La Cour suprême des États-Unis a provisoirement levé, ce lundi, les limites imposées à la police de l’immigration (ICE), qui visaient à empêcher les contrôles au faciès à Los Angeles (Californie). Cette décision, adoptée par la majorité conservatrice de la Cour, permet à ICE de reprendre sans contrainte ses descentes très controversées dans la métropole californienne.
Pour l’administration Trump, c’est une victoire. « Nous n’employons pas le profilage racial », a martelé Tom Homan, responsable de la politique d’expulsions, saluant une « excellente décision ». À l’inverse, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, a dénoncé un texte qui ouvre la voie à « un défilé de terreur raciale », accusant Washington de « cibler les Latinos ».
ICE, la police de l’immigration redoutée
Créée après les attentats du 11 septembre 2001, l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) traque les réseaux criminels et l’immigration illégale, avec des méthodes souvent spectaculaires : descentes dans des usines, arrestations en pleine rue, interventions nocturnes.
Des méthodes qui font d’ICE une institution redoutée, accusée par les associations de défense des droits humains de propager la peur dans les quartiers populaires et de pratiquer le profilage racial.
Des descentes spectaculaires
En juin, ICE a multiplié les opérations coup de poing à Los Angeles, installant un climat de terreur au sein des communautés d’origine latino-américaine et suscitant la colère des habitants et élus locaux. Des témoins ont raconté avoir vu des agents masqués intervenir brutalement, parfois sans mandat d’arrêt ni explication.
Face à cette situation, trois immigrés arrêtés et deux Américains d’origine hispanique ont porté plainte. En juillet dernier, une juge fédérale leur a donné raison, interdisant provisoirement certaines pratiques jugées abusives, comme les arrestations fondées sur l’apparence, l’accent, ou encore la profession exercée, ainsi que les interventions dans des lieux ciblés, comme les arrêts de bus ou des magasins de bricolage. Cette décision s’appuyait sur le 4e amendement de la Constitution, qui exige une « suspicion raisonnable » pour toute arrestation.
Des « citoyens de seconde zone »
Lundi, la Cour suprême a suspendu ces restrictions par six voix contre trois, le temps que la justice se prononce sur le fond. Le juge conservateur Brett Kavanaugh a justifié sa position en soulignant que « l’immigration illégale est particulièrement prononcée dans la région de Los Angeles », dans laquelle 10 % de la population serait sans papiers.
Mais la juge Sonia Sotomayor, première Latino-Américaine à siéger à la Cour, a vivement critiqué la décision, estimant qu’elle crée « un statut de citoyen de seconde zone ». « Nous ne devrions pas vivre dans un pays où le gouvernement peut arrêter quelqu’un simplement parce qu’il a l’air latino », a-t-elle écrit.
« Enfermé, dans le froid, affamé et sans avocat »
Pedro Vasquez Perdomo, l’un des plaignants, a décrit à l’ACLU, l’association de défense des droits civiques qui le soutient, les conditions de son arrestation.
« Ils ne m’ont jamais montré de mandat ni expliqué pourquoi. J’ai été traité comme si je ne valais rien : enfermé, dans le froid, affamé et sans avocat. » Pour lui, la décision de la Cour suprême légitime désormais ce qu’il qualifie de « racisme avec un badge ». Il ajoute ensuite avoir rejoint cette plainte « car ce qui (lui est) arrivé arrive à d’autres tous les jours, juste parce qu’ils sont noirs, parlent espagnol, ou qu’ils se tiennent au coin de la rue à la recherche d’un job ».
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Une bataille judiciaire loin d’être terminée
L’affaire doit revenir devant un tribunal le 24 septembre prochain, qui pourrait imposer de nouvelles restrictions. En attendant, le ministère de la Sécurité intérieure a déjà annoncé que la police de l’immigration allait « continuer à inonder la zone à Los Angeles ».
« Ce n’est pas fini », a promis l’avocat Mohammad Tajsar, de l’ACLU, laissant entendre que le bras de fer juridique autour des pratiques d’ICE ne fait que commencer.
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