Freddy Eytan fait le point sur les relations chaotiques Israël-Turquie.

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La reconnaissance du génocide arménien a mis Erdogan dans une colère noire ; sa décision de suspendre les relations commerciales et de fermer l’espace aérien aux avions israéliens n’est donc pas surprenante.

Sur le terrible massacre des Arméniens par les Turcs ottomans, nous regrettons que le Premier ministre Netanyahu ait réagi timidement. Sa réponse du bout des lèvres n’a pas convaincu le gouvernement d’Erevan ni la fidèle communauté arménienne – qui avait trouvé à l’époque refuge à Jérusalem et cohabite toujours en harmonie avec les Hiérosolymitains juifs et arabes. Seuls un véritable débat à la Knesset et une résolution unanime pourront rendre justice à l’holocauste des Arméniens.

Depuis que les islamistes ont pris le pouvoir, Ankara a changé de visage et de stratégie. Son gouvernement s’est radicalisé et a plongé dans les cultes de Dieu, de la divinité, de l’ancien Empire ottoman, et de la personnalité.

La Turquie d’Erdogan a cherché par tous les moyens à s’imposer comme une puissance régionale. Ses nouvelles tentatives d’imposer l’ordre du jour en Syrie inquiètent Israël et risquent de saboter la normalisation avec Damas.

Rusé comme un renard, Erdogan rêve toujours de diriger le monde sunnite face à l’Iran chiite, très affaibli après la Guerre des Douze Jours.

Sa politique anti-israélienne et ses violentes diatribes ont réussi à déchaîner les foules. Dans les souks et les bazars d’Istanbul et partout ailleurs, le ton est monté et les prix politiques ont flambé.

Erdogan avait cru devenir le nouveau leader ottoman de la région. Durant ces deux dernières décennies, nous avons connu avec Erdogan de nombreuses crises.

Tout a débuté par l’échec humiliant de sa médiation initiée par le gouvernement Olmert avec la Syrie ; elle a été suivie par l’opération « Plomb durci » dans la bande de Gaza, puis de la flottille et du Marmara, sans oublier l’incident avec Shimon Pérès à Davos et la crise diplomatique avec l’ambassadeur turc.

La visite officielle du président Herzog à Ankara en mars 2022 semblait marquer un tournant historique, mais elle n’a pas réussi à améliorer nos relations sur le plan diplomatique ni sur le plan commercial.

Les relations se sont aggravées sur tous les plans depuis le 7 octobre 2023 mais n’ont pas été rompus complètement.

La Turquie est un immense pays stratégique, membre de l’OTAN. C’est une grande civilisation charnière entre l’Asie et l’Europe, elle a toujours sa place au sein de la société des nations en dépit :

  • d’un passé sombre avec les Allemands,
  • du génocide arménien,
  • des attaques massives contre les Kurdes,
  • et de la guerre contre Chypre.

Les Ottomans ont régné dans notre région plus de quatre cents ans et leur empreinte est encore ancrée dans notre mémoire.

Cependant, la Turquie a été le premier pays musulman à reconnaître l’État juif et, jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, nos relations avec Ankara étaient au beau fixe, notamment sur le plan militaire et dans le domaine du renseignement.

Soulignons que les exportations de la Turquie vers Israël représentent plus de sept milliards de dollars.

Cependant, Erdogan est plongé dans une crise économique grave et souhaite écarter toutes les oppositions à son régime. Il pense toujours que se rapprocher d’Israël lui donnera des atouts considérables :

  • un fort soutien de la part du président Trump,
  • et une solidarité des pays arabes modérés tels que l’Égypte, le Maroc, l’Arabie saoudite et les Émirats du Golfe.

Erdogan réalise aujourd’hui que les Accords d’Abraham pourront être très bénéfiques car l’État juif est devenu une puissance régionale incontournable au Moyen-Orient et dans le bassin Méditerranée.

Devant la donne géopolitique actuelle et face à la crise ukrainienne, Erdogan devra comprendre que, faisant partie de l’OTAN, étant membre du monde occidental et allié d’Israël, il devra désormais respecter à la lettre les règles du jeu, les lois internationales, le bon voisinage, et admettre les contraintes comme les avantages.

Cependant, pour pouvoir tourner la page et ne pas commettre les erreurs du passé, nous devrions être vigilants et exiger préalablement d’Erdogan – et un jour de son successeur – des concessions importantes, à savoir s’engager à :

  • avoir des relations diplomatiques complètes avec des ambassadeurs en exercice et échanger des visites officielles ;
  • ne pas saboter l’accord sur le gaz que nous avons signé avec Chypre et la Grèce, auquel la Turquie s’était farouchement opposée ;
  • mettre un terme aux interventions grotesques, provocatrices et antisémites après chaque attentat ou opération de Tsahal ;
  • ne plus intervenir dans les manifestations des islamistes sur le Mont du Temple ni financer d’institutions islamistes à Jérusalem ;
  • ne plus soutenir le Hamas ni leur ouvrir de bureaux à Istanbul ;
  • se retirer des affaires commerciales à Jérusalem-Est.

Le peuple turc n’est sans doute pas notre ennemi, et c’est pour cette raison fondamentale que nous souhaitons revenir un jour à des relations normales et amicales.

à propos de l’auteur

Ancien ambassadeur d’Israël. Journaliste-Ecrivain. Fondateur et directeur du CAPE de Jérusalem. Auteur de 25 ouvrages sur le conflit Israelo-arabe et sur la politique française au Moyen-Orient ainsi que des portraits-biographiques de Shimon Pérès, Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou.

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