Crédits photo : ©Leah Marciano
Dimanche 23 novembre 2025, s’est tenue la 15e Convention nationale du Crif sur le thème : « La République a-t-elle dit son dernier mot ? ». Tout au long de la journée, se sont déroulés des tables-rondes, conférences, débats, des films et documentaires ont été projetés. Comme chaque année, de nombreuses personnalités politiques et publiques ainsi que des personnalités issues du monde universitaire et de la culture ont participé à cette Convention. Découvrez le discours du président du Crif lors de la plénière de clôture de cette 15e Convention nationale.
Chers amis,
C’est toujours un immense privilège de m’exprimer devant vous. Mais, les soirs de clôture de Conventions nationales, je le fais aussi avec un pincement au cœur car je sais que chacun voudrait poursuivre encore de longues heures les débats, les discussions, parfois les controverses qui font la saveur de cette journée !
Alors rappelons-le et rassurons-nous : clore la Convention ce n’est pas fermer le débat, c’est au contraire le condenser pour le prolonger quand nous aurons quitté la maison de la Chimie.
Avant toutes choses, je voudrais ce soir remercier les équipes du Crif qui rendent possible cette journée.
Merci à nos équipes professionnelles, aux élus, aux bénévoles et au-delà, à tous ceux qui ont contribué à faire de cette Convention nationale un temps utile à nous tous et, je le crois, un temps utile à la République.
Cher Jean Garigues, merci d’avoir éclairé cette plénière par vos analyses et votre regard puissant et lumineux sur notre monde, sur ses détresses et ses promesses.
Comme chaque édition de notre convention nationale, cette journée a été le lieu d’un foisonnement intellectuel, d’un questionnement qui ne laisse personne indifférent. Car penser, c’est toujours prendre le risque de la pensée de l’autre, c’est toujours, un peu, penser contre les siens, penser contre soi-même.
Chers amis,
Je suis fier de notre pluralisme. Et je le redis ici : notre Convention est la plus belle démonstration que, contrairement à d’autres acteurs du débat public, nous ne sommes ni une meute ni une secte !
Alors, puisqu’il me revient de conclure, et puisque c’est la question qui nous a réunis aujourd’hui, je vais tenter d’y répondre : la République a-t-elle dit son dernier mot ?
La plus évidente, la plus flagrante des réponses tient d’abord à votre présence nombreuse toute la journée : vous êtes aujourd’hui près de 2 000 personnes, oui 2 000 personnes, à avoir bravé le fatalisme ou le défaitisme, les intimidations ou le confort du prêt-à-penser pour dire que la République n’a pas dit son dernier mot et que vous avez précisément votre mot à dire !
Vous avez votre mot à dire face à l’obscurantisme, à l’antisémitisme, aux extrémismes, au complotisme, au clientélisme, face à l’islamisme, au racisme, au populisme… bref face à tous ceux qui ont juré la mort de la République.
La République a-t-elle dit son dernier mot ? La question se pose, d’abord parce que la République a des ennemis. Face à eux, la République n’est jamais acquise, elle se conquiert et se reconquiert sans cesse et notre génération ne fait pas exception à cette règle.
Mesdames, messieurs,
Nous avons commémoré, il y a quelques jours, la nuit tragique du 13 novembre 2015, durant laquelle la violence islamiste a frappé le cœur de Paris, s’attaquant à la jeunesse de France autant qu’à nos valeurs et notre mode de vie.
Associons à cet hommage, les victimes qui les ont précédées : notamment des Français juifs, des militaires, des policiers, des membres de l’équipe de Charlie Hebdo assassinés en mars 2012 et en janvier 2015, déjà, par le même obscurantisme islamiste.
L’islamisme, on le sait, a déclaré la guerre à la République. Comme il déclare la guerre à tous les apostats, toutes les minorités, tous les tenants de la liberté.
Mais certains en France, cédant à de petites lâchetés ou de grands renoncements, font mine de ne pas voir cette guerre.
Peguy nous avertissait déjà : « Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ».
Oui, il se trouve en France des partisans de l’aveuglement volontaire pour croire que l’on peut transiger avec l’islamisme, amadouer les intégristes, vivre en paix avec les partisans de la charia. Ce sont les esprits munichois du 21e siècle !
Ceux-là, sont souvent les mêmes qui ont du mal à reconnaître l’islamisme dans l’attaque terroriste qu’a menée le Hamas contre des Juifs le 7 octobre 2023.
Ce sont souvent les mêmes, aussi, qui trouvent que nous en ferions trop, en France, sur l’antisémitisme.
Heureusement, ici, comme dans les études d’opinion, nous savons qu’une majorité de Français, une majorité silencieuse mais une majorité réelle, a une conscience claire des dangers de l’islamisme. Mais l’idéal républicain a un autre ennemi, plus difficile à identifier, qui se dissimule derrière de faux principes démocratiques, et des libertés dévoyées.
Cet ennemi, c’est le clientélisme et le communautarisme, quand des responsables politiques cessent de s’adresser à des citoyens libres et éclairés, mais cherchent à séduire des électeurs en assignant à une identité préconçue et des idées reçues.
Cette stratégie est au cœur de la rhétorique de La France insoumise (LFI). En réduisant de manière caricaturale et outrancière le Proche-Orient compliqué à un slogan électoral pour attiser les passionstristes qu’elle imagine chez nos concitoyens musulmans, LFI trahit d’abord l’idée même de l’universalisme républicain !
Ce discours d’assignation identitaire est aussi au cœur du projet des indigénistes et d’un prétendu antiracisme décolonial : Non, lutter contre le racisme, ne passe pas par enfermer des citoyens dans leurs identités particulières ! Non, le racialisme ne sera jamais un antiracisme !
Lutter contre le racisme et les discriminations, comme contre l’antisémitisme, c’est dire au contraire que la République n’est pas le problème mais la solution. C’est demander plus de République et la même République pour tous.
En 2010, le linguiste italien Rafaele Simoné décrivait comment les médias et les réseaux sociaux favorisent désormais l’ascension politique d’amuseurs publics, de personnalités parfois drôles et violentes à la fois. Ces Monstres doux, selon son terme, nous les voyons désormais pousser, partout dans le monde, et aussi en France. Ces Monstres doux sont les complices de l’affaiblissement de la République.
L’idéal républicain est attaqué de toutes parts : à Verdun, une messe est organisée pour rendre hommage Pétain, qualifié de « premier des résistants », alors que la République l’avait condamné pour haute trahison et frappé d’indignité nationale.
À Épinay-sur-Seine, des bûcherons antisémites ont tronçonné l’arbre que la République avait planté en hommage à Ilan Halimi.
À Marseille et ailleurs, l’ordre républicain est menacé par le narcotrafic.
À la Philharmonie, des ignorants qui imaginaient sans doute qu’un pseudo génocide se commet avec des violons, des flûtes traversières et des contrebasses pensent juste de profaner le sanctuaire que doit être la culture.
À Strasbourg, un candidat aux municipales, fait une campagne communautariste en turc et en arabe.
Et partout progresse un boycott assumé ou silencieux qui vise, les Israéliens, les Juifs mais aussi tous ceux accusés de prendre leur parti, ciblant pêle-mêle Amir, Enrico Macias ou Sophia Aram.
Partout, les voix qui brocardent la laïcité progressent alors que la laïcité a été une loi d’équilibre, de protection et de liberté pour les Juifs depuis 1905.
Face à cela, je le vois quotidiennement : la République tangue mais reste debout, défendue par ses soldats. J’étais cette semaine au Salon des Maires de France. Ces élus, en prise directe avec les enjeux quotidiens de la vie des Français, forment un rempart contre ces Monstres doux, contre les fascinations obscures, contre les tentations populistes.
Monsieur le ministre de l’Intérieur, Cher Laurent Nuñez, vous êtes aussi l’un de ses remparts ! Je veux ici vous remercier de votre engagement sans faille contre l’antisémitisme depuis tant d’années. Vois pouvez compter sur notre soutien dans votre combat pour défendre la République !
Chers amis,
Non, la République ne dira pas son dernier mot, parce que nous sommes, chacun, responsables de la République.
Le philosophe Hans Jonas avait mis la lumière sur ce qui doit gouverner nos choix essentiels : la conscience de notre responsabilité. C’est bien ce sentiment que je ressens comme vous ce soir au moment de conclure.
Nous sommes tous responsables de la République, non seulement envers nous-mêmes, mais envers les générations à venir. Hans Jonas le disait : « On n’a pas le droit de parier sur quelque chose qui ne nous appartient pas ».
Chers amis,
La République ne nous appartient pas, nous n’en sommes que les dépositaires le temps fugace de nos vies. Nous avons la responsabilité de la protéger et de la faire vivre.
Pour cela, la République continuera longtemps à faire entendre sa voix,
Et nous-mêmes, au Crif, nous continuerons de faire entendre la voix des Français juifs dans la République.
Je vous remercie.
Yonathan Arfi, président du Crif
Revoir le discours du président du Crif :
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