La vente de F-35 à l’Arabie saoudite : un pari risqué qui fragilise la suprématie israélienne
Au cœur des tensions moyen-orientales, l’administration Trump envisage de franchir une ligne rouge en autorisant la vente de chasseurs furtifs F-35 à l’Arabie saoudite, sans exiger en échange une reconnaissance formelle de Jérusalem. Cette décision, validée en principe par le Pentagone, pourrait redessiner les équilibres sécuritaires de la région, au moment où les Accords d’Abraham, signés en 2020 sous l’impulsion de l’ancien président américain, peinent à s’élargir. Riyad, bastion sunnite allié tacite contre l’expansionnisme iranien, aspire à moderniser son arsenal aérien pour contrer les drones houthistes et les missiles balistiques de Téhéran. Mais pour Israël, cette transaction non conditionnée représente une menace existentielle, potentiellement érodant son monopole sur les technologies de cinquième génération et exposant ses frontières à de nouveaux risques de prolifération.
Jusqu’ici, l’accès au F-35, fleuron de Lockheed Martin doté de capacités d’invisibilité radar et d’intégration de données en temps réel, s’est limité à des nations alignées sur les valeurs démocratiques occidentales. Les États-Unis, les membres de l’OTAN européens, le Japon et la Corée du Sud figurent parmi les 19 opérateurs actuels, totalisant plus de 1 000 appareils livrés depuis 2006. Israël, seul pays du Moyen-Orient à en posséder – une flotte de 75 unités opérationnelles –, tire de cet atout un avantage qualitatif décisif. Ces chasseurs ont permis des frappes chirurgicales en profondeur, comme les sabotages répétés du programme nucléaire iranien, retardé d’au moins deux ans selon des estimations militaires. Face à une coalition adverse – Iran, Syrie, Hezbollah, Houthis et Hamas – numériquement supérieure, le F-35 confère à Tsahal une supériorité asymétrique, essentielle pour neutraliser les systèmes antiaériens S-300 russes ou les proxies iraniens.
L’exclusion de la Turquie du programme en 2019, suite à son achat de missiles S-400 russes, illustre la fermeté américaine : Ankara, pourtant partenaire historique, a vu ses 100 F-35 commandés annulés, avec une compensation de 1,4 milliard de dollars. Riyad, en revanche, cultive une proximité stratégique avec Washington, via des accords de défense annuels dépassant les 3 milliards de dollars. Pourtant, ses flirts avec Pékin et Moscou – comme l’adhésion au BRICS en 2023 ou des exercices militaires conjoints avec la Chine – alimentent les craintes. Un partage involontaire ou délibéré de la technologie furtive saoudienne avec l’Iran, via des accords de réconciliation en 2023 facilités par Pékin, pourrait inverser la dynamique. Les experts estiment que la rétro-ingénierie d’un F-35 par Téhéran, déjà avancé dans les drones Shahed, accélérerait son programme de chasseurs avancés, projeté pour 2030.
Cette saga rappelle l’épisode de 2020, lorsque Trump avait failli céder aux Émirats arabes unis des F-35 en échange de leur normalisation avec Israël, scellée par les Accords d’Abraham. Abu Dhabi, premier pays du Golfe à franchir le pas, avait obtenu 50 appareils, mais l’accord capota sur des garanties technologiques, Israël obtenant en compensation des munitions bunker-buster avancées. La différence cruciale avec Riyad réside dans l’absence de normalisation : les Saoudiens, malgré des survols aériens conjoints avec Israël contre les Houthis en 2024, conditionnent tout progrès diplomatique à un État palestinien viable. Post-7 octobre 2023, Benjamin Netanyahou, sous pression interne, rejette toute concession en Cisjordanie, tandis que Riyad maintient sa fermeté, bloquant ainsi l’expansion des Accords à d’autres nations sunnites comme le Soudan ou le Maroc.
Les enjeux s’amplifient avec la guerre à Gaza, où l’Arabie saoudite pousse pour un rôle sunnite dominant aux côtés de l’Égypte et des Émirats, sous médiation potentielle de Tony Blair. Sans levier sur les F-35 – un paquet estimé à 100 appareils pour 60 milliards de dollars –, Israël perd un outil de négociation vital. Trump, revenu au pouvoir en 2025 avec une majorité républicaine au Congrès, priorise les alliances anti-Iran : Riyad a déjà investi 75 milliards de dollars dans son budget défense 2025, incluant des Typhoon britanniques et des Rafale français. Mais livrer les F-35 sans contrepartie pourrait fracturer la coalition sunnite-israélienne, exposant Tel-Aviv à une vulnérabilité accrue face aux 200 000 roquettes du Hezbollah ou aux sous-marins iraniens dans le Golfe.
Pour parer ce coup, Israël explore des options compensatoires : l’acquisition du F-22 Raptor, un prédateur encore plus furtif mais jamais exporté, ou une participation au concours NGAD pour le F-47, successeur attendu en 2028. En 2020, une telle proposition avait été esquissée pour les Émirats, mais avortée. Revigorée par les frappes israéliennes sur des sites nucléaires iraniens en octobre 2025, Jérusalem pourrait exiger des garanties : des capteurs IA exclusifs ou des protocoles de non-partage. Netanyahou, en pleine campagne pour un cinquième mandat, devra naviguer entre la loyauté trumpienne et la préservation de l’avantage aérien, pilier de la dissuasion depuis 1948.
Cette équation géopolitique, mêlant pétrodollars saoudiens et innovations yankees, pourrait propulser le Moyen-Orient dans une ère d’instabilité accrue. Riyad, avec sa Vision 2030 diversifiant l’économie au-delà du pétrole, voit dans les F-35 un symbole de maturité stratégique. Mais pour Israël, encerclé par 400 millions d’Arabes, chaque concession technique est un pari sur l’avenir, où la furtivité n’est plus un privilège solitaire.
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