C’est la première fois que la franchise permet d’incarner un personnage historique. Assassin’s Creed Shadows, qui sort ce jeudi 20 mars, met en scène Yasuke, un homme passé de l’Afrique au Japon féodal. Car oui, le Japon du XVIe siècle a bien vu un guerrier à la peau noire qui a bien côtoyé Oda Nobunaga, l’une des plus importantes figures historiques du pays.
Selon les chroniques de la vie d’Oda Nobunaga, Yasuke, esclave et serviteur de missionnaires jésuites portugais, a été présenté au seigneur en février 1581. « Tout son corps est noir comme un boeuf. Il a une solide carrure et une bonne conduite », décrit l’archive. Curieux, le général le prend à son service et lui offre une résidence ainsi qu’un sabre cérémoniel. Après la mort d’Oda Nobunaga l’année suivante, trahi par un de ses seconds, Yasuke se rend mais n’est pas exécuté, car il n’est pas considéré comme « humain » par ses adversaires. Les archives officielles perdent sa trace à ce moment-là.
« Le Japon féodal à travers un oeil étranger »
Malgré cette courte histoire, dont les sources directes se réduisent à quelques lignes, Yasuke s’est fait une place dans la pop culture. Son parcours inspire ainsi des oeuvres historiques depuis les années 1960 au Japon. Et l’idée d’un samouraï noir, qui fait plus ou moins écho à l’unification de l’archipel au XVIe siècle, est aussi largement reprise : Nagoriyuki dans le jeu de combat Guilty Gear Strive, ou la série fantastique Yasuke diffusée sur Netflix en 2021. « Il coche plusieurs cases : il donne une image positive pour les afrodescendants, basée sur des faits historiques, et offre la possibilité narrative de voir le Japon féodal à travers l’oeil d’un étranger », estime Romain Mielcarek, journaliste indépendant et auteur de Yasuke, le samouraï africain (Ed. Plon, 2024).
L’inclusion de Yasuke dans Assassin’s Creed a provoqué de nombreux débats houleux sur les réseaux sociaux. Plusieurs fans de la série ont en effet critiqué le choix d’Ubisoft de ne pas faire d’un Japonais le personnage principal de cet opus (alors que le jeu proposera aussi d’incarner Nagoe, une ninja fictive), ou encore d’avoir pris des libertés avec l’Histoire japonaise pour faire de Yasuke un « samouraï légendaire ».
Sur fond de relents racistes, d’autres ont même accusé le studio de verser dans le « wokisme ». « J’adorais Assassin’s Creed, mais ils en ont fait un élément de propagande pour leurs religions woke », note par un exemple un utilisateur de X parmi d’autres. Une polémique qui s’inscrit dans un mouvement plus large de joueurs réactionnaires, très présente aux Etats-Unis, qui rejette les démarches d’inclusivité dans le jeu vidéo. Pas de quoi gâcher la fête : les médias spécialisés qui ont pu tester le jeu avant sa sortie, eux, semblent plutôt enthousiasmés par Yasuke.