Comment l’Iran reconstruit son programme nucléaire, en tirant les leçons des frappes israéliennes
Huit mois après les frappes coordonnées d’Israël contre des cibles en Iran en juin 2025 — elles-mêmes précédées d’une opération d’octobre 2024 qui a neutralisé une partie clé de la défense aérienne iranienne — Téhéran reconstruit, réorganise et déplace. Les images satellites les plus récentes autour du site de Taleghan 2, associé par le passé au plan nucléaire militaire AMAD, montrent des structures à toit en arche, des bâtiments latéraux susceptibles d’intégrer des « pièges à explosion » et une nouvelle zone de soutien. Ce microcosme illustre la tendance lourde : enterrer davantage, cloisonner mieux, compliquer le travail de renseignement et la létalité des munitions pénétrantes.
La séquence est désormais connue. Le 26 octobre 2024, Israël a frappé environ vingt emplacements en Iran et dans la région, ciblant notamment les batteries S-300 et des capteurs longue portée. La fenêtre créée a rendu possible l’offensive de juin 2025 contre plus d’une centaine de sites liés au complexe militaire et nucléaire iranien, retardant le programme de Téhéran de l’ordre de deux ans selon des responsables israéliens. Quelques jours plus tard, des capacités américaines spécialisées ont été engagées contre des objectifs profondément enterrés, confirmant une réalité stratégique : certaines installations souterraines — Fordo ou des sections d’Ispahan — exigent des moyens très spécifiques et un niveau de coordination allié inhabituel.
Depuis, l’Iran reconstruit par touches successives. À Taleghan 2, l’érection de hangars arqués et de bâtiments latéraux, potentiellement recouvrables de terre, laisse penser à une volonté d’amortir l’onde de choc, de compartimenter les zones sensibles et, si nécessaire, de reconstituer des capacités liées aux essais d’explosifs à haute énergie ou à la fabrication d’explosifs plastiques utilisés dans les dispositifs de mise à feu. Ce n’est pas une preuve définitive d’activités nucléaires illégales ; c’est, en revanche, la matérialisation d’une stratégie d’attrition : compliquer, dissuader, retarder l’effet militaire adverse. Et si Téhéran a choisi de poursuivre ces travaux malgré les frappes d’octobre et de juin, c’est qu’il estime avoir trouvé une formule d’ingénierie plus résiliente.
Le terrain diplomatique a, lui aussi, bougé. Les Européens (E3) ont enclenché le « snapback » des sanctions à l’ONU fin septembre 2025, jugeant l’Iran en non-conformité. Parallèlement, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) déplore une perte de « continuité de connaissance » depuis le printemps 2025 ; les visites se raréfient, les caméras ne tournent plus partout, et les clarifications sur d’anciens sites restent en suspens. Autrement dit : l’opacité grandit au moment où l’architecture industrielle se renforce sous terre.
Côté israélien, l’équation se clarifie aussi. D’une part, l’expérience montre qu’il faut frapper certains ensembles à plusieurs reprises : soit parce que tous les sous-sites d’un complexe n’ont pas été traités, soit parce que la profondeur, la géométrie et les amortisseurs explosifs ont limité l’effet des premières vagues. D’autre part, lorsque Téhéran approfondit ses installations, le seuil d’emploi des moyens nécessaires grimpe, d’où la coopération ponctuelle avec Washington pour traiter les cibles les plus durcies. Enfin, le facteur renseignement reste déterminant : la cartographie révélée par la saisie des archives nucléaires à Téhéran en 2018 a permis d’éclairer des choix de cibles clés en 2024-2025, et l’actualisation de cette connaissance devient un impératif alors que l’Iran disperse et enfouit.
À court terme, les indications publiques ne suggèrent pas une relance visible de l’enrichissement industriel : l’appareil centrifuge a été sévèrement touché, et la remise en route exige des chaînes, de l’électricité stable, des stocks et du personnel qualifié. Mais à moyen et long termes, si Téhéran maintient sa stratégie « souterraine » et perfectionne ses amortisseurs, chaque nouvelle frappe exigera plus de moyens, plus de précision et plus de risque politique. C’est précisément l’objectif iranien : rendre l’option militaire plus coûteuse, gagner du temps, et tester la cohésion des alliés.
Dans ce contexte, trois leviers s’imposent. D’abord, maintenir une pression économique et juridique crédible via le rétablissement des sanctions onusiennes et la traque des réseaux d’approvisionnement duals. Ensuite, reconstituer un dispositif de vérification robuste : sans capteurs ni inspections, les zones grises se multiplient et le signal d’alerte s’émousse. Enfin — et c’est central du point de vue israélien — préserver une capacité de déni opérationnel : renseignement agile, frappes chirurgicales quand nécessaire, et coopération technico-militaire pour traiter les cibles les plus dures.
Face à un régime qui reconstruit en sous-sol et parie sur l’opacité, Israël a non seulement le droit, mais le devoir de neutraliser toute trajectoire vers l’arme nucléaire. Les frappes d’octobre 2024 et de juin 2025 ont prouvé que la dissuasion active peut gagner des années précieuses. L’alliance avec les démocraties occidentales, le rétablissement des sanctions et la supériorité de renseignement restent la meilleure garantie de sécurité pour les civils israéliens… et, au-delà, pour la stabilité régionale.
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