Une somme innombrable de défis technologiques à relever. Le projet de Stratobus, porté par Thales Alenia Space, vient de franchir une étape avec la réunion du comité de pilotage du projet le 10 septembre, sur la base aérienne 125 d’Istres. C’est là que le dirigeable de 140 mètres de long doit être assemblé à partir de 2030.
Mais le Stratobus n’est pas qu’un simple dirigeable. De la famille des HAPS [High Altitude Platform System], ce ballon doit évoluer dans la très haute atmosphère, ou stratosphère, c’est-à-dire à 20 km d’altitude, où il ambitionne d’embarquer entre 250 kg et 450 kg de charge utile, et de s’y établir durant… une année ! Une permanence largement supérieure à celle d’un avion, qui ne peut rester sur zone que quelques heures. Il pourrait ainsi réaliser un grand nombre de missions, au profit de la défense comme du civil, allant de l’interception de menaces à la surveillance de populations, en passant par le guidage GPS ou le relais téléphonique.
« Un système complexe pour lequel nous inventons de nouveaux matériaux »
Pour y parvenir, les ingénieurs de Thales Alenia Space devront d’abord lever plusieurs contraintes liées aux températures très basses et aux radiations. Propulsée par quatre moteurs électriques alimentés par un générateur solaire composé de 1.000 m2 de panneaux photovoltaïques, l’enveloppe du dirigeable sera « réchauffée par le générateur solaire, ce qui va induire des variations de température entre + 50° et – 80 °C en différents points du dirigeable », explique à 20 Minutes Yannick Combet, responsable du projet Stratobus chez Thales Alenia Space. Il faudra ainsi créer de nouveaux assemblages résistants de fibres « sachant qu’il n’y a rien à l’intérieur de l’enveloppe, la structure du dirigeable se créant par surpression ». Ce qui explique en partie la relative légèreté de sa masse – de l’ordre de 8 tonnes – comparée à la taille de l’engin.
« C’est un challenge technologique majeur, aucune solution proposant de la permanence dans la stratosphère n’existant à ce jour, poursuit Yannick Combet. C’est un système complexe pour lequel nous développons des technologies et inventons de nouveaux matériaux. Ce genre d’objets n’a jamais existé. »
« Il n’interviendra pas en zone de conflit »
Lancé en 2016 puis mis en pause avant que les études d’implantation des infrastructures, à Istres, ne redémarrent en 2018, le projet Stratobus a connu un coup de projecteur lors du dernier salon du Bourget, à l’occasion de la présentation de la stratégie des armées pour la très haute altitude (THA).
Le ministre des Armées d’alors devenu Premier ministre, Sébastien Lecornu, expliquait que la THA était devenue « à la fois porteuse d’opportunités et théâtre d’une conflictualité croissante », et que la France devait y exercer « une forme de supériorité opérationnelle » même s’il s’agit d’un « environnement difficile à maîtriser ». Il confirmait que trois projets devant évoluer dans cet espace situé sous les satellites et au-dessus de l’espace aérien contrôlé étaient en cours de développement au profit des armées : le Zephyr, un planeur à énergie solaire sous maîtrise d’œuvre d’Airbus ; le ballon stratosphérique manœuvrant Balman, conçu par Hemeria, d’une capacité d’emport de quelques dizaines de kilos et qui vise une permanence de quelques semaines, voire quelques mois ; et enfin, le Stratobus.
« Le Stratobus est un couteau suisse, il a été développé pour être multimissions, décrit Yannick Combet. Au profit de la défense, il effectuera de la surveillance, via des radars et des caméras, aux frontières, pour de la cartographie 3D, ou encore pour anticiper des attaques… Il pourra aussi participer aux missions de détection de missiles hypervéloces, en complément des avions et des satellites. Il n’interviendra pas, en revanche, en zone de conflit. » Si la maîtrise du dirigeable était perdue, et pour éviter tout incident du type du ballon chinois abattu en 2023 par un F-22 après avoir survolé les Etats-Unis, « un système de sauvegarde permettrait de le précipiter au sol en toute sécurité, dans une zone définie ».
« Au-dessus du Stade de France pour de la surveillance de foule et fournir une antenne-relais 5G »
Pour le civil, l’engin pourrait servir à des missions environnementales, de navigation pour améliorer les signaux GPS dans les zones denses, ou encore pour les télécoms, en offrant une capacité supplémentaire aux constellations de satellites dans les zones non couvertes, ou lors de grands événements. « On pourrait positionner un Stratobus au-dessus du Stade de France pour faire et de la surveillance de foule, et fournir une antenne-relais 5G afin de gérer les augmentations de capacité » détaille Yannick Combet. « On parle de marchés très significatifs et avec sa charge utile, il peut effectuer deux ou trois missions différentes en même temps ».
En revanche, Thales Alenia Space reconnaît qu’il sera limité par sa capacité à produire. « Pour assembler un Stratobus, il faut un hangar qui ne peut pas livrer comme des petits pains, sachant qu’il y aura aussi de la maintenance à prévoir. Notre business model ne repose pas sur une production de masse et nous serons limités à quelques petites centaines d’exemplaires. » Pour les décollages, des « stratoports » doivent s’établir dans différents pays. Un premier a déjà été créé aux Canaries, d’où doivent partir les deux démonstrateurs attendus pour 2026 et 2027, avant le lancement du premier modèle prévu pour 2030-2031.
Un consortium européen composé de six pays partenaires (France, Italie, Allemagne, Espagne, République tchèque et Hongrie) soutient le projet, et un tissu industriel d’une vingtaine de fournisseurs y participe. Thales Alenia Space refuse en revanche d’évoquer l’aspect financier du pojet, se contenant de dire qu’il s’agit d’un montage public/privé.
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