Berlin s’appuie sur la technologie israélienne pour reconstruire son armée face à la montée des menaces.

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Lorsque le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé le Zeitenwende en février 2022, marquant un tournant historique pour l’Allemagne dans sa transition vers un réarmement militaire rapide, cela a sonné le glas d’un changement radical pour un pays longtemps réticent à réaffirmer sa puissance militaire. Mais cette déclaration politique n’était qu’un premier pas. En coulisses, les planificateurs, les parlementaires et les responsables des achats allemands se sont confrontés à une question épineuse : où se procurer les systèmes de pointe nécessaires pour transformer rapidement la première économie européenne en une force militaire crédible ?

Deux ans plus tard, la réponse apparaît de plus en plus clairement. L’Allemagne reconstruit son armée avec l’aide significative d’un partenaire inattendu, mais technologiquement indispensable : Israël. De la défense antimissile aux armes de précision en passant par les drones, les systèmes israéliens constituent désormais un pilier central, bien que non exclusif, de la stratégie de réarmement allemande.

Le renforcement des liens de défense entre les descendants d’un régime génocidaire et ses victimes témoigne de l’urgence croissante pour l’Allemagne de se protéger, ainsi que l’Europe, face aux menaces émergentes, notamment russes, et de la position unique d’Israël en tant que leader mondial de la défense aérienne et antimissile. Il en résulte un partenariat de défense pragmatique, dynamique, stratégiquement vital et politiquement délicat.

Le symbole le plus visible de cette évolution est le système de défense antimissile Arrow 3, construit par Israel Aerospace Industries. En 2023, Berlin a signé un accord de 3,3 milliards d’euros, l’un des plus importants contrats de défense de l’histoire d’Israël, pour l’acquisition de cet intercepteur exo-atmosphérique à longue portée, conçu pour détruire les missiles balistiques dans l’espace. L’importance de cette décision est capitale. Arrow 3 n’est pas une simple acquisition de défense : elle représente un bond stratégique. Jusqu’à récemment, aucun État européen ne disposait de la capacité d’intercepter des missiles balistiques à longue portée avant leur rentrée atmosphérique. Israël, fort de plusieurs décennies d’expérience au combat, était le seul pays à proposer cette capacité dans un délai aussi court.

Tandis que le système Arrow 3 protège l’Allemagne du ciel, une autre arme de conception israélienne renforce sa puissance de feu au sol : le missile antichar guidé Spike.

Fin 2025, l’Allemagne a finalisé un contrat de 2,3 milliards d’euros pour des milliers de missiles Spike par l’intermédiaire de l’agence d’acquisition de l’OTAN. Cet accord, signé avec EuroSpike GmbH, une coentreprise détenue à 20 % par l’israélien Rafael et à 40 % chacune par les entreprises allemandes Rheinmetall et Diehl, garantit que la majeure partie de la production de missiles aura lieu en Europe. Cette structure représente bien plus qu’une simple commodité industrielle. En ancrant sa production sur le sol européen, Berlin renforce non seulement son industrie de défense, mais se protège également des perturbations géopolitiques potentielles affectant les chaînes d’approvisionnement israéliennes. Il s’agit d’un modèle hybride : technologie israélienne, fabrication européenne et intégration à l’OTAN.

Ce système comble un manque crucial en matière de capacités. Les stocks de missiles antichars allemands existants, principalement basés sur les anciens missiles MILAN, nécessitaient d’être remplacés. Le système Spike offre des options de frappe par le haut à longue portée et un guidage avancé, des capacités indispensables pour dissuader ou contrer des forces lourdement blindées comme celles de la Russie. De plus, l’accord comprend la maintenance, la formation et le soutien à l’intégration du système, ancrant ainsi la technologie israélienne au cœur de la structure en constante évolution de la Bundeswehr.

Le rôle d’Israël dans le réarmement allemand ne se limite pas aux missiles. Berlin investit également dans des systèmes sans pilote de pointe, un autre domaine où Israël compte parmi les opérateurs les plus expérimentés au monde. Le Bundestag allemand a récemment approuvé l’acquisition du Heron TP, un drone de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) produit par Israel Aerospace Industries. La livraison est prévue pour 2028, les contrats couvrant la formation, les pièces détachées et le soutien logistique.

La relation germano-israélienne s’étend au-delà des armements de première ligne. L’Allemagne a acquis des systèmes de contre-mesures infrarouges directionnelles (DIRCM) J-MUSIC auprès de l’entreprise israélienne Elbit Systems, dans le cadre d’un contrat de six ans d’une valeur de 260 millions de dollars et également commandé 90 nacelles de ciblage Litening 5, un autre produit de Rafael, afin de moderniser les capacités de frappe de précision de ses Eurofighter Typhoon.

Ces acquisitions sont peut-être moins médiatisées que le système Arrow 3, mais elles sont importantes. Elles améliorent la capacité de survie, la précision et la réactivité – des composantes essentielles de la modernisation militaire allemande.

Dès lors, pourquoi l’Allemagne s’est-elle tournée avec autant de détermination vers les systèmes israéliens ? Trois facteurs plaident en faveur d’Israël. L’Allemagne avait besoin de systèmes de pointe, éprouvés au combat et disponibles rapidement – ​​un atout inestimable alors qu’elle s’efforce de reconstruire ses capacités après des décennies de sous-investissement. Que ce soit en matière de défense antimissile, de drones ou de ciblage de précision, Israël se situe à la pointe de l’innovation défensive moderne. Les responsables allemands ont souligné à maintes reprises que certaines capacités, notamment l’intercepteur exo-atmosphérique Arrow 3, n’ont tout simplement pas d’équivalent européen disponible avant plusieurs années. Enfin, il y a la question des intérêts stratégiques communs. Les deux nations perçoivent une menace croissante de missiles : Israël de la part de l’Iran et de ses alliés ; l’Allemagne de la part de la Russie. Leur coopération repose sur une vision stratégique commune, renforcée par des liens diplomatiques de longue date et des responsabilités historiques.

Cependant, l’adoption par l’Allemagne des systèmes israéliens n’est pas sans risques ni controverses. Certains partenaires européens se demandent si Berlin ne sous-traite pas des capacités de défense critiques.

D’autres s’inquiètent des complications politiques. L’instabilité au Moyen-Orient soulève des questions quant à la continuité des approvisionnements, tandis que des critiques internes s’opposent à une intégration militaire plus poussée avec Israël dans un contexte de conflits régionaux persistants.

Les décideurs politiques allemands restent également prudents face à une dépendance excessive. Berlin a cherché à atténuer ces risques par une diversification des acquisitions. L’Arrow 3 complétera, et ne remplacera pas, d’autres systèmes tels que les batteries Patriot. Les missiles Spike seront produits principalement en Europe. L’initiative Sky Shield répartit les responsabilités entre plusieurs États. Autrement dit, la dépendance de l’Allemagne envers Israël est importante, mais non exclusive. Les systèmes israéliens comblent des lacunes critiques, mais ils s’inscrivent dans un ensemble plus vaste comprenant des technologies américaines, européennes et allemandes.

Tout cela représente une nouvelle réalité pour l’Europe. L’approfondissement du partenariat entre l’Allemagne et Israël reflète une transformation plus large : le retour de la puissance militaire au cœur de la politique européenne.

Face à la multiplication des menaces, les idéaux cèdent la place au pragmatisme. Berlin a choisi des systèmes capables de défendre sa population et de soutenir les alliés de l’OTAN à court terme, quelle que soit leur origine. Israël, quant à lui, gagne non seulement un partenaire stratégique majeur en Europe, mais aussi une validation de ses investissements de plusieurs décennies dans l’innovation en matière de défense antimissile. Pour les deux parties, ce partenariat est mutuellement bénéfique.

Source : Sunday Guardian & Israël Valley

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