Dreyfus général : le Sénat efface un siècle d’injustice

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Dreyfus général : le Sénat efface un siècle d’injustice

Dreyfus, de la trahison à l’honneur : le Sénat scelle une réparation nationale

Ce jeudi 6 novembre 2025, la Chambre haute du Parlement français achève un rituel de mémoire collective en votant une loi emblématique. Alfred Dreyfus, l’officier juif alsacien condamné en 1894 pour une trahison qu’il n’avait pas commise, se voit élevé au grade de général de brigade – une promotion posthume qui efface, du moins sur le papier, les stigmates d’une erreur judiciaire nourrie par les préjugés antisémites de la Belle Époque. Initiée par le Premier ministre Gabriel Attal, cette mesure législative s’ajoute à un arsenal symbolique déployé ces derniers mois pour honorer la mémoire de cet homme brisé par l’infamie.

L’affaire Dreyfus reste une cicatrice profonde dans l’histoire républicaine. En 1894, ce capitaine d’artillerie, accusé à tort d’espionnage au profit de l’Allemagne, fut dégradé publiquement sur le Champ de Mars, son épée brisée sous les huées. Embarqué au bagne de l’Île du Diable en Guyane, il y endura quatre années d’isolement infernal, enchaîné jour et nuit, avant une révision partielle en 1899 et une pleine réhabilitation en 1906. Ce drame, qui divisa la France en dreyfusards et antidreyfusards, vit Émile Zola lancer son brûlot « J’accuse… ! » en 1898, payant de sa plume un exil forcé. Près de 130 ans plus tard, cette loi n’efface pas les faits, mais elle les transcende : elle reconnaît explicitement la « faute » de l’État français, comme l’a martelé Attal lors de la présentation du texte.

Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en juin dernier, la proposition a franchi sans heurt les couloirs du Sénat, où elle avait déjà recueilli un consensus similaire plus tôt dans l’année. Ce vote final parachève un élan impulsé par le président Emmanuel Macron, qui, lors d’un discours cet été au Panthéon – où Dreyfus repose aux côtés de grandes figures comme Voltaire et Marie Curie –, a institué le 12 juillet comme Journée nationale de commémoration de son innocence. Ce choix de date évoque la libération de Dreyfus en 1899, jour où il revit la lumière après des épreuves qui minèrent sa santé jusqu’à sa mort en 1935. Macron, dans une allocution émouvante, a lié cette initiative à la vigilance contemporaine : « L’antisémitisme n’est pas une ombre du passé, mais un poison qui resurgit », une allusion voilée aux flambées de haine post-7 octobre 2023, avec une hausse de 1 000 % des actes antisémites en France selon des bilans officiels de 2024.

Le soutien bipartisan transcende les clivages : de la gauche aux centristes, en passant par une droite majoritairement solidaire, le texte unit sous la bannière de la République. Pourtant, des voix conservatrices, comme celles de sénateurs LR, expriment une gêne discrète. Pour eux, cette démarche, bien qu’honorable, risque de projeter l’image d’une classe politique monolithique dans la lutte contre l’antisémitisme, occultant les débats actuels sur l’immigration ou la laïcité. Ces réserves, minoritaires, n’entament pas l’élan : des historiens soulignent que Dreyfus, réintégré dans l’armée en 1903, servit même pendant la Grande Guerre comme officier d’artillerie, atteignant le grade de lieutenant-colonel – un parcours de résilience qui rend cette promotion symbolique d’autant plus poignante.

Au-delà du symbole, cette loi s’inscrit dans une vague de réparations mémorielles. Elle fait écho à la reconnaissance tardive des massacres de Sétif en 1945 ou à l’abrogation en 2021 de lois sécuritaires d’urgence. Pour les descendants de Dreyfus, comme son arrière-petit-fils mentionné dans des entretiens récents, c’est une closure bienvenue : « Mon bisaïeul n’a jamais cherché la vengeance, mais la vérité. » En 2025, alors que l’Europe fait face à une recrudescence des discours haineux – avec 8 000 incidents antisémites recensés en 2024 par des observatoires européens –, ce geste législatif rappelle que la République se juge à sa capacité à corriger ses errements. Dreyfus, de paria à général, incarne cette exigence : une leçon gravée dans le marbre du Sénat, pour que l’Histoire ne se répète pas.

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