A Denver, Colorado,
L’élection de Donald Trump comme 47e président des Etats-Unis, contre Kamala Harris, ravit de nombreux Américains. Mais d’autres sont profondément choqués. Parmi eux : les membres de la communauté LGBT. Face à une montée de l’intolérance et à une incertitude grandissante concernant la protection de leurs droits, les voici à la croisée des chemins.
« Soyez solidaires ! Ayez de l’empathie ! »
Marie-Laure Yin, Franco-Américaine, est installée dans le Colorado depuis plusieurs années et vit aux États-Unis depuis plus de dix ans. Cette mère de famille qui travaille dans la tech nous répond alors qu’elle se rend au bureau. « J’ai suivi la soirée électorale avec ma femme, je n’en reviens toujours pas », confie-t-elle, visiblement choquée. Mercredi matin, alors qu’il est l’heure de lever toute la famille pour se préparer pour l’école, sa fille aînée demande à sa femme : « Qui a gagné ? » À la réponse de sa mère, « Trump », sa fille s’effondre : « C’est le jour le plus triste de ma vie. »
Marie-Laure, bien que préoccupée, reste optimiste pour elle et pour les siens, protégés par la citoyenneté et le mariage. « On est mariées depuis longtemps, donc j’ose espérer qu’il ne va pas nous retirer ça ». Mais elle se fait du souci pour d’autres, moins protégés par la loi, et pour l’avenir de la procréation médicalement assistée : « Est-ce que la PMA va toujours être remboursée, ou même autorisée pour les personnes gays ? Ce n’est vraiment pas gagné. »
Face à ces menaces et dans un climat électoral tendu, Marie-Laure et sa femme réfléchissent à quitter les États-Unis. Mais elle se demande si cela résoudrait réellement la situation. « Est-ce que partir du pays, finalement, c’est la solution ? Est-ce que partir va vraiment améliorer les choses pour nous, pour les autres ? » Elle a posté sur son compte Facebook le fait que si Trump passait, elle partirait vivre en Espagne. Sauf que les réactions de ses « amis » n’ont pas été celles escomptées. « J’ai commencé à recevoir des messages du genre « ça va, ta vie ne va pas changer, arrête d’en faire un flan » ». Des messages qui l’ont mise hors d’elle. « C’est difficile de comprendre comment on peut être amis avec quelqu’un qui soutient des valeurs que tu trouves si contraires aux tiennes », explique-t-elle avec une grande tristesse.
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Malgré ces tensions, Marie-Laure plaide pour la solidarité et l’empathie en ces temps difficiles. « Soyez solidaires, ayez de l’empathie ! Si vous voyez des amis qui sont en détresse, soutenez-les », conseille-t-elle. « Etre résilient, ce n’est pas voir le bon côté des choses, je ne suis pas sûre qu’il y en ait un. Mais se demander comment survivre aux quatre prochaines années. »
Un engagement personnel face à la peur
Frank Centinello, lui, vit en Floride, un État souvent perçu comme un bastion conservateur. Bien que cette réélection de Trump soit un coup dur auquel ni lui ni son mari ne s’attendaient, cet ingénieur spécialisé dans l’aérospatial a choisi pour le moment de rester dans cet État. Résigné ? Pas vraiment. « Je veux être visible pour ceux qui grandissent, ceux qui se sentent seuls ou qui ont peur de ce que leur avenir leur réserve. J’ai l’intention de rester ici pour montrer aux jeunes que l’on peut être gay et heureux, même en Floride. »
En tant que membre de la communauté LGBT, il ressent donc une forte responsabilité envers les jeunes générations. « Si je ne suis pas ici pour les représenter, qui le sera ? » Une décision qui n’est pas exempte de défis. Frank évoque le courage qu’il lui faut pour simplement prendre la main de son mari en public. Un geste qui, dans certains contextes, peut le mettre en danger. « Selon où nous sommes, mon mari et moi devons nous mettre d’accord : est-ce un endroit où on peut se donner la main librement ? Ce n’est pas seulement pour nous, mais aussi pour les autres qui se cachent encore, » confie-t-il.
Malgré la polarisation politique de la Floride, Frank fait preuve d’une empathie étonnante pour celles et ceux qui ont voté pour Donald Trump. « Je sais que beaucoup d’électeurs républicains sont des gens de cœur, même s’ils ne partagent pas mes valeurs. Ce n’est pas la politique qui définit les gens, mais la façon dont ils vivent au quotidien, » déclare-t-il. Pour lui, la clé est de trouver un terrain d’entente, même avec ceux qui, politiquement, sont loin de soutenir les droits des LGBT. « Je crois que le changement vient d’abord par l’empathie. C’est aussi cela, le courage. »
« Difficile à encaisser pour beaucoup de femmes »
Plus au nord, Amandine Aman, Française fraîchement naturalisée et résidant à Philadelphie depuis deux ans, a vécu intensément cette campagne présidentielle 2024. Arrivée aux États-Unis avec sa femme il y a près de dix ans, elle se bat pour les causes qui lui tiennent à cœur, notamment les droits des femmes et de la communauté LGBT. Avec sa femme, elle a multiplié les porte-à-porte et les appels aux électeurs en Pennsylvanie.
Son soutien à Kamala Harris a été motivé par un profond respect pour la vice-présidente, qu’elle décrit comme « une femme forte et extrêmement compétente », incarnant des valeurs d’empathie, de tolérance et d’égalité. Mais depuis le résultat des élections, Amandine se sent dévastée : « C’est difficile à encaisser pour beaucoup de femmes ».
« C’est un peu Gilead, mais en vrai », explique la jeune femme avec émotion, en référence à l’œuvre The Handmaid’s Tale de Margaret Atwood, un régime totalitaire où les femmes sont réduites à l’état de servantes et violées pour maintenir la natalité. Pour Amandine, la mise en place du « Project 2025 » par les républicains, une initiative qu’elle décrit comme un recul des droits des femmes et des minorités sous l’influence des nationalistes chrétiens, pourrait transformer les États-Unis en un pays où ses droits de femme mariée à une autre femme sont de plus en plus fragiles.
« Je suis allée voir mes amis, on a regardé les élections ensemble, et on a pleuré », raconte-t-elle. Elle s’inquiète pour l’avenir de son mariage et la sécurité de sa famille. « On ne sait pas comment ça va évoluer, mais il faut qu’on se regroupe et qu’on voit ce qu’on peut faire », conclut-elle en cherchant du soutien au sein de groupes de discussion queer.
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