La guerre Israël-Iran met l’économie israélienne à rude épreuve ; face à des coûts militaires et civils exorbitants, le Trésor public cherche à gagner du temps.
La résilience de l’économie israélienne n’est plus à démontrer ; après deux ans de guerres menées simultanément sur plusieurs fronts, l’activité économique plie mais ne rompt pas.
Israël est entré dans une situation inédite : le pays connaît un conflit exceptionnel par sa durée, son ampleur et son intensité. Mais alors que la guerre à Gaza se poursuit et que le Sud-Liban est instable, le front iranien risque de remettre en cause la stabilité financière du pays.
Économie au ralenti
La question est de savoir combien de temps les Israéliens vont tenir le coup avec la guerre contre l’Iran : après quelques jours de fermeture totale de l’économie, la réouverture est progressive mais les salariés ne savent toujours pas si leurs salaires seront versés intégralement à la fin du mois.
On sait que l’économie israélienne est résiliente, c’est-à-dire qu’elle a les capacités de résister à des chocs et de se rétablir rapidement ; à condition toutefois que les chocs soient brefs et modérés, ce qui n’est plus le cas en 2025.
La seule guerre contre l’Iran coûte particulièrement cher, à la fois en raison des fortes dépenses militaires qu’à cause des dégâts matériels sur les logements et les entreprises : les estimations varient entre 1 et 3 milliards de shekels par jour (500-800 millions de dollars), bref une facture record que rien ne laissait prévoir.
Pour faire face aux dommages matériels, aux pertes économiques et aux journées de travail perdues en raison de la guerre, le Trésor public dispose d’un fonds d’indemnisation des citoyens ; or les formalités sont très longues, donnant aux Israéliens l’impression que les pouvoirs publics retardent volontairement les indemnités pour gagner du temps et ne pas aggraver le déficit budgétaire.
Manque de prévision
Ce n’est pas seulement une impression ; le ministère des Finances fait tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas aggraver le déficit public, y compris retarder le versement des indemnités.
Pour l’heure, le ministre des Finances Smotrich a décidé de l’octroi d’une aide provisoire de 500 shekels (140$) pour tout Israélien dont le logement est devenu inhabitable : oui, cinq cents shekels par personne, une somme insignifiante face aux énormes besoins des familles qui ont parfois tout perdu par la chute d’un missile sur leur domicile.
Entre-temps, Bezalel Smotrich a annoncé son intention de présenter un correctif budgétaire pour s’autoriser une rallonge des dépenses militaires qui devient inévitable.
Au final, le déficit dépassera les 5% du PIB alors que la dette extérieure avoisinera les 1 300 milliards de shekels soit 70% du PIB.
On peut s’étonner du manque de prévision et de planification du ministère des Finances : il a présenté et fait voter, en mars dernier, le budget 2025 construit sur l’hypothèse que les guerres multi-fronts s’achèveraient au premier trimestre.
Autel de la guerre
Le ministre Smotrich a préféré feindre d’ignorer que les conflits en cours se poursuivraient, voire s’élargiraient et s’intensifieraient sur une grande partie de l’année 2025.
Ce n’est donc pas pour rien que beaucoup d’Israéliens ont le sentiment d’être sacrifiés sur l’autel de la guerre : plus de 23 000 demandes d’indemnisation sont en attente au Trésor public, laissant dans l’angoisse et l’incertitude de nombreuses familles.
En définitif, les dépenses militaires exceptionnelles seront financées en amputant les dépenses civiles, voire en repoussant certaines dépenses jugées moins urgentes par les pouvoirs publics.
Quant aux 5 000 personnes qui ont été évacuées de leur domicile pour cause de chutes de missiles iraniens, elles espèrent éviter le modèle de reconstruction du nord du pays qui reste à la traîne…
à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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