« Drag Race France All Stars » : Le drag est politique, le « Royal Tour » l’est à sa manière

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Mami Watta a à peine eu le temps d’étrenner sa couronne de gagnante de « Drag Race France All Stars » qu’elle a investi, avec ses neuf acolytes de la saison, la salle Pleyel à Paris. Depuis mercredi et jusqu’à samedi, les queens de la compétition de France 2 y livrent les premières dates de leur « Royal Tour 2025 » qui les mènera dans les plus grandes salles de France (Zénith Sud de Montpellier le 2 octobre, Le Dôme de Marseille le 9 octobre…) avant un retour dans la capitale le 6 novembre pour une « party » à l’Accor Arena qui s’annonce « lé-gen-daire », dixit le gimmick de l’émission.

Que cette déclinaison scénique d’un concept télévisé se déploie dans une telle ampleur est logique au regard de l’engouement que « Drag Race France » provoque. Sa capacité à réunir un public au-delà de la communauté LGBTQ+ n’est plus à démontrer, en témoigne le nombre d’articles et de reportages qui ont été consacrés ces dernières années au phénomène parvenant à « parler » à toutes les générations, faisant découvrir aussi bien un art polyvalent, que les récits des vécus gays ou trans des artistes et les luttes à mener.

Qu’un show d’une telle ambition remplisse Zénith et Arena n’est cependant pas anodin dans une France qui n’est pas épargnée par les paniques morales transphobes qui agitent notamment les pays anglo-saxons. Le drag est politique et ce « Royal Tour » l’est à sa manière.

Le suicide de Caroline Grandjean évoqué

« Si vous aimez le drag, vous soutenez nos combats », lance ainsi la maîtresse de cérémonie Nicky Doll au milieu du spectacle. « Les personnes trans existent ! Les lesbiennes existent ! Les personnes séropositives existent ! », énumère-t-elle, sous les acclamations du public. Et d’évoquer, pour illustrer que nombre de luttes restent à mener, le suicide de Caroline Grandjean, la directrice d’école qui a subi un harcèlement lesbophobe et s’est suicidée le jour de la rentrée scolaire. Ou quand l’actualité s’insère à la dernière minute dans un show préparé depuis des mois…

Un acte, ou « chapitre », du « Royal Tour » s’intitule « Fight » (« Combat »). La Big Bertha, Soa de Muse et Piche se succèdent pour dénoncer à leur manière – douce ou plus vindicative – les haines et stigmatisations. Quelques instants plus tard, Elips, s’élance sur Smalltown Boy de Jimmy Sommerville, tandis qu’un triangle rose et les slogans « Danser = Vivre », « Silence = Mort », « Colère = Action » s’affichent sur l’écran géant. Cette évidente évocation d’Act Up, l’association de lutte contre le VIH, survient dans la partie « Pride » (« fierté ») et illustre à elle seule la manière dont la fête, la célébration des identités, le militantisme et l’engagement peuvent s’entremêler.

La Big Bertha et Soa de Muse dans le tableau
La Big Bertha et Soa de Muse dans le tableau « Fight », Elips sur le tableau « Pride » du « Royal Tour ». - Valentin Folliet

C’est aussi, semble-t-il, la ligne directrice de ce « Royal Tour », écrit par Raphaël Cioffi et mis en scène par Savary & Zaffuto, qui s’avère bien plus fluide que les tournées précédentes où un numéro drag et une courte interview s’enchaînaient de manière très séquencée. Ce live des « All Stars » mélange des solos avec des duos et des tableaux choraux pour raconter la culture drag (l’influence de la scène ballroom, les bingos mais aussi les club kids et les créatures…) et la communauté LGBTQ+. Parfois, le propos est direct, parfois, plus subtil – comme une tenue faisant allusion à la silhouette de Klaus Nomi.

Une place faite aux drags locales

L’autre bonne idée de ce show est de faire une place aux « local queens », c’est-à-dire aux drags qui font vivre les scènes de chaque ville, loin de caméras et des émissions de divertissement, et qui exercent pour beaucoup avec des moyens financiers limités. Chaque soir, deux d’entre elles seront conviées à s’affronter sur un lip-sync. Ce jeudi, c’était sur la chanson Let Me Be A Drag Queen – une manière aussi de faire un clin d’œil aux Sister Queen qui ont contribué à paver la voie du drag dans la culture populaire française.

L’esprit fédérateur se manifeste aussi dans la façon dont le spectacle met régulièrement les huit danseurs et danseuses – dont les tenues légères s’amusent à brouiller les frontières des genres – au premier plan, renforçant l’impression de troupe. Et puis il y a l’interaction avec le public LGBTQ+ (ou allié), plus marquée que par le passé. Il suffit de lancer Désenchantée pour que la salle Pleyel se transforme en boîte de nuit et rappeler, sans le dire explicitement, l’importance de faire communauté.

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La force de ce « Royal Tour » réside dans sa capacité à faire passer des messages, à rappeler de tristes réalités, tout en proposant un solide spectacle, enthousiasmant, inventif, émouvant et drôle. Comme le dit Nicky Doll, il y a « du glam, du dram » et, quoi qu’il en soit, « tout est mieux avec des drag-queens ».

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