Blagues à part: le franc-parler de Caroline Fourest
par Caroline Fourest
Faut-il tout pardonner à un homme ou à une femme parce qu’artiste ou humoriste ? En théorie, la réponse d’un « éveillé » est « non », trois fois non. Le moindre acteur soupçonné de propos offensants devient pestiféré, et la mise à l’index s’étend aux œuvres.
Aux États-Unis, à la veille des Oscars, le film Emilia Pérez craint de perdre des statuettes non pas en raison de son message… mais des tweets de son actrice trans, Karla Sofía Gascón.
Si certains sont douteux, les posts mis en avant pour la traiter de « raciste » visent parfois simplement l’islam en tant que religion. Ce qui relève de la liberté d’expression, surtout quand on est trans et persécutée au nom du sacré, mais qui fait encore la différence ?
En France, pays marqué par les attentats, nous vivons l’inverse: banaliser l’islamisme ou ses atours vaut immédiatement polémique.
C’est arrivé à Merwane Benlazar après son apparition (furtive) à C à vous, sur France 5. On lui reproche un « look salafiste » qui n’avait rien à voir avec le contenu de sa chronique, et visait donc à le banaliser. C’est le credo de cet humoriste.
S’il prétend avoir mis un bonnet pour cacher sa calvitie, il assume porter cette barbe pour des raisons « religieuses », comme au temps des pieux ancêtres (salaf en arabe). Et refuse de s’expliquer sur ses tweets… Car ce serait répondre aux « racistes ». Pratique.
Le problème, c’est que même remis dans leur contexte, beaucoup restent troublants. Comme lorsqu’il vanne une internaute qui se plaint de ne pas avoir reçu un colis car elle était sortie : « La place de la femme est à la demeure auprès de son père. Crains ton seigneur. » Humour ou assignation ? Les deux. Ouvertement prosélyte, trouvant « xénophobe » de dire que « la religion doit rester privée », il recommande des prières contre la tentation tirées du site salafislam.fr, où l’on peut lire que « le voile » est une « bénédiction ».
Alors que le salafisme interdit la mixité par messagerie, il lui arrive de poster : « Pas de femmes en DM. Merci. » Pas si fier de ses « blagues », son compte est désormais restreint. Mais comme il m’avait alpaguée en 2021 (une photo moqueuse à propos de mon livre sur Tariq Ramadan), j’ai retrouvé des captures de cette époque : des messages sérieux sur la Palestine, suivis de vannes sur les Juifs (« bon déjà qui est juif »), les gays ou les lesbiennes, toujours en mode sermon et frériste : « Vous maquillez pas les yeux c’est moche […] Et les cheveux courts, c’est pour les lesbiennes. » Second degré, vraiment ?
À ce niveau d’ambiguïté, il est logique qu’on en vienne à douter, et à se disputer. Comme cet humoriste est barbu, l’extrême droite en déduit qu’il est intégriste. Comme il est attaqué par l’extrême droite, l’extrême gauche en déduit qu’il ne peut pas l’être… C’est l’effet quand le wokisme rencontre l’islamisme : tout tweet douteux se transforme en second degré, toute critique devient « islamophobe », et le machisme est sanctuarisé : au nom du droit de l’artiste, et du respect dû à la religion. Régressif au nom du progrès… Et l’on s’étonne qu’il soit chaque jour plus difficile de rire ensemble.
JForum.fr avec www.franc-tireur.fr
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