Eric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël, décrypte la nouvelle guerre israélo-iranienne et l’exceptionnelle inventivité militaire d’Israël.

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Dans un entretien accordé au Grand Oral ce lundi, Eric Danon, ancien ambassadeur français en Israël, livre une analyse de l’opération israélienne contre les installations nucléaires iraniennes du 13 juin. Pour le diplomate, cette frappe marque une rupture historique : « C’est une nouvelle guerre, et c’est une vraie guerre entre deux pays », soulignant le passage d’un conflit avec des proxys (Hamas, Hezbollah) à un affrontement direct entre nations.
L’ancien ambassadeur met en lumière l’extraordinaire créativité opérationnelle israélienne. « Ce qui est surprenant, c’est l’inventivité israélienne, parce qu’ils ne recommencent jamais le même type d’opération », explique-t-il. Cette campagne se distingue par sa double dimension : sabotage cybernétique et physique mené par le Mossad, mais surtout l’installation de bases en Iran même, permettant de « lancer des drones de proximité par rapport aux installations nucléaires ».
Cette prouesse technique s’enracine dans une réalité géopolitique fondamentale : « Israël se considère comme un pays en guerre depuis 75 ans ». Cette mentalité de siège permanent a forgé une culture d’innovation militaire unique, transformant l’État hébreu en « Startup Nation » où « vous avez sans arrêt généralement des jeunes qui viennent proposer des projets de moyen long terme ». L’exemple des « bipeurs » du Hezbollah, proposé par une jeune femme il y a plus de dix ans, illustre cette vision stratégique sur le temps long.
Un changement de doctrine française historique
M. Danon révèle une « vraie rupture » dans la doctrine française traditionnelle. Depuis de Gaulle en 1967, la France refusait de soutenir toute guerre préventive. Or, Emmanuel Macron a déclaré qu’ »Israël a le droit de se défendre » alors même qu’Israël a frappé le premier. Pour l’ancien ambassadeur, cette évolution traduit « enfin une prise de conscience que ce que fait Israël contre l’islamisme radical, djihadiste, violent, porté par l’Iran, c’est un ennemi commun à la France et à Israël ».
Une recomposition géopolitique régionale
L’opération bouleverse les équilibres moyen-orientaux. Les pays sunnites, bien qu’officiellement condamnant l’agression, « se sont réjouis dans la région » car ils voient leur rival chiite affaibli. Cette dynamique s’inscrit dans un jeu diplomatique sophistiqué entre Washington et Jérusalem, orchestré selon la méthode « Good cop, bad cop » depuis deux mois et demi. M. Danon souligne également le défi communicationnel permanent d’Israël : « Israël gagne les guerres militaires et perd la guerre de la communication ». Cette faiblesse pose une question cruciale sur la vocation d’Israël : protéger uniquement les Juifs israéliens ou également ceux de la diaspora, alors que « plus le gouvernement Netanyahou protège les juifs en Israël, plus il met en péril la diaspora à cause de la montée de l’antisémitisme dans le monde ».
Cette analyse révèle une transformation majeure du Moyen-Orient, où l’innovation technologique israélienne redessine les rapports de force régionaux et questionne les doctrines diplomatiques occidentales établies.
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