FILM: l’histoire tragique des trois otages presque libres

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« Il y a des choses que je ne voulais tout simplement pas savoir » : l’histoire jamais racontée des trois otages qui se sont échappés.

Deux ans après avoir été abattus par erreur par Tsahal et tués, l’histoire d’Alon Shamriz, Yotam Haim et Samer Al-Talalka z’’l devient un film. Peu de gens le savent, mais un quatrième otage a été avec eux presque jusqu’à l’évasion. Il a apporté un éclairage précieux sur ce que les otages ont traversé durant leur captivité : « Les familles l’ont contacté et il a expliqué exactement ce qu’il avait vécu là-bas avec eux ». Son témoignage a été le moteur du film – « Cette histoire est une histoire d’héroïsme de trois otages ».

Dans cette histoire, il y a tout : héroïsme et échec, victoire et tragédie, audace et erreur fatale. Deux ans après qu’Alon Shamriz, Yotam Haim et Samer Al-Talalka z’’l ont été tués par erreur par des soldats de Tsahal, leur évasion héroïque est aujourd’hui portée à l’écran. « Nous tournons le film en Géorgie, car nous avons découvert que durant la Seconde Guerre mondiale les Russes avaient construit des tunnels de défense dans toute l’Europe de l’Est », raconte Metanel Gotlib, producteur exécutif du film. « Ici à Tbilissi, sous l’université centrale de la ville, il y a environ deux kilomètres de tunnels qui ressemblent exactement à ceux du Hamas ».

« J’ai connu Yotam il y a trois ans, via Instagram », raconte l’acteur Shahar Tavoch, qui incarne Yotam Haim dans le film, lors d’une rencontre avec Iris Haim, la mère de Yotam. « Par des amis, car il était batteur et musicien. J’ai tout de suite accroché avec lui. Et dès notre première rencontre, j’ai senti que c’était le gars le plus drôle du pays. Il n’y a pas plus drôle que lui », ajoute-t-il. « D’un côté c’est très émouvant, mais de l’autre il faudra voir ce qui s’est réellement passé », disent les proches d’Alon Shamriz à Tomer Makhlouf, l’acteur choisi pour jouer leur fils.

« Tu me rappelles mon fils », dit le père de Samer à Lawal Hamdoun, l’acteur qui l’incarne. « Ton visage, tes cheveux, tout me rappelle Samer ». Le père raconte : « Samer, c’est un cœur. Un enfant qui n’était que cœur. Il avait toujours le sourire ».

Une semaine avant le début du tournage, Shahar s’est teint les cheveux en orange, comme Yotam. « Jouer quelqu’un que tu connais, c’est difficile », dit-il tandis qu’il se fait couper les cheveux. « J’ai étudié sa personnalité, j’ai regardé plein de vidéos de lui, j’ai lu ses textes. Je le sens quand je me lève le matin, quand j’ouvre le texte, et même quand je ne l’ouvre pas, quand je n’arrive pas à y toucher parce que c’est trop dur ».

Pendant six mois, le réalisateur Doron Eran a mené une enquête approfondie sur l’une des histoires les plus douloureuses qu’ait connues le pays : le premier film dramatique qui racontera l’une des histoires du 7 octobre. La base de son enquête repose sur un témoignage crucial : celui d’un otage thaïlandais, Wichian Temthong, qui a été détenu avec les trois jeunes presque jusqu’à leur évasion. « Beaucoup de gens ne le savent pas, mais la plupart du temps un autre otage était avec eux », explique Eran. « Il a été libéré lors du premier échange. Il avait été enlevé dans un verger d’avocats dans un kibboutz. Les familles l’ont contacté et il leur a raconté exactement ce qu’il avait vécu avec eux ».

Lorsque la famille Shamriz est entrée dans les tunnels en Géorgie qui servent de décor au film, ils ont été bouleversés. « C’est très dur, on a du mal à respirer », dit le père, Avi Shamriz. « J’ai essayé de m’imaginer à la place d’Alon ou des autres otages. Je ne sais pas si j’aurais survécu aussi longtemps ». Les familles sont venues assister au tournage de l’une des scènes les plus difficiles : la cérémonie d’humiliation où les ravisseurs rasaient les cheveux des prisonniers juifs.

« Quand j’ai commencé ce projet, il était très important pour moi que les familles soient avec moi », explique le réalisateur Doron Eran. « J’ai remis le scénario à chaque famille pour qu’elle le lise et l’approuve, et je tenais à ce qu’elles m’accompagnent pendant les tournages ». Les familles étaient présentes sur le plateau, y compris pour les scènes les plus dures. « C’est très dur », dit Iris Haim en larmes après une scène. « Maintenant on voit réellement, de la manière la plus… la plus visuelle possible. Des choses que je ne voulais pas savoir. Disons-le ainsi : il y a des choses que je ne voulais tout simplement pas savoir ».

Moments de rupture sur le plateau

« Je sais que c’est du jeu, mais tu oublies la caméra et tu vois quelqu’un te traiter comme ça, te hurler dessus », dit Shahar Tavoch dans un moment de rupture. Iris Haim, la mère de Yotam, le réconforte et le prend dans ses bras. « C’est dur. Je ne comprends pas comment ils ont traversé ça. Ils ne méritaient pas cela ».

Ce n’est qu’un des nombreux épisodes de violence, mais la plupart n’ont pas été inclus dans le scénario. « J’ai préféré ne pas faire un film d’horreur, mais raconter une histoire d’héroïsme », explique Eran. « Tu es constamment occupé à refouler, à ne pas penser à ce qui s’est passé, parce que c’est trop dur, trop difficile à contenir », dit la sœur d’Alon Shamriz. « Venir ici, c’est… comprendre, autant que possible. On ne peut pas être prêt à ça ».

« Tu es la copie d’Alon », dit Avi Shamriz à l’acteur Tomer Makhlouf. « Même la morphologie, le visage. Et puis ton jeu… tu es vraiment entré dans le personnage. J’ai juste envie de rentrer dans l’image et de te serrer dans mes bras ». Makhlouf enlace Avi, ému : « Je sais que ce n’est pas simple. Quand vous vous souvenez pour m’aider, cela fait remonter tellement de choses ».

Ce n’est pas simple de tourner un tel film, alors que les familles réelles sont là, sur le plateau.

Shahar Tavoch : « C’est fou. C’est tout, absolument tout. Toutes les émotions que l’on croit avoir, multipliées par mille. Tu veux rendre honneur à Yotam, et chacun à celui qu’il représente. Tu veux représenter la famille avec respect, car au final, c’est leur enfant ».

Tomer Mahlouf :
« C’est très angoissant, tu commences à sentir que c’est une énorme responsabilité. Comme si on me regardait : est-ce que je suis à la hauteur ? Est-ce que je ressemble à leur fils ? Est-ce que je me comporte comme lui… Je veux qu’ils sentent que je suis assez digne pour jouer leur fils. »

Wael Hamdoun :
« Au final, il y a l’objectif intérieur : commémorer la personne et lui donner sa place dans la vie, même après sa mort. C’est à partir de là que nous agissons, je pense. »

“Des partisans à part entière”

« Il y a quelque chose que beaucoup ignorent : Alon avait déjà été dans les tunnels avant », raconte Mahlouf. « Il était dans les tunnels du Hamas lorsqu’il servait dans l’unité Yahalom et qu’il avait une spécialisation spécifique dans le traitement des tunnels. Donc il était déjà dans les tunnels à Gaza, il a documenté des tunnels et il en a aussi démantelé. »
Un autre acteur raconte : « D’après le témoignage du Thaïlandais, on voit qu’Alon voulait vraiment planifier une évasion. Il savait comment on fait, comment les tunnels sont construits. Il en parlait tout le temps. Et c’est lui qui mène cette initiative avec Samar et Yotam. »

Tout le film repose sur le témoignage de Wichian, le Thaïlandais, mais au moment de leur fuite, il n’était déjà plus avec eux, car il avait été libéré. Alors comment sait-on ce qui s’est passé ces jours-là ?

« Je me suis appuyé sur l’enquête de Tsahal qui est parvenue jusqu’à moi », dit le réalisateur Eran Doron. « Cette histoire est une histoire d’héroïsme de trois otages qui, à mes yeux, sont des partisans à part entière, qui ont réussi à s’échapper. Ils ont erré cinq jours à Saj’aya, cherchant à entrer en contact avec Tsahal et à revenir au pays, à rentrer chez eux. »

Pendant de longs jours, Alon, Samar et Yotam ont réussi à se cacher. Ils ont tout fait pour que les soldats ne les prennent pas pour des terroristes. « Ils ont tout fait correctement », souligne Doron. « Ils ont enlevé leurs chemises, brandi un drapeau blanc, accroché une pancarte : “SOS trois otages”. »

À un moment donné, un chien de l’unité Oketz équipé d’une caméra est entré dans le bâtiment où se trouvaient les trois. Dans la vidéo qui a ensuite été remise aux familles, on les entend lui crier dessus.

« Imagine un instant quelqu’un dans Saj’aya, et ils parcourent 1 200 mètres à travers Saj’aya, avec d’un côté le Hamas qui les pourchasse parce qu’ils se sont échappés, et de l’autre les soldats de Tsahal qui pensent qu’ils sont des terroristes », dit Avi Shamriz. « Et tout au long du trajet, tu vois les actions de survie des trois. »

“Une terrible déception, mais aussi de la fierté”

Le 15 décembre 2023, 70 jours après leur enlèvement et cinq jours après leur évasion réussie, Alon, Yotam et Samar voient une opportunité et s’avancent prudemment vers une force de Tsahal. Puis survient l’erreur tragique : la force les identifie comme des terroristes et un soldat tire sur eux. Samar et Alon sont tués sur le coup, Yotam est blessé et s’enfuit vers un bâtiment voisin. Il crie en hébreu : « Je suis un otage, vous êtes en train de me tuer », mais les soldats ne comprennent toujours pas qu’il s’agit d’un otage israélien. Ils lui ordonnent de sortir et lui tirent dessus.

« D’un côté, c’est une déception terrible, et de l’autre une immense fierté », dit Yonatan Shamriz, le frère d’Alon. « Une immense fierté que mon frère ait été libre pendant cinq jours et soit mort en homme libre, et non en captivité. »
Iris Haim, la mère de Yotam, dit : « Je suis fière. Je sors d’ici avec une grande fierté. Je vois vraiment cela comme un témoignage super important pour notre pays et pour les nations du monde, qui ont compris la chose la plus importante : que nos enfants sont les plus courageux et ne sont pas des naïfs. Donc aujourd’hui, je sors d’ici avec un bon sentiment. »

Cette semaine, pour la première projection du film, organisée en présence des seules familles, tous sont venus le cœur lourd. Voir pour la première fois un film sur leurs fils, qui se sont tenus debout face à l’enfer, tentant ne serait-ce qu’un instant d’être des héros – comme Yotam, Samar et Alon.

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