Cent vingt-cinq nations sous un seul casque. Le bleu clair de l’ONU, censé être un symbole de paix. Depuis 1948, la force militaire onusienne s’efforce de maintenir la paix sans tirer un seul coup de feu un peu partout dans le monde. Mais elle est parfois elle-même ciblée par les belligérants, et 3.500 hommes et femmes ont perdu la vie sous le mandat onusien depuis la création des Casques bleus.
Leur branche au Liban, installée à la frontière avec Israël, a ainsi été la cible à deux reprises cette semaine de tirs israéliens, blessant deux soldats indonésiens, puis prenant pour cible un bâtiment des forces sri-lankaises. Que font les Casques bleus au Liban ? Que se passe-t-il lorsqu’ils sont attaqués ? 20 Minutes fait le point.
Qu’est-ce que la Finul ? De qui est-elle composée ?
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a été créée en 1978 à l’initiative du général français Jean Cuq, « après l’opération israélienne Litani, dans le but de créer une force d’interposition entre Israël et le Liban, alors en pleine guerre civile », retrace l’ancien colonel Michel Goya. Remplaçant définitivement la Force multinationale de sécurité à Beyrouth, après un double attentat en 1984 visant les forces françaises et américaines, elle se renforce en 2006 lors du conflit entre Israël et le Liban.
Depuis, la Finul est installée dans le sud du Liban, chargée notamment de faire respecter une zone tampon. Elle est composée de 10.000 hommes provenant de 49 pays, dont 700 soldats français. Comme pour chaque mission des Casques bleus, « tout est équipé et payé par les Nations unies, ce qui est une bonne affaire pour beaucoup de pays ». L’Indonésie, le Népal et l’Inde forment actuellement les plus gros contingents, mais la force est placée sous l’autorité du général espagnol Aroldo Lázaro Sáenz depuis 2022.
Quelles sont ses missions sur place ? Comment opère-t-elle concrètement ?
Le mandat fixé par l’ONU en 2006 contenait trois missions : s’assurer du départ des troupes israéliennes, rétablir la paix et la sécurité, et aider le gouvernement libanais à retrouver son autorité dans une région majoritairement contrôlée par le Hezbollah. En théorie, la Finul doit donc collaborer avec l’armée régulière libanaise, ce qui s’avère difficile vu la fragilité de l’Etat au Liban. Sa principale mission est donc aujourd’hui de créer une zone tampon à la frontière entre le Liban et Israël pour éviter les combats, ce qui se traduit en réalité par « regarder passer les chars et les avions israéliens » sans pouvoir intervenir, critique l’ancien colonel de marine.
« C’est une opération diplomatique et non militaire », pointe Michel Goya. Le but est d’être et paraître « le moins agressif possible », d’où « les Casques bleus et les véhicules blancs très visibles », très éloignés des standards d’une armée classique. La Finul est également chargée de déminer le sud du Liban, où la plupart des explosifs ont été posés par Israël en 2006. Les Casques bleus sont aussi chargés d’assurer la sécurité de l’aide humanitaire pour les populations locales, victimes collatérales du conflit, et les déplacés.
Que peuvent faire les Casques bleus en cas d’agression ?
Privée de chars et d’aviation, la Finul n’a aucun moyen de répliquer après une attaque, quel que soit le camp. Son rôle n’est de toute façon pas d’entrer à son tour dans le conflit. « On est limité à l’autodéfense », autrement dit à répliquer directement face à des combattants qui ouvrent le feu. Mais « c’est à l’initiative des bataillons, si vous demandez à l’ONU, elle répondra systématiquement non ». Or, ce n’est pas rare que les Casques bleus soient visés par les belligérants. « Je n’ai jamais ouvert le feu autant qu’à Sarajevo », où il a servi en tant que Casque bleu, témoigne Michel Goya.
Mais au Liban, la Finul est particulièrement impuissante. « Ils se protègent et ils observent, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire », déplore l’ancien colonel. Face aux chars israéliens, les Casques bleus « n’ont même pas de matériel antichar ». Et même sans compter le conflit, la Finul se trouve « au beau milieu d’une zone tenue par le Hezbollah », souligne l’ex-militaire, ce qui s’avère dangereux. Entre 1978 et 2006, 258 membres de la Finul sont décédés en mission.
Concernant les troupes françaises, environ 150 militaires ont été tués au Liban depuis 1978, en comptant les 58 parachutistes tués dans un attentat à Beyrouth le 23 octobre 1983. « Cela fait longtemps que cette force aurait dû être retirée », estime Michel Goya.
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