Ma’ariv – Me Avraham Bloch
Dans le monde de Gali Baharav-Miara, Benjamin Netanyahu devrait lui être subordonné jusqu’à la composition même de son gouvernement. L’enjeu n’est pas Ben Gvir, mais l’élargissement des pouvoirs de la Cour suprême (Bagatz) et de la conseillère juridique du gouvernement, et la prise de contrôle des choix politiques du Premier ministre.
« Dans ce monde-là, et jusqu’à la venue du Messie, une simple tache collée à la chair ne suffit pas pour obliger juridiquement le Premier ministre à révoquer un ministre », écrivait le juge de la Cour suprême Yits’hak Zamir dans l’arrêt rejetant, à la fin des années 1990, la requête visant à démettre Tsa’hi Hanegbi de son poste de ministre de la Justice.
La tentative de retirer au Premier ministre la compétence de déterminer la composition du gouvernement qu’il dirige n’est pas nouvelle. Dans l’arrêt Deri-Pinhasi, la Cour suprême a établi que le Premier ministre devait révoquer un ministre contre lequel un acte d’accusation a été déposé. Toutefois, au fil des années, la Cour a circonscrit cette doctrine au seul cas du dépôt formel d’un acte d’accusation pénale.
Ainsi, une requête visant à révoquer Faina Kirshenbaum en raison d’une enquête la concernant pour soupçons de corruption, fraude et abus de confiance a été rejetée. La Cour a même précisé que la doctrine ne s’appliquait pas aux situations où il n’existe qu’une recommandation policière d’inculper, tant qu’aucun acte d’accusation n’a été effectivement déposé.
Or, en août 2024, des requêtes ont été déposées pour démettre Itamar Ben Gvir de son poste de ministre de la Sécurité nationale. Inutile de le préciser : aucun acte d’accusation n’a été déposé contre Ben Gvir, et aucune peine de prison ferme assortie d’infamie ne lui a été infligée au cours des sept dernières années.
À première vue, aucune raison au monde ne justifie la révocation de Ben Gvir. Pourtant, la conseillère juridique du gouvernement, Gali Baharav-Miara, soutient de principe son éviction, au point d’avoir autorisé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à bénéficier d’une représentation juridique séparée dans ces requêtes — et la Cour suprême ne les rejette pas depuis près d’un an et demi.
La conseillère juridique justifie son soutien à l’éviction de Ben Gvir par l’argument selon lequel celui-ci serait intervenu dans le travail de la police en contradiction avec un arrêt de la Cour suprême, violant ainsi la loi.
Si la conseillère estime que Ben Gvir a enfreint la loi, qu’elle dépose un acte d’accusation contre lui. Or, elle choisit de ne pas le faire — et ce n’est pas un hasard.
La conseillère sait que les chances de condamnation de Ben Gvir pour sa conduite vis-à-vis de la police sont quasi nulles. Dès lors, en l’absence de fondement juridique pour le révoquer, elle œuvre à l’élargissement de la doctrine Deri-Pinhasi, afin de permettre à la Cour suprême d’intervenir dans toute nomination ministérielle, même sans inculpation, au seul motif que la conseillère juridique ou les juges estiment qu’une personne donnée ne doit pas être nommée à tel ou tel ministère. Il s’agit là d’une immixtion dans des considérations purement politiques.
Cette construction — soutenir la révocation d’un ministre uniquement en raison d’une opposition à sa politique et à sa manière d’agir, alors qu’il n’est ni inculpé ni même soupçonné pénalement — fait tomber tous les masques. Plus besoin de se cacher derrière des accusations pénales ou des actes d’accusation.
Dans le monde de Baharav-Miara, le Premier ministre devrait lui être subordonné même pour la composition de son gouvernement. Le fait que les juges ne rejettent pas ces requêtes d’emblée depuis si longtemps est extrêmement préoccupant.
L’enjeu n’est donc pas Ben Gvir, mais l’extension disproportionnée des pouvoirs de la Cour suprême et de la conseillère juridique du gouvernement, qui avancent au grand jour sur le terrain politique et prennent le contrôle des considérations politiques du Premier ministre. Il s’agit d’un pas dangereux, d’un seuil que les juges de la Cour suprême n’ont pas le droit de franchir.
En principe, la question qui aurait dû guider ceux qui soutiennent le licenciement de Ben Gvir est la suivante : que se passera-t-il le jour où l’équilibre des forces s’inversera, lorsque le gouvernement appartiendra à l’autre camp politique et que le conseiller juridique du gouvernement et les juges de la Cour suprême se trouveront en opposition à ce gouvernement ?
Or, le camp prétendument « libéral » considère les juges de la Cour suprême et le conseiller juridique comme des « gardiens du seuil » uniquement lorsque leurs positions correspondent aux opinions jugées « correctes ». Aux États-Unis, où le basculement de la Cour suprême fédérale est désormais achevé, cela apparaît avec une clarté éclatante. Ici aussi, en Israël, ce même camp « libéral » n’a pas hésité à s’acharner contre le vice-président de la Cour suprême, Noam Solberg, pour avoir osé ne pas émettre d’ordonnance provisoire dans les requêtes visant l’audition préalable au licenciement de la conseillère juridique.
Malgré cette conduite, du côté conservateur, le débat doit rester un débat de principes. Indépendamment de l’identité de Ben Gvir en tant que ministre de la Sécurité nationale, la conseillère juridique du gouvernement et les juges de la Cour suprême doivent rester en dehors du champ des considérations politiques pures du Premier ministre.
Tout juriste de premier plan en Israël qui souhaite se glisser dans la peau du Premier ministre n’a qu’à se présenter aux élections à la Knesset, en sollicitant pour cela le vote du peuple, seul souverain dans une démocratie.
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