Former ou non un Etat palestinien : le difficile dialogue entre un Allemand et un Israélien

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Un dîner entre amis la semaine dernière, à Paris. Parmi les convives, un Israélien et un Allemand, tous deux de sensibilité sociale-démocrate, tous deux impliqués à un haut niveau dans la politique de leur pays. La conversation était légère jusqu’à ce que, soudain, l’Israélien pose à l’Allemand une question abrupte. S’est ensuivi un dialogue entre eux seuls, autour desquels plus personne ne pipait mot.

L’Israélien : Le gouvernement allemand serait-il prêt à militer au sein de l’Union européenne pour une solution à deux Etats imposée par une coalition internationale, ce qui implique non seulement d’éradiquer le Hamas, mais aussi de déloger, s’il le faut par la force, les colons juifs de Cisjordanie ?

L’Allemand : L’Allemagne se tient aux côtés d’Israël. Lorsque nous disons que « la sécurité d’Israël relève pour l’Allemagne de la raison d’Etat », ce n’est pas une phrase en l’air, nous nous y tenons. C’est un principe intangible.

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L’Israélien : Si la sécurité d’Israël vous tient à cœur et que le gouvernement d’Israël actuel va contre la sécurité d’Israël, que faites-vous de cette contradiction ? En encourageant le pouvoir du Hamas, en continuant les colonies de peuplement, en s’opposant à une solution à deux Etats, en oubliant la question palestinienne, le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou ne peut pas être un acteur de la paix et il met en danger Israël.

L’Allemand : Je le sais, nous le savons. Mais il est élu par les Israéliens.

L’Israélien : Hitler aussi était élu. L’élection ne fait pas seule la légitimité. Netanyahou est en sursis. Le gouvernement et l’Etat israéliens n’existent plus, ils ne représentent plus rien. C’est pour la sécurité d’Israël, que vous défendez inconditionnellement, que vous devez jouer de votre pouvoir sur Israël et lui imposer des conditions. Si l’Union européenne n’exerce pas ces contraintes sur Israël pour instaurer la paix malgré le gouvernement israélien, on est fichus.

L’Allemand : Ce n’est pas aux Allemands de décider qui est légitime chez vous. Notre histoire nous impose de défendre l’Etat d’Israël, et donc d’être aux côtés de son gouvernement. Nous avons construit cette alliance depuis la guerre. C’est notre devoir. C’est comme ça.

Promesse historique

La responsabilité de l’Allemagne dans la Shoah a provoqué depuis la guerre des liens indéfectibles entre Berlin et Israël, tous partis confondus. Même les élus d’extrême gauche n’ont pas hésité à qualifier le Hamas de « terroriste » à la suite du pogrom des 7 et 8 octobre. L’indignation que suscitent dans une partie de la population allemande les massacres de civils palestiniens par la contre-offensive israélienne n’entame en rien la fidélité de l’Allemagne envers Israël, fût-elle politique, diplomatique, militaire. « La responsabilité historique particulière de l’Allemagne pour la sécurité d’Israël fait partie de notre raison d’Etat », avait déclaré la chancelière Angela Merkel en 2008 devant la Knesset. La République fédérale tout entière est engagée par cette promesse.

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Elie Barnavi, historien et ancien ambassadeur d’Israël en France, a récemment passé du temps à Paris et au Parlement de Strasbourg pour tenter de convaincre des dirigeants et des personnalités influentes en Europe de créer un groupe de contact avec les Etats-Unis et certains pays arabes, et de s’impliquer – enfin – pour créer un Etat palestinien à côté d’Israël. L’Union européenne, dit-il, a sa part de responsabilité dans l’échec du processus de paix d’Oslo (1993). « Vous en avez été les facilitateurs. Mais, ensuite, vous nous avez laissés, Palestiniens et Israéliens, seuls face à face. Vous avez des moyens de pression sur Israël, vous en avez sur l’Autorité palestinienne, qui reprendra nécessairement le contrôle de Gaza. Exercez-les. Européens, montrez vos muscles ! »

Les « muscles », en l’occurrence, ne sont pas le fort de la première puissance économique européenne. Et le dîner de l’autre soir donne une idée de l’incapacité des Etats membres de l’UE, cacophoniques sur le conflit israélo-palestinien, à trouver une position commune. L’historien Barnavi veut croire à une raison d’espérer : « L’histoire montre que des pires catastrophes humanitaires naissent les solutions les plus audacieuses : c’est l’histoire de l’Europe, c’est l’histoire d’Israël. »

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