Des espions chinois s’installent à Cuba
par Gordon G. Chang
Oubliez l’Europe ou les points chauds de l’Asie de l’Est et du Moyen-Orient: le premier voyage à l’étranger de Marco Rubio en tant que secrétaire d’État l’a conduit dans un État des Caraïbes et dans quatre États d’Amérique centrale. Cette tournée nous montre que la politique étrangère de Trump se concentre aussi sur la région la plus proche du territoire américain.
C’est une mauvaise nouvelle pour les gauchistes et les régimes radicaux de l’hémisphère occidental, en particulier pour la République de Cuba et son nouveau protecteur, la République populaire de Chine. L’armée chinoise est solidement implantée dans un pays non loin de Key West, en Floride.
En juin 2023, le Wall Street Journal rapportait que la Chine et Cuba avaient convenu en principe d’établir un nouveau site d’écoute sur le sol cubain. L’administration Biden a qualifié cette information d’inexacte, mais deux jours plus tard, la Maison Blanche a déclassifié des renseignements montrant que des installations chinoises de collecte de renseignements sur les signaux étaient opérationnelles à Cuba depuis au moins 2019.
Washington a tenté à plusieurs reprises de minimiser l’implication chinoise sur le sol cubain, et la déclassification s’est révélée, en pratique, trompeuse. On ne sait pas exactement quand la Chine a commencé à collecter des renseignements sur les signaux, communément appelés SIGINT, à Cuba, mais il est évident que cet effort a commencé plus d’une décennie avant 2019.
« Les rumeurs sur la présence des services de renseignement chinois sur l’île semblent avoir commencé avec la visite de Chi », indique un rapport du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), faisant référence à un voyage du ministre chinois de la Défense de l’époque, le général Chi Haotian, en 1999.
R. Evan Ellis, du Collège de guerre de l’armée américaine, a déclaré au Gatestone Institute que les Chinois pourraient être engagés dans cette activité à Cuba depuis 1993. Certains pensent que l’armée chinoise s’est installée dans l’installation de Lourdes, le plus grand poste d’écoute de l’Union soviétique en dehors de son territoire, peu après la chute de l’URSS.
Cuba offre à la Chine un endroit idéal pour surveiller l’Amérique. « Située à moins de 160 kilomètres au sud de la Floride, Cuba est bien placée pour surveiller les communications et activités sensibles, y compris celles de l’armée américaine », indique le rapport du CSIS. « La côte sud-est des États-Unis regorge de bases militaires, de quartiers généraux de commandement de combat, de centres de lancement spatial et de sites d’essais militaires. »
L’étude du CSIS identifie quatre postes d’écoute chinois probables à Cuba. Deux d’entre eux datent de l’époque soviétique, Calabazar et l’installation de Lourdes près de Bejucal. L’un d’eux, Wajay, semble avoir été construit après la chute de l’Union soviétique. Il y en a aussi un tout nouveau, El Salao.
La Chine veut faire plus que simplement collecter des SIGINT. « La Chine et Cuba négocient l’établissement d’un nouveau centre d’entraînement militaire conjoint sur l’île, ce qui suscite l’inquiétude à Washington quant au fait que cela pourrait conduire au stationnement de troupes chinoises et à d’autres opérations de sécurité et de renseignement à seulement 160 kilomètres des côtes de la Floride », rapportait le Wall Street Journal en juin 2023.
La base à Cuba ferait partie du Projet 141 de l’Armée populaire de libération, un effort visant à étendre ses opérations mondiales.
La Chine a démenti les informations du Wall Street Journal , les qualifiant de « totalement mensongères et infondées ». Quoi qu’il en soit, depuis la publication de l’article, rien n’a confirmé que l’armée chinoise ait effectivement construit ou obtenu l’accès à un tel site.
L’une des explications possibles est peut-être que l’administration Biden a fait pression sur La Havane et Pékin pour qu’ils renoncent à ses activités. Comme l’a déclaré à l’époque un responsable de la Maison Blanche, le gouvernement chinois « continuera à essayer de renforcer sa présence à Cuba, et nous continuerons à travailler pour la perturber ».
La Chine et Cuba, qui ont déclaré l’année dernière une « amitié indéfectible », pourraient-elles utiliser leur coopération en matière de SIGINT comme base de ce que le CSIS appelle « un partenariat militaire et de défense plus ouvert avec La Havane » ?
Cuba a besoin de l’argent chinois et pourrait donc accepter d’accorder à la Chine un accès plus large à l’île. Le régime cubain traverse en effet sa pire crise économique depuis au moins l’effondrement de l’Union soviétique. La Russie, son ancien mécène, est entravée par la guerre en Ukraine et par les récents revers au Moyen-Orient. Vladimir Poutine n’est donc pas en mesure d’apporter une aide d’une grande ampleur.
Le dirigeant chinois Xi Jinping dispose de ressources considérables, mais ses ambitions sont également coûteuses et son régime ploie sous le poids de ce que Paul Kennedy, de Yale, a appelé « l’expansion impériale excessive ». Pire encore, l’économie apparemment puissante de Xi Jinping souffre. Le ralentissement de la Chine est plus grave que tout autre depuis la Révolution culturelle, qui s’est terminée en 1976 avec la mort de Mao Zedong. On ne sait donc pas jusqu’où les amis chinois iront pour sauver leurs camarades cubains.
La Chine a fait de grands progrès dans les Caraïbes alors que les États-Unis ne lui prêtaient pas attention. Aucun président américain depuis le début du XXe siècle — Trump 45 inclus — n’a accordé autant d’attention à cette région que Trump 47.
Rubio, lui, se concentre sur le bassin des Caraïbes, comme le montre l’itinéraire de son premier voyage. De plus, le nouveau secrétaire d’Etat semble prêt à utiliser la puissance brute des Etats-Unis pour faire pression sur les autres pays.
Lors de sa première étape de son premier voyage, Rubio a déclaré au président panaméen José Raúl Mulino que les États-Unis adoptaient une nouvelle approche concernant le canal. Selon la porte-parole Tammy Bruce, le 2 février, le chef de la diplomatie américaine a « clairement indiqué que ce statu quo était inacceptable et qu’en l’absence de changements immédiats, les États-Unis devraient prendre les mesures nécessaires pour protéger leurs droits en vertu du traité ».
Que Rubio ait menacé ou non d’utiliser la force – les États-Unis, dans ce qu’on appelle le Traité de neutralité, se réservent le droit de le faire dans la zone du canal – ses paroles ont eu des résultats immédiats: Mulino a annoncé que le Panama ne renouvellerait pas son mémorandum sur la Ceinture et la Route avec la Chine et pourrait même mettre fin à l’accord existant avant son expiration prévue.
Il est peu probable que les États-Unis utilisent la force contre Cuba au sujet des postes d’écoute, mais le président Donald Trump et le secrétaire d’État Marco Rubio ne sont pas prêts à laisser l’armée chinoise prendre le contrôle d’un pays si proche du territoire américain. Cuba doit s’attendre à une pression intense, la Chine étant probablement en pleine expansion dans ce pays.
Gordon G. Chang est l’auteur de The Coming Collapse of China , membre éminent du Gatestone Institute et membre de son conseil consultatif.
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Sur la photo : le président cubain Miguel Diaz Canel (à droite) salue Li Xi, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois, à La Havane, le 15 septembre 2023. (Photo de Yamil Lage /Pool/AFP via Getty Images)
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