Explosions au Liban : « La plupart des blessés ont perdu une main ou un œil »… Un médecin de Beyrouth témoigne

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A Beyrouth, dans une salle blanche de l’hôpital Rizk, des jeunes hommes aux mains arrachées, aux visages défigurés et aux trous béants dans l’abdomen s’amassent. Partout, des bandages autour des yeux, du ventre. Et du sang. Beaucoup de sang. Une heure plus tôt, la direction de l’hôpital de l’Université libano-américaine de Beyrouth a reçu un appel du ministère de la Santé lui signalant une attaque via des bipeurs dans des quartiersde la capitale libanaise où le Hezbollah est implanté.

« Quand on a reçu l’appel, on n’a rien compris », reconnaît Georges Ghanem, chef du service cardiologie et responsable de l’unité de crise de l’hôpital Rizk. Il faut dire que le mode opératoire est inédit. Des milliers de bipeurs mardi (puis de talkies-walkies mercredi) portés par des membres présumés du Hezbollah ont explosé simultanément.

Immédiatement après l’appel, le mode de crise est enclenché à l’hôpital Rizk. Habitué aux attaques qui frappent régulièrement le pays, le dispositif est bien rodé. « On a envoyé un message à tout le personnel pour qu’ils se rendent immédiatement à l’hôpital. » Plusieurs centaines de médecins, internes, infirmiers et salariés débarquent alors.

Des blessés qui « ne voulaient pas être identifiés »

« Dans ce cas, chacun sait exactement ce qu’il a à faire », explique Georges Ghanem. Les patients qui attendaient aux urgences sont évacués, un étage de l’hôpital est vidé et les opérations non vitales annulées. Une fois les premières ambulances arrivées, les urgentistes filtrent les blessés : une zone rouge pour les urgences ultimes, une grise pour les cas ne nécessitant pas des soins lourds.

« La plupart des blessés étaient vraiment sonnés et restaient assez silencieux », témoigne le chef de l’unité de crise. Il faut dire que l’hôpital Ritz ne se trouve pas dans les quartiers où vivent les soutiens du Hezbollah. « Ils venaient se faire soigner dans un endroit qui leur était étranger et pouvaient être réticents à l’idée d’être soignés en dehors de leur communauté, mais ils sont restés dignes et calmes. » Le médecin raconte que certains hommes ont d’abord refusé de donner leur nom. « Ils ne voulaient pas être identifiés, car la plupart travaillent anonymement pour le Hezbollah. »

« Tous nécessitaient le même type d’opération »

Parmi les blessés de l’hôpital Ritz, un garçon de 11 ans qui se trouvait à proximité de son père lorsque le bipeur de ce dernier a explosé. Lourdement blessé au cerveau, il n’a pas survécu. Hormis ce cas, tous les patients avaient le même type de blessures. « Quand leur bipeur a sonné, ils l’ont sorti de leur poche pour consulter leur message et c’est à ce moment qu’il a explosé, explique le médecin. La plupart se sont fait amputer d’une ou deux mains et ont perdu un œil ou les deux. »

Le médecin l’assure, il est très rare de voir autant de blessures identiques. Une situation inédite difficile à gérer. « Le problème, c’est que tous nécessitaient le même type d’opération, avec la même équipe médicale et le même matériel, donc ce n’était pas facile d’aller vite. » Les équipes ont travaillé toute la nuit, en continu.

« Ce qu’on utilise dans la vie de tous les jours peut devenir une arme »

Mercredi après-midi, de nouvelles explosions ont donc touché les talkies-walkies de membres présumés du mouvement libanais dans plusieurs régions à travers le pays. L’hôpital Rizk n’a reçu que deux blessés. « Il y a encore des opérations ce jeudi mais il s’agit seulement de la première phase de soins pour les blessés. Ils auront sûrement recours à des greffes et des prothèses. »

Le Beyrouthin se dit « habitué à des choses parfois encore plus spectaculaires » mais reconnaît un niveau de sophistication inédit. « On a l’impression de vivre dans de la science-fiction, où ce qu’on utilise dans la vie de tous les jours peut devenir une arme. » Mais le médecin assure ne pas ressentir de peur au quotidien. « C’est une guerre entre Israël et le Hezbollah, pas entre Israël et le Liban. » Le pays accuse l’Etat hébreu d’être à l’origine de ces deux attaques ciblées, dont le bilan s’élève ce jeudi après-midi à 37 morts et près de 3.000 blessés. Mais Israël garde pour l’instant le silence et n’a fait aucun commentaire sur ces événements.

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