Qui est la djihadiste française Emilie König, 40 ans, renvoyée devant une cour d’assises spéciales pour association de malfaiteurs terroriste criminelle ? Le Parquet national antiterroriste (Pnat) présente cette femme comme une « véritable égérie » du groupe Etat islamique.
Née à Lorient (Morbihan) en 1984 d’un père gendarme, dernière d’une famille de quatre, Emilie König a suivi une scolarité normale. Elle se convertit au contact de son premier mari, d’origine algérienne, emprisonné pour trafic de drogue, et apprend l’arabe. Elle se fait alors appeler Samra, se voile entièrement et, au contact du groupe islamiste nantais Forsane Alizza, commence sa radicalisation.
En 2010, portant le niqab, elle est repérée près de la mosquée de Lorient, où elle tentait de distribuer des tracts appelant au djihad. Elle se rend souvent à Paris, se fait remarquer en manifestant aux premiers rangs, intégralement voilée.
Des appels à la guerre sainte sur Facebook
Au printemps 2012, convoquée au tribunal de Lorient, elle s’y présente en niqab, refuse de se dévoiler, provoque une altercation avec un vigile. Elle filme la scène et la poste rapidement sur YouTube, criant à la discrimination. Après la dissolution de Forsane Alizza, dont les principaux membres ont été traduits en justice, elle ouvre plusieurs pages Facebook appelant à la guerre sainte.
Toujours au printemps 2012, elle laisse en France ses deux enfants pour rejoindre en Syrie son mari, qui avait rejoint le groupe qui allait peu après devenir le groupe Etat islamique, avant d’être tué. Elle fait partie des premiers Français à avoir franchi la frontière turque pour prendre part au djihad en Syrie. Elle est visée notamment en France par une enquête sur le départ en Syrie d’une dizaine de jeunes gens de la région nîmoise.
Vidéos de propagande avec un fusil à la main
Si elle ne prend pas part aux combats, dans un mouvement où les femmes ne sont pas considérées comme des combattantes potentielles et le plus souvent confinées à des rôles de soutien, Emilie König apparaît souvent dans des vidéos de propagande. Dans l’une d’elles, mise en ligne le 31 mai 2013, elle pose avec un fusil à canon scié, comme si elle s’entraînait au tir. Dans une autre, postée un mois plus tard, elle adresse un message de propagande à ses enfants restés en France. « N’oubliez pas que vous êtes musulmans », dit-elle à ses fils, confiés à leur grand-mère. « Le djihad ne cessera pas aussi longtemps qu’il y aura des ennemis à combattre. »
Selon le Parquet national antiterroriste (Pnat), Emilie König a agi comme « recruteuse, entremetteuse et propagandiste » du groupe Etat islamique, et est sciemment restée sur place pendant les pires exactions de Daesh.
Encouragement « à commettre des actes violents »
En 2014, l’ONU l’a placée sur sa liste des combattants les plus dangereux, relevant notamment des vidéos où elle s’entraînait au maniement d’un fusil, adressait des messages de propagande à ses enfants, et encourageait « à commettre des actes violents » dans l’Hexagone contre des institutions ou des épouses de militaires.
Capturée en 2017 à Chadadi, ville de l’est de la Syrie, alors que les forces kurdes poursuivaient leur offensive pour reconquérir les secteurs aux mains des djihadistes, elle a été détenue cinq ans dans un camp en Syrie gérée par les forces kurdes. Elle a été rapatriée volontairement en France en 2022, où elle est depuis incarcérée. Elle a indiqué lors de sa mise en examen que si elle est « rentrée, c’est pour réparer tout ça, récupérer (ses) enfants et travailler ».
Plainte du département du Morbihan pour violences
Emilie König a donné naissance à trois enfants lors de son séjour en Syrie. « Dès leur arrivée sur le territoire français (en 2022), les enfants ont livré des éléments sur leur histoire traumatique » aux spécialistes qui les prenaient en charge, selon le conseil départemental du Morbihan, tuteur des enfants, qui a porté plainte contre Emilie König en octobre 2024. « A leur arrivée en France, les enfants pensaient que les couteaux ne servaient qu’à couper des têtes », ils « racontent avoir vu des égorgements à la télé et mimaient le geste », détaille la plainte.
Le conseil départemental du Morbihan, où la jeune femme résidait avant son incarcération, avait dès le mois de mai 2023 fait un signalement à la justice sur les « violences physiques et psychologiques » infligées par leur mère ainsi que des « scènes d’effroi » auxquelles ils auraient assisté.
« Elle n’est plus radicalisée », selon son avocat
Une première expertise psychiatrique d’Emilie König a évoqué sa « dangerosité criminologique », mais une évaluation plus récente en détention a souligné « une dynamique positive » et une « démarche d’introspection ».
Selon son avocat, Me Emmanuel Daoud, la Française a pu « revenir vers une conception de la vie en société conforme à nos idéaux républicains », a-t-il assuré mardi à l’AFP. Il a ajouté que « les investigations menées établissent qu’elle n’est plus radicalisée et qu’elle a tout fait pour sauver ses enfants », assure Me Daoud.
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