Claude Lanzmann et le retour de l’antisémitisme
par Javier Garcia
À l’occasion du centenaire de sa naissance, le 27 novembre 2025, souvenons-nous de son ultime combat : celui contre la haine des Juifs, qui n’a jamais cessé de hanter la conscience française.
Cent ans après sa naissance, Claude Lanzmann nous manque. Cinéaste de Shoah, directeur des Temps modernes, compagnon de route de Sartre et de Beauvoir, il fut de ceux qui firent de la mémoire un combat.
Aujourd’hui, son cri résonne à nouveau alors que les agressions antisémites se multiplient en France : 1 676 actes recensés en 2024, soit une hausse de plus de 280% depuis les pogromes du 7 octobre 2023.
Ceux qui l’ont connu se souviennent de ses insomnies, de ses sursauts nocturnes, hanté par les visages du mal et la trahison des hommes.
Dans ses cauchemars, il se réveillait parfois en hurlant : « Vous êtes tous des kapos ! » – une accusation lancée à travers le temps, vers une humanité oublieuse. Le sommes-nous devenus ? Oui, à en croire les chiffres.
L’essentialisation du Juif, Lanzmann l’avait redoutée. Elle commence lorsque, en juillet 2017, Emmanuel Macron invite Benyamin Netanyahou à la commémoration du Vel’ d’Hiv. Ce geste brouillait la frontière entre mémoire française et politique israélienne, entre histoire et actualité : il transformait une commémoration nationale en acte diplomatique. Cette confusion s’est prolongée, jusqu’à aujourd’hui, lorsque des fumigènes ont été allumés dans une salle parisienne pendant un concert de l’Orchestre national d’Israël. Sartre, dans Réflexions sur la question juive, nous avait pourtant avertis : essentialiser le Juif, c’est déjà le rendre coupable d’être ce qu’il est.
Et à l’inverse, essentialiser « l’État juif », c’est risquer de rendre un peuple responsable d’actes qui, après enquête, pourraient relever du crime – ou du génocide. Sur les réseaux sociaux comme dans les débats médiatiques, cette confusion prolifère: on confond la critique d’un gouvernement avec le rejet d’un peuple, la dénonciation d’une politique avec la haine d’une identité. C’est là que meurt la pensée, quand la nuance devient suspecte et que la colère devient dogme.
Entre ces dérives, Lanzmann avait tracé une ligne claire: celle de la responsabilité existentielle. La remplacer par une vision identitaire, c’est substituer à la pensée une biologie, à la morale, une appartenance.
Au pied des vignes, il y a des rosiers : lorsque le mildiou frappe, il attaque d’abord les rosiers. Les Juifs sont les roses de notre République, et le mildiou, c’est l’antisémitisme – il ne disparaît jamais, il se connecte.
Javier Garcia est agrégé et docteur en histoire. Il prépare actuellement un livre sur Claude Lanzmann et Les Temps Modernes.
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Claude Lanzmann (5 juillet 2018-27 novembre 1925)
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