Aux États-Unis, les femmes leaders sont souvent appelées par leur prénom – « Kamala », « Hillary » – là où leurs homologues masculins sont désignés par leur nom de famille, comme « Trump » ou « Biden ». Coïncidence ? Pur hasard ? Pas vraiment. Selon une étude de l’Académie des Sciences américaine parue en 2018, appeler un candidat par son nom de famille lui confère un statut social plus élevé et renforce son image d’autorité. Ce biais de genre influence donc subtilement la perception que l’on a des femmes en politique, d’une part en les rendant plus accessibles, mais aussi au détriment de leur crédibilité. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre aux États-Unis : en France, lors de l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy était couramment appelé « Sarkozy » tandis que Ségolène Royal était désignée par « Ségolène ».
Un prénom singulier, un nom de famille banal
Pour Kamala Harris, ce phénomène a pris une importance particulière durant sa campagne de 2020, quand son équipe a choisi de l’adopter comme stratégie, transformant son prénom « Kamala » en une véritable marque. Ce choix délibéré s’appuie sur la singularité de « Kamala », un prénom qui reste en tête et qui reflète ses origines multiculturelles indiennes et jamaïcaines. Un prénom qui devient ainsi un symbole de diversité dans un paysage politique américain majoritairement blanc. Le nom de famille « Harris » étant relativement commun, l’utilisation du prénom permettait aussi de rendre la candidate plus identifiable.
Les réseaux sociaux de sa campagne, nommés « Kamala HQ », les panneaux « KAMALA » lors de ses meetings, ou encore les chants de ses supporteurs (« Kamala ! Kamala ! ») illustrent cette décision : en se concentrant sur son prénom, la campagne de la vice-présidente a cherché à construire un lien de proximité, notamment avec les communautés d’Asie du Sud-Est, pour lesquelles « Kamala » évoque une représentation inclusive et authentique.
Un double standard
Cette stratégie a toutefois un double tranchant. En rendant la candidate plus accessible et humaine, l’utilisation de son prénom pourrait paradoxalement diminuer son autorité. Là où les hommes, désignés par leur nom de famille, bénéficient d’une image plus formelle et solennelle, les candidates femmes peuvent être perçues comme amicales, mais au risque de voir leur crédibilité amoindrie. Comme le souligne l’étude de l’Académie des Sciences américaine, cette familiarité risque de rendre les femmes plus sympathiques, mais moins honorables.
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En embrassant ce biais, la campagne de Kamala Harris a tenté de retourner cet inconvénient à son avantage en en faisant un symbole de diversité et de proximité. Toutefois, ce choix expose un double standard en matière de représentation des candidats et candidates. Peut-être qu’un jour, les femmes politiques bénéficieront du même traitement que leurs homologues masculins, et que leur autorité sera reconnue sans distinction de prénom ou de nom de famille. Cette stratégie sera-t-elle payante ? Réponse dans quelques heures (ou jours).
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