Anas Hasan Khattab, chef du renseignement syrien, n’est qu’un agent de liaison du MI Turc d’Erdogan

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 Le nouveau chef du renseignement syrien, Khattab, est directement lié à l’agence d’espionnage turque, le MIT

Dirigeant d’Al Qaïda en Syrie pour le compte des Turcs

Anas Hasan Khattab, 38 ans, le nouveau directeur du Service général de renseignement syrien (Al-Mukhabarat al-Amma, GIS), entretient des relations étroites avec l’Organisation nationale de renseignement turque (Milli İstihbarat Teşkilatı, MIT), depuis l’époque où il supervisait les opérations d’al-Qaïda en Syrie.

Khattab a été désigné comme terroriste par les États-Unis en 2012 pour ses liens avec le Front al-Nosra et sanctionné en vertu de la liste des sanctions contre Al-Qaïda du Conseil de sécurité de l’ONU en septembre 2014. Mais le cas de Khattab révèle le mépris secret de la Turquie pour la résolution de l’ONU et son mépris pour la désignation par les États-Unis, son principal allié au sein de l’OTAN.

Les Opérations Spéciales Turques le recrutent

Khattab est d’abord recruté par la Direction des opérations spéciales du MIT (Özel Operasyonlar Başkanlığı), sous la direction de Kemal Eskintan, un ancien officier militaire connu des groupes djihadistes sous le nom de guerre d’Abu Furqan. En tant que chef du département, Eskintan a joué un rôle clé dans les opérations secrètes menées par la Turquie pour soutenir les factions djihadistes armées au Moyen-Orient et en Afrique, dont certaines étaient étroitement liées aux objectifs politiques du gouvernement du président turc Recep Tayyip Erdogan.

Anas Hasan Khattab, le nouveau chef du renseignement syrien, sert d’agent de liaison entre le groupe terroriste Hayat Tahrir al-Sham et l’Organisation nationale du renseignement turc.

D’abord montré du doigt comme chef au sein de Daesh pour blanchir la Turquie

Alors que le MIT collaborait secrètement avec Khattab, le ministère turc de l’Intérieur, qui supervise la plus grande agence de maintien de l’ordre du pays, a adopté une position radicalement différente. Dans un rapport de 2021 publié par le ministère, Khattab a été désigné comme affilié à l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS). Le rapport, rédigé pour rassurer les critiques sur l’engagement de la Turquie à combattre l’EI, a décrit les activités de Khattab en Syrie.

La décision du cabinet turc de sanctionner Anas Hasan Khattab est arrivée très tard et s’est avérée largement inefficace dans la pratique 

Dans l’ombre d’Al-Sharaa alias Jolani au sein d’Al Qaïda

Selon le rapport, Khattab faisait partie d’une équipe de six membres dirigée par Ahmed al-Sharaa, également connu sous le nom d’Abou Muhammad al-Jolani, qui est aujourd’hui le chef de facto de la Syrie. En août 2021, al-Sharaa a été chargé par Abu Bakr al-Baghdadi, alors chef de l’EI, de créer la branche syrienne du groupe. Alors qu’al-Sharaa fondait le Front al-Nosra en 2012, Khattab a joué un rôle essentiel en tant qu’adjoint. Les deux hommes se sont séparés de l’EI en 2014 et ont prêté allégeance à al-Qaïda.

En coordination avec les services de renseignements turcs, al-Sharaa a rebaptisé le Front al-Nosra en 2016, en déclarant d’abord la rupture des liens avec al-Qaïda et en changeant le nom en Jabhat Fateh al-Sham (JFS). En janvier 2017, le JFS a de nouveau été rebaptisé Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), lorsqu’il a incorporé d’autres groupes dans ses rangs.

Un rapport de 2021 du ministère turc de l’Intérieur sur l’EI détaille les activités terroristes d’Ahmed al-Sharaa, également connu sous le nom d’Abu Muhammad al-Jolani, et de son adjoint, Anas Hasan Khattab. Le document met en évidence leur implication dans le terrorisme, notamment en Syrie, et leurs liens avec les réseaux djihadistes.

L’Armée truque protège le commerce transfrontalier à Idlib

Le HTS opère dans la province syrienne d’Idlib sous la protection de l’armée turque, qui contrôle actuellement des zones proches de la frontière turque dans le nord et le nord-est de la Syrie. Le groupe a généré des revenus grâce aux taxes sur le commerce transfrontalier avec la Turquie, s’est procuré du matériel et des armes via les canaux turcs, a collecté des fonds en utilisant les systèmes financiers et bancaires turcs et a même recruté de nouveaux combattants parmi les communautés de réfugiés syriens hébergées en Turquie.

Depuis que HTS a obtenu l’asile à Idlib sous la protection du gouvernement islamiste du président Erdogan, Khattab, en tant que chef de l’appareil de renseignement et de sécurité générale au sein du groupe, a agi comme agent de liaison avec les services de renseignement turcs.

Hakan Fidan (à gauche), ancien chef du renseignement turc et actuel ministre des Affaires étrangères, en train de prendre le thé avec le chef du HTS, Ahmed al-Sharaa, sur une colline proéminente surplombant Damas le 22 décembre 2024.

La Turquie favorise le  transfert d’armes et le viol des résolutions de l’ONU

Le gouvernement turc a longtemps évité de qualifier Khattab de terroriste en vertu de la loi turque, malgré la résolution 1267/2253 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui impose le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et l’embargo sur les armes à l’encontre des personnes et des entités liées à Al-Qaïda, puis à l’EI. Cette résolution exigeait que la Turquie prenne des mesures contre les terroristes désignés, mais elle s’est abstenue d’appliquer ces sanctions dans le cas de Khattab.

Le gouvernement Erdogan a délibérément ignoré la désignation de Khattab comme terroriste par les États-Unis en 2012 et son inscription sur la liste des Nations Unies en 2014. Ce n’est qu’après une pression internationale croissante sur la Turquie pour son approche indulgente envers les groupes djihadistes que le président Erdogan a accepté de sanctionner Khattab lors d’une réunion du cabinet le 7 novembre 2016. Cependant, la décision n’a pris effet qu’après sa publication officielle au journal officiel du gouvernement le 24 novembre 2016.

Malgré les sanctions, la pleine coopération se poursuit

Pourtant, malgré la sanction formelle, rien n’a réellement changé en termes de coopération secrète des services de renseignement turcs avec Khattab et leur collaboration clandestine s’est poursuivie sans entrave.

Une tactique similaire a été appliquée à al-Sharaa. Bien que le Conseil de sécurité de l’ONU l’ait désigné comme terroriste en juillet 2013, le gouvernement Erdogan ne l’a officiellement inscrit sur la liste des terroristes que le 14 décembre 2015. Malgré cela, al-Sharaa a continué de coordonner ses actions avec les autorités turques.

La décision du cabinet turc de classer le chef du HTS, Ahmed al-Sharaa, également connu sous le nom d’Abou Muhammad al-Jolani, comme terroriste en 2015 n’était rien de plus qu’une façade, destinée à donner l’impression d’une conformité sans action concrète

Hakan Fidan livre en direct les liens du MIT avec HTS, sur France 24

Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan, qui avait noué des liens avec Khattab alors qu’il dirigeait l’agence de renseignement jusqu’en 2023 a révélé publqiuement une part importante de la coordination secrète entre le MIT et HTS, peut-être par inadvertance. Lors d’une interview accordée à la chaîne de télévision publique française France 24 le 20 décembre 2024, Fidan a admis avoir travaillé avec HTS en secret.

« Nous avons eu une excellente coopération [avec HTS] », a déclaré Fidan, affirmant que le groupe avait fourni des renseignements sur les dirigeants de l’EI. « Ils nous ont beaucoup aidés, mais en raison des sensibilités du sujet, nous n’avons pas rendu ces informations publiques à l’époque », a-t-il ajouté.

Erdogan a violé toutes les lois internationales et nationales turques sur le Terrorisme

En révélant sa coopération et sa collaboration actives avec HTS, Fidan a en substance admis que le gouvernement turc avait violé les lois internationales qui interdisent toute collaboration avec des groupes désignés comme terroristes par l’ONU. Cette révélation suggère également que Fidan et l’agence de renseignement ont violé la loi turque, puisque Khattab et al-Sharaa ont tous deux été, bien que tardivement, placés sous le coup de sanctions dans le cadre juridique turc.

La loi autorise les services de renseignements turcs à collaborer avec des groupes terroristes pour des activités telles que l’infiltration, la collecte de renseignements et la négociation, mais il leur est strictement interdit de faciliter les opérations de ces groupes ou d’aider et d’encourager toute activité terroriste. Cependant, ces lois et réglementations ne semblent pas avoir eu de poids sous la direction de Fidan à la tête du MIT. Cette politique a été approuvée par le président Erdogan, qui n’a pas caché sa sympathie pour les groupes djihadistes.

La politique turque favorisant le terrorisme n’a jamais varié d’un iota

En conséquence, le report de l’inscription de Khattab et d’al-Sharaa sur la liste des terroristes par le gouvernement turc n’a été qu’une façade, destinée à tromper les alliés et partenaires de la Turquie en leur faisant croire que le gouvernement Erdogan avait changé sa politique à l’égard des groupes d’al-Qaida en Syrie. En réalité, rien n’a changé.

Au fil des ans, le gouvernement Erdogan a expédié des milliers de camions chargés d’armes et de munitions aux groupes djihadistes en Syrie, leur fournissant un soutien logistique ainsi qu’un soutien en matière de renseignement. En fait, une enquête criminelle lancée par les procureurs en janvier 2014 a révélé que le MIT transportait secrètement non seulement des armes mais aussi des combattants étrangers en Syrie, au mépris flagrant des lois antiterroristes turques.

Images fixes tirées d’une séquence vidéo qui a enregistré la fouille de conteneurs interceptés dans des camions à destination de la Syrie en janvier 2014.

Erdogan a stoppé toutes les enquêtes sur Al Qaïda en Syrie

Après cette révélation scandaleuse, le gouvernement Erdogan est intervenu rapidement dans les enquêtes criminelles, faisant dérailler les investigations en limogeant les procureurs, les chefs de police et les commandants militaires impliqués dans l’enquête sur les transferts d’armes illégaux le long de la frontière turco-syrienne, accélérés par les services de renseignements turcs. Depuis lors, des milliers de juges, de procureurs et de policiers ont été limogés par le gouvernement Erdogan, qui a également ordonné l’arrêt complet de toutes les enquêtes liées à Al-Qaïda en Turquie.

Infiltration massive chez Assad en Syrie

Avec la chute du régime du président syrien Bachar al-Assad, favorisée par la montée en puissance du groupe jihadiste d’al-Sharaa et la diminution du soutien de la Russie et de l’Iran, les services de renseignements turcs ont intensifié leurs efforts pour infiltrer les institutions syriennes. L’objectif semble être la mise en place d’un gouvernement parallèle ou fantôme, destiné à influencer la politique à Damas.

La nomination de Khattab à la tête des services de renseignements en Syrie constitue une avancée majeure pour le gouvernement Erdogan. Tout comme le président Erdogan compte énormément sur le MIT pour contrôler le pays, affaiblir son opposition et orchestrer des opérations d’influence et des opérations sous fausse bannière pour façonner les agendas nationaux et internationaux, il entend utiliser les services de renseignements de Khattab pour poursuivre des objectifs similaires en Syrie.

Erdogan veut contrôler la Syrie, mais ses marionnettes pourraient lui échapper

Dans la province d’Idlib, le MIT a démontré une collaboration efficace avec Khattab et son supérieur, al-Sharaa, des années avant la chute d’Assad. Ce niveau de coordination peut(il être reproduit au niveau national ? Et dans quelle mesure il peut surmonter les profonds défis économiques, sectaires et sécuritaires auxquels la Syrie est confrontée.

Le risque d’effet boomerang ne peut être totalement écarté. Il n’est certainement pas inconcevable que les djihadistes syriens, enhardis par leur victoire inattendue, choisissent de se retourner contre leurs maîtres à Ankara et de poursuivre leurs propres objectifs, ce qui pourrait compromettre les ambitions régionales du président Erdogan.

Tout comme les services de renseignement pakistanais, qui ont armé et soutenu des groupes djihadistes en Afghanistan pendant des années, avant de subir les foudres de groupes similaires sur leur propre territoire, la Turquie pourrait également subir de graves conséquences en raison de son engagement auprès de dangereuses factions djihadistes en Syrie. À l’avenir, la Turquie pourrait connaître une intensification de son djihadisme et de son instabilité, en particulier dans ses régions frontalières, car elle risque de subir les contrecoups de son jeu avec le feu.

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