baltique ? Deux câbles de télécommunications sous-marins ont été abîmés dimanche et lundi entre la Finlande et l’Allemagne d’une part, la Suède et la Lituanie d’autre part. « On est clairement sur un acte de guerre hybride », assure à 20 Minutes l’analyste politique Louis Duclos, ces incidents étant notamment survenus juste après l’autorisation donnée par Joe Biden aux Ukrainiens d’utiliser des missiles ATACMS sur le territoire russe. Voici ce que l’on sait ce vendredi sur cette affaire, qui agite les pays concernés.
Quels sont ces câbles qui ont été endommagés ?
Le « C-Lion1 », câble sous-marin de 1.172 kilomètres reliant Helsinki à Rostock, port de la mer Baltique du nord-est de l’Allemagne, a été rompu lundi, selon son opérateur, le groupe technologique finlandais Cinia. Cette rupture, localisée au sud de l’île d’Öland dans les eaux suédoises, à quelque 700 km d’Helsinki, a entraîné la coupure de toutes les connexions par fibre de ce câble. Dimanche matin, un autre câble de télécommunication, le « Arelion », reliant l’île suédoise de Gotland à la Lituanie, avait aussi été endommagé, a expliqué mardi Audrius Stasiulaitis, porte-parole de la filiale lituanienne de l’opérateur suédois Telia.
Ces ruptures de câbles n’ont pas eu d’effet majeur : le trafic internet via l’« Arelion » a notamment été rerouté en recourant à d’autres liaisons internationales et les clients ne sont pas affectés, a dit un porte-parole de la filiale lituanienne de l’opérateur suédois Telia. La police finlandaise a ouvert une enquête et « s’efforce d’établir ce qui s’est passé lors de l’incident », a-t-elle annoncé dans un communiqué. Le ministre suédois de la Défense civile Carl-Oskar Bohlin a assuré mardi que les autorités compétentes de son pays enquêtaient également sur ces incidents.
La Russie et la Chine dans le viseur
Ces deux incidents ont ravivé les soupçons de « sabotage » et de « guerre hybride » avec la Russie. Réunies à Bruxelles lundi, les ministres des affaires étrangères d’Allemagne, Annalena Baerbock, et de Finlande, Elina Valtonen, ont évoqué la menace russe. « Notre sécurité européenne n’est pas seulement menacée par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine mais aussi par les guerres hybrides menées par des acteurs malveillants », ont-elles estimé. Le Kremlin a jugé mercredi « risible » et « absurde » d’accuser la Russie.
Un navire chinois, le Yi Peng 3, qui avait quitté le port russe d’Oust Louga, à l’ouest de Saint-Pétersbourg, le 15 novembre, pourrait avoir joué un rôle dans les deux incidents, où il a été localisé lorsqu’ils sont survenus. La marine danoise s’y intéresse en tout cas de très près, et surveille désormais le bateau chinois, à l’arrêt depuis mardi soir dans le Kattegat, entre le Danemark et la côte ouest de la Suède.
Son sort semble suspendu à l’évolution de l’enquête judiciaire suédoise mais également aux contacts diplomatiques entre pays concernés, en particulier Danemark, Chine et Suède, en raison de sa localisation dans les eaux internationales. De son côté, la diplomatie chinoise a rejeté tout soupçon.
« La marine royale danoise n’a pas encore arraisonné le navire qui se trouve dans les eaux territoriales internationales, explique ce vendredi à 20 Minutes Louis Duclos, analyste géopolitique. Mais il ne pourra pas repartir comme cela, car en ce qui concerne le câble entre l’île suédoise et la Lituanie, il se trouvait vraiment à la verticale du câble au moment où il y a eu l’incident, tout laisse donc penser que c’est ce navire qui a causé les dommages, certainement en laissant traîner l’ancre. »
Pourquoi saboter ces câbles de communication ?
« Il faut analyser le timing dans lequel cet incident intervient, explique encore Louis Duclos. Biden autorise l’utilisation de missiles ATACMS sur le territoire russe, et le lendemain ces câbles sont sectionnés. On est clairement sur un acte de guerre hybride, même si Russie et Chine n’admettront jamais qu’ils ont fait cela. » Reste toutefois à éclaircir la mécanique qui s’est enclenchée pour que ce soit un bateau chinois qui se retrouve en cause. « On manque encore d’éléments, admet l’analyste. La Chine a-t-elle vraiment quelque chose à voir dans tout cela ? Est-ce une manière pour elle de soutenir la Russie ? Le sujet est très sensible, et il y a très peu d’informations qui filtrent. »
Pour Louis Duclos, il ne fait en tout cas aucun doute qu’il s’agit de « dissuasion. » Le Kremlin montre ainsi qu’il a « la capacité de couper les communications entre ces membres de l’Otan, qu’il peut ainsi s’en prendre aux infrastructures critiques de ces pays en cas de conflit. » Mais il s’agit également « de communication », à l’instar du missile balistique envoyé jeudi sur Dnipro.
Moscou voit de son côté l’augmentation de la présence de l’Otan près de ses frontières comme une provocation et une menace pour sa sécurité. Avec l’adhésion de la Suède, après celle de la Finlande, tous les États riverains de la mer Baltique, à l’exception de la Russie, sont désormais membres de l’Alliance atlantique.
Comment réagissent ces pays face à la multiplication des incidents en mer Baltique ?
Les tensions en mer Baltique ont augmenté depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. En octobre 2023, un gazoduc sous-marin entre la Finlande et l’Estonie avait été endommagé, comme l’a ensuite montré l’enquête finlandaise, par l’ancre d’un cargo chinois qui avait poursuivi sa route.
Ces incidents rappellent également le sabotage en septembre 2022 des gazoducs Nord Stream, jusqu’ici non élucidé. Le Wall Street Journal a mis en cause l’ancien chef d’état-major de l’armée ukrainienne, une accusation qualifiée de « non-sens absolu » par Kiev, mais la justice allemande a émis un mandat d’arrêt européen contre un moniteur de plongée ukrainien, soupçonné d’être impliqué dans le sabotage. L’implication de l’Etat ukrainien n’a toutefois pas été confirmée à ce stade par les multiples enquêtes en cours.
Face à l’augmentation de ces attaques, l’ancien président finlandais Sauli Niinistö a appelé à mettre en place un service de coopération en matière de renseignement au sein de l’Union européenne, dans un rapport remis à la Commission fin octobre
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