Si quelqu’un nous avait dit il y a un an que notre Ousmane Dembélé national serait le grand favori du Ballon d’or 2025, on lui aurait d’abord ri au nez avant de gentiment lui conseiller d’y aller mollo sur la boutanche. Car aussi talentueux soit-il, le gamin de Vernon présentait bien trop de lacunes pour prétendre s’asseoir un jour à la table des grands de ce monde et succéder à Raymond Kopa, Michel Platini, Jean-Pierre Papin, Zinédine Zidane et Karim Benzema, les cinq vainqueurs tricolores du BO.
La meilleure chose qui pouvait arriver au foot français
C’est pourtant bien ce même Dembouz qui va débarquer lundi soir au théâtre du Châtelet et se disputer la récompense individuelle suprême avec Lamine Yamal, à défaut de les voir s’affronter les yeux dans les yeux dans neuf jours à Montjuic en Ligue des champions, les deux hommes étant blessés et forfait pour ce match 5 étoiles. Et si l’histoire aurait voulu que ce soit son grand pote Kylian Mbappé qui reparte un jour avec le trophée sous le bras, le destin en a décidé autrement.
Le Madrilène n’a pas voulu, ou n’a pas su, écouter les précieux conseils de Luis Enrique qui l’invitait à défendre comme « un hijo de puta » pour véritablement devenir le grand joueur qu’il rêve d’être, et c’est alors tout naturellement vers Dembélé que s’est portée l’attention de l’Asturien, lequel a réussi à transformer l’ancien Rennais en machine de guerre et l’amener au sommet du football mondial en deux coups de cuillère à pot. Et c’est peut-être la meilleure chose qui pouvait arriver au football français, non pas qu’on ait quoi que ce soit contre le capitaine de l’équipe de France, qui le gagnera peut-être un jour, du reste.
L’homme qui donnait envie de défendre et se dépouiller
Le sacre de l’ancien Rennais serait un formidable signal envoyé à tous ceux qui aiment le football, celui de la consécration d’un homme qui a toujours placé le collectif avant sa petite personne, et qui ne manque jamais une occasion de le rappeler à longueur d’interviews. Car si le Ballon d’or récompense historiquement le talent offensif et met à l’honneur les attaquants aux statistiques délirantes face au but, ces fameux buteurs dont on vante l’égoïsme sans lequel ils ne seraient rien, c’est précisément parce que Dembélé n’a pas suivi cette trajectoire qu’il est aujourd’hui bien parti pour l’emporter.
Quand on sera vieux et que l’on racontera à nos petits enfants l’histoire de la saison 2024-2025 du PSG et de Dembouz, on vantera autant son pressing et sa capacité à harceler l’adversaire dans ses premières relances que ses dribbles dévastateurs et son efficacité nouvelle (et inespérée) face au but. Les coachs qui forment nos gamins chaque week-end sur les terrains de France et de Navarre ne nous ont d’ailleurs pas attendus pour le faire.
Lisez ce qu’en dit Romaric Bultel, l’ancien entraîneur de Dembélé à Evreux, il y a quinze ans de cela :
« « Pour tout formateur, éducateur ou bénévole qui travaille auprès des gamins, un exemple comme celui-ci est une aubaine pour faire avancer le football dans le bon sens, celui des efforts, du sacrifice, du don de soi et d’un esprit collectif qui se perd parfois à tous les échelons du foot, à l’heure où ce sport est de plus en plus individualiste. » »
En voyant le numéro 10 du PSG courir comme un dératé sur tout le terrain pour harceler les adversaires et les pousser à la faute, à l’inverse d’un Mbappé qu’ils prenaient jusqu’ici en exemple, cela pourrait bien donner des idées aux jeunes footeux désireux de marcher sur ses traces.
« Une preuve par l’exemple absolument magnifique »
« Dembélé n’aura jamais la même aura ni le même rayonnement que Mbappé, tempère Ilyes Ramdani, responsable du pôle formation au FCM Aubervilliers. Par contre, c’est vrai que le PSG qui remporte la Ligue des champions de cette manière et Dembélé qui gagne le Ballon d’or, c’est un levier extraordinaire pour les éducateurs. C’est un cadeau du ciel pour qui souhaite transmettre aux jeunes des valeurs et une certaine vision du football. On s’en est tous servis la saison dernière et on continue de le faire, que ce soit aux entraînements ou dans nos causeries. C’est une preuve par l’exemple absolument magnifique. »
Bercés par les exploits individuels des extraterrestres Messi et Cristiano Ronaldo hier, et par ceux de Mbappé ou Lamine Yamal aujourd’hui, nos marmots ont parfois trop tendance à vouloir briller par et pour eux-mêmes, reléguant la notion d’équipe et du travail de l’ombre au deuxième, voire au troisième plan. La victoire de Dembélé lundi soir pourrait marquer le début d’un changement de paradigme dans le football français, qu’il soit amateur ou professionnel. Tout comme le PSG fait aujourd’hui figure d’exemple et de modèle pour les entraîneurs du monde entier.
« Les jeunes joueurs sont trop souvent dans une relation “moi et le ballon”, acquiesce Tripy Makonda, l’ancien Titi parisien devenu éducateur des U11 du PSG. Si on arrive à travers l’exemple d’Ousmane Dembélé à leur faire comprendre que le football se joue d’abord de manière collective, que les efforts défensifs doivent se faire tous ensemble, on pourrait alors entrer dans une coopération intéressante qui permette à chacun d’exister sur le terrain. »
« On en a plein, dans les clubs amateurs, des joueurs pétris de talent, qui dribblent, qui courent vite, mais qui ne se contentent que de ça et se reposent sur leurs lauriers en se disant que le travail ingrat, défensif, c’est pour les autres, appuie Romaric Bultel. Désormais, quand on voit ce qu’il a fait avec le PSG et ce qui l’a mené au Ballon d’or, on va pouvoir le prendre en exemple pour faire changer les mentalités. »
Un mec discret qui détonne dans ce monde de paillettes
Premier entraîneur à avoir fait confiance à Dembélé, qu’il a lancé dans le grand bain du professionnalisme du côté du Stade Rennais lors de la saison 2015-2016, Philippe Montanier voit une autre très bonne raison de s’enthousiasmer de la possible victoire du champion du monde 2018 au théâtre du Châtelet.
« « Il y a quelque chose que j’apprécie énormément chez Ousmane et qui ne peut faire que du bien au football français, c’est qu’il n’est pas du tout dans le star-système, dans le bling-bling qui peut souvent gâcher des carrières et donner de mauvais exemples aux jeunes.. Pour lui, tout ce qui compte c’est le terrain, tout le reste n’est que de la poudre aux yeux et en cela il est tout à fait exemplaire. » »
Joueur très discret quand il n’est pas sur un terrain à casser des reins à la chaîne, Dembélé n’a effectivement jamais goûté aux à-côtés m’as-tu-vu d’un monde du foot qu’il n’apprécie pas particulièrement dès lors qu’il n’est plus question de jeu.
« C’est ça qui est beau, c’est que le Ousmane qu’on a connu il y a quinze ans, un garçon humble, simple, naturel, drôle, chambreur mais profondément humain, hé bien c’est toujours le même aujourd’hui, embraye son ancien coach en Normandie. Il détonne dans ce milieu, il est nature peinture, et c’est aussi ça qui fait que les gens l’aiment autant. » Pardonnez-nous pour ce cliché un peu lourdingue mais, pour Dembélé, en effet, le jeu passera toujours avant le « je ». Et ce n’est pas sa possible victoire au Ballon d’or 2025 qui y changera quoi que ce soit.
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