Huit destins victimes de la Shoah
Début octobre 1942, un vaste coup de filet est organisé dans l’Eure par la gendarmerie sur ordre de la préfecture relayant les directives du régime de Vichy. Le but : arrêter les juifs étrangers installés sur le territoire afin de les interner au château de Gaillon avant de les remettre à l’occupant nazi.
Sur la vingtaine de personnes identifiées pour être acheminées à Gaillon, neuf sont finalement appréhendées entre le 9 et le 13 octobre. L’un d’entre eux, qui s’avère être français, est relâché le 10 octobre.
Les huit autres seront détenus au sein du centre d’internement installé au pavillon Colbert. Six perdront la vie à Auschwitz. Deux survivront.
Leurs parcours, établis lors des recherches effectuées par les élèves de terminale B du lycée André-Malraux, ont été racontés par Lilou, Léonie, Mathéo, Alycia, Jade, Maéva, Arthur, Luna, Klervi, Laura Alyson, Fleur et Sohaïla, lors de la commémoration.
Jechiel Tenenbaum
Né à Varsovie (Pologne), Jechiel Tenenbaum a 23 ans lorsque cet apprenti couturier est arrêté par les gendarmes, le 10 octobre, au sanatorium de la Musse à Saint-Sébastien-de-Morsent. Il y était traité contre la tuberculose.
Six jours après son arrivée à Gaillon, il est transféré à Drancy, le 16 octobre. Pour une raison inconnue, il est libéré le lendemain. Jechiel Tenenbaum réussit ensuite à se cacher jusqu’à la fin de la guerre. Il vivra jusqu’en 2000.
Davys Donnenfeld
Né à Bucarest (Roumanie) en 1909, Davys Donnenfeld exerçait la profession de médecin à Fleury-sur-Andelle après son arrivée en France en 1928. Marié à Marthe Joignant, il avait deux enfants. De mars à septembre 1940, il revêt l’uniforme en tant qu’engagé volontaire dans l’armée française.
Lorsque le régime de Vichy fait passer ses lois antisémites, l’exercice de la médecine est interdit à Davys Donnenfeld. Les gendarmes de la brigade de Fleury-sur-Andelle viennent l’arrêter à son domicile le 9 octobre 1942 à 15 h 30. Il arrive à Gaillon le lendemain.
Comme certains de ses codétenus, il est transféré à Drancy le 16 octobre. Mais, alors que la majorité des juifs internés à Gaillon prend le convoi 40 vers Auschwitz, Davys Donnenfeld reste à Drancy jusqu’au 9 mars 1943. Ce jour-là, il est transféré au camp de Beaune-la-Rolande. Quatre mois plus tard, on l’envoie à Saint-Péravy-la-Colombe, le 9 juillet 1943. Trois jours plus tard, il revient à Drancy. Il sera libéré du camp situé en région parisienne le 18 août 1944. Après la guerre, il ne revient pas dans l’Eure. Davys Donnefeld meurt en 1962 dans la région niçoise.
Lajzer Gutman
Arrivé de Pologne en 1921, Lajzer Gutman, 67 ans, habite Louviers lorsqu’il est arrêté à son domicile du 41 rue Saint-Germain, le 9 octobre par la gendarmerie. Cet ouvrier tailleur vit dans la cité drapière depuis 1938 avec sa femme Haya Jurkevitch. Le couple a eu 7 enfants.
Lajzer Gutman arrive à Gaillon le lendemain de son arrestation. Il ne le sait pas, mais ses deux fils, Abraham et Israël, l’une de ses filles, Laja et son petit-fils Maurice ont déjà été déportés à Auschwitz.
Pendant son internement à Gaillon, sa femme écrit au préfet de l’Eure pour lui demander sa remise en liberté du fait de la santé fragile de Lajzer. Il est malgré cela transféré le 16 octobre à Drancy. Le 4 novembre, il est entassé dans l’un des wagons du convoi n°40 qui quitte le Bourget et arrive au camp d’Auschwitz deux jours plus tard. Le convoi transportait 468 hommes et 514 femmes et enfants. En raison de son âge, il est probable que Lajzer Gutman fasse partie des 199 hommes assassinés dès leur arrivée au camp de la mort.
Samuel Grossmann
Samuel Grossmann, menuisier né en Pologne, avait 50 ans en 1942. S’il habitait Évreux, il travaillait sur un chantier à Pont-Audemer lorsqu’il est arrêté le 11 octobre. Deux jours plus tard, il arrive à Gaillon. Après un passage à Drancy, il fait partie du convoi n°40 qui arrive à Auschwitz le 6 novembre. Il n’en reviendra pas.
Tony et Levy Jaller
Tony, 34 ans, et Levy Jaller, 43 ans, sont originaires de Roumanie et se sont installés en France en 1930. Après quelque temps à Paris, le couple s’installe à Montreuil-l’Argillé en 1932 où Levy exerce la profession de médecin. Quatre ans plus tard, Nicole, leur fille, naît à Bernay.
En 1939, Levy s’engage volontairement dans l’armée française et intègre la 3e section d’infirmerie militaire. Lorsque les gendarmes se présentent à leur domicile, le 10 octobre 1942, ils trouvent le couple alité. Un confrère a rédigé un faux certificat médical indiquant qu’ils ne sont pas transportables. Les gendarmes jouent le jeu.
Trois jours plus tard, Levy et Tony Jaller, dénoncés et qui n’avaient pas voulu fuir, sont finalement arrêtés et conduits au centre d’internement de Gaillon avant de poursuivre leur mortel périple vers Drancy puis Auschwitz. Tony Jaller y trouve la mort. Levy, lui, fait partie des 4 survivants du convoi n°40. Il vivra jusqu’en 1980.
Lorsque ses parents sont arrêtés, Nicole, 6 ans est laissée aux soins du maire du village. Elle sera finalement arrêtée un an plus tard et internée à Drancy avant d’être protégée par un couple. Elle reviendra finalement dans l’Eure en août 1944. Aujourd’hui, âgée de 88 ans, elle vit aux États-Unis.
Emma et Ephraïm Rabinovitch
Ephraïm Rabinovitch, né en Russie, et sa femme Emma Wolf, originaire de Pologne, avaient respectivement 52 et 50 ans lorsque les gendarmes de Conches-en-Ouche sont venus les chercher dans leur maison des Ventes, près d’Évreux, le 9 octobre 1942 dans l’après-midi.
Mariés en 1919, ils avaient eu trois enfants : Myriam, Noémie et Jacques. La famille Rabinovtich est arrivée en France en 1929 et s’installe d’abord à Paris. Ce n’est qu’en août 1939 qu’ils élisent domicile aux Ventes où ils avaient acquis une petite ferme.
Ingénieur de profession, Ephraïm Rabinovitch se présente, lors du recensement des juifs par Vichy en 1940 comme un cultivateur.
Le 10 octobre, les époux Rabinovitch arrivent à Gaillon et seront transférés le 16 octobre à Drancy avant d’intégrer le funeste convoi n°40 qui part le 4 novembre vers Auschwitz. Ephraïm et Emma sont assassinés dès leur arrivée dans la nuit du 6 au 7 novembre 1942.
En juillet 1942, Noémie et Jacques sont arrêtés par les Allemands lors de rafles. Myriam, mariée à un Français, y échappe.
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