«Putain, mais qu’est-ce que tu fais là ? », s’étouffe de rire le militaire qui filme cette scène surréaliste. Avec ses bosses frétillantes, le chameau qui trottine le long de sa laisse détonne en effet, sur cette route ukrainienne. A l’autre bout de la longe, dans un pick-up blanc, des soldats ukrainiens s’amusent de cette prise. « Les unités spéciales du ministère de la Défense de l’Ukraine détruisent non seulement l’ennemi, mais récupèrent également des chameaux de combat » russes, se félicite la légende de cette vidéo, publiée sur TikTok et tournée dans le nord-est de l’Ukraine.
Chameau de combat semble toutefois une dénomination trompeuse pour l’animal, retrouvé seul. « Les chameaux ont souvent été utilisés au Moyen-Orient et au Proche-Orient, par exemple lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale », souligne Eric Baratay, historien spécialiste de l’histoire des relations hommes-animaux. Ils servaient à porter des vivres, de l’eau et des armes et parfois à charger l’ennemi. Fort de ses deux mètres au garrot et de son poids d’un maximum d’une tonne, le chameau de Batriane ou chameau de Mongolie impressionne en effet.
Véhicule de transport militaire à longues oreilles
A l’ère des drones, il y a pourtant fort à parier que personne ne montait l’animal. Il s’agissait peut-être d’un chameau de bât, c’est-à-dire spécialisé dans le transport de charges lourdes. Ces pratiques ont eu cours dans de nombreux conflits. Lors de la Première Guerre mondiale, des éléphants allemands ont été utilisés pour le débardage dans les Vosges, région particulièrement disputée du front franco-allemand. Le bois servait ensuite à construire des abris, des tranchées ou des fortifications.
« L’hypothèse la plus probable, c’est qu’une unité russe a confisqué un chameau issu d’un zoo ukrainien et l’a localement mis à profit. Je pense qu’il s’agit d’un cas anecdotique », analyse Eric Baratay. Ce n’est toutefois pas la première fois que des animaux de bât sont évoqués dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Début février, le blogueur prorusse Kirill Fyodorov expliquait que le ministère de la Défense russe avait fourni un âne à des soldats sur le front en Ukraine.
En mars 2025, le Moscow Times notait que l’armée russe se reposait en effet sur des chevaux et des ânes pour faire face à une pénurie inquiétante de matériel. Alors que la Russie aurait perdu plus de 15.000 pièces d’équipement militaire depuis le début de l’invasion selon le projet OSINT Oryx, il n’est donc pas surprenant que les soldats utilisent ce qui tombe sous leur main. Quitte à ce qu’il s’agisse d’un chameau.
Des mascottes animales
« Si des méthodes telles que l’utilisation d’ânes, de chevaux, etc., sont employées pour acheminer des munitions et d’autres fournitures sur la ligne de front, c’est tout à fait normal », a d’ailleurs défendu Viktor Sobolev, membre de la commission de la défense de la Douma russe, sans pour autant évoquer nommément les chameaux. « En cas de difficulté ponctuelle d’une unité, privée de véhicules ou de carburant, par exemple, le chameau peut avoir son utilité. Ces animaux peuvent aussi être utilisés pour éviter l’embourbement que l’on peut connaître en période de dégel. Mais dans la boue, les chevaux ou les chameaux ne font guère mieux que les véhicules », tempère Eric Baratay qui évoque aussi une autre hypothèse : celle d’une mascotte.
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« Les mascottes sont une habitude de guerre. Il est possible qu’une troupe l’ait récupéré quelque part et l’ait ensuite abandonné pour pouvoir rapidement fuir une position devenue dangereuse », explique l’historien. Alors que les animaux sont parmi les premières victimes de la guerre, ils sont aussi porteurs d’espoir pour celles et ceux qui se battent chaque jour au péril de leur vie. Anecdotique ou non, ce chameau illustre donc la débrouille parfois absurde des soldats sur le front ukrainien et rappelle que, même à l’heure des drones, la guerre peut encore se jouer entre deux bosses.
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