Australie–Israël : la fracture s’affiche dans la rue

Ce vendredi, un rassemblement inédit a pris place devant l’ambassade d’Australie à Tel Aviv, réunissant des citoyens australiens et israéliens. Ils ont choisi de protester contre ce qu’ils perçoivent comme une montée dangereuse de l’antisémitisme en Australie, ainsi qu’un affaiblissement des liens diplomatiques entre Canberra et Jérusalem — notamment à travers la récente intention australienne de reconnaître un État palestinien. Selon l’un des organisateurs, Michael Frumer, cette initiative reviendrait à « récompenser le terrorisme » et constituerait une « démarche irresponsable qui ne favorise pas le cessez-le-feu » : elle offrirait au Hamas l’idée qu’il peut obtenir davantage grâce à la pression internationale plutôt que par la négociation.

Les manifestants étaient invités à brandir drapeaux australiens et israéliens, afin d’adresser un message direct au Premier ministre Anthony Albanese : il doit agir sans délai pour protéger la communauté juive d’Australie, confrontée à une recrudescence d’incidents violents depuis le 7 octobre 2023. Ces actes ciblant des synagogues ou lieux communautaires ont provoqué une vive inquiétude parmi les leaders juifs. Le Premier ministre a accusé le Corps des gardiens de la révolution islamique d’être derrière au moins deux incendies criminels antisémites, provoquant l’expulsion de diplomates iraniens de haut rang.

Dans un climat déjà tendu, la reconnaissance annoncée d’un État palestinien le 11 août par Albanese a été perçue comme une trahison par certains, y compris le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a qualifié son homologue australien de « politicien faible » ayant abandonné les Juifs d’Australie. Le ministre australien Tony Burke a riposté avec une parole crue : « La force ne se mesure pas au nombre de personnes que vous pouvez faire exploser ou au nombre d’enfants que vous pouvez laisser affamés ».

Le conflit diplomatique s’est encore accentué avec le refus de Canberra d’accorder un visa à Simcha Rothman, député israélien. En guise de représailles, Israël a annulé le permis de séjour du représentant australien auprès de l’Autorité palestinienne. Gideon Sa’ar, ministre israélien des Affaires étrangères, a qualifié cette décision de « honteuse », affirmant que l’Australie minimise la montée de l’antisémitisme sur son sol tout en soutenant les terroristes.

Ce climat a nourri un sentiment profond d’abandon chez certains juifs australiens : « Depuis mon enfance en Australie, je n’aurais jamais imaginé devoir manifester contre la politique de mon propre pays », témoigne Frumer. Il déplore que l’Australie, symbole de tolérance et d’ouverture, semble céder aux opinions extrêmes favorisant les terroristes et les antisémites.

Ce geste de protestation s’inscrit dans un contexte plus large : des manifestations pro-palestiniennes massives ont eu lieu partout en Australie après l’annonce de la reconnaissance palestinienne, rassemblant jusqu’à plusieurs centaines de milliers de participants. Parallèlement, les incidents antisémites enregistrés ont atteint des niveaux préoccupants, avec des actes de vandalisme, des incendies et des graffitis visant des lieux juifs — officiellement associés à des acteurs étrangers et objets d’enquête approfondie.

Sur le plan diplomatique, la décision australienne de reconnaître l’État palestinien figure parmi plusieurs pays occidentaux (France, Royaume-Uni, Canada, etc.) à adopter une telle position au sein de l’ONU. Mais elle est perçue en Israël et par certains segments de la communauté juive en Australie comme un mauvais signal, qui sape la sécurité israélienne, fragilise la communauté juive australienne, et pourrait fragiliser les négociations pour un avenir plus pacifique.

Jforum.fr