Alexandre Kojève, Sophia I. Philosophie et phénoménologie

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Alexandre Kojève, Sophia I. Philosophie et phénoménologie. Gallimard, 2025.

Qui était vraiment Alexandre Kojève? Un simple lecteur extraordinairement doué dans la lecture de Kant et de Hegel, ou tout autre chose, la première fonction servant de couverture pour tout autre chose ? La question continue de se poser même de nos jours. Pour ma part, ne l’ayant découvert que bien part, je n’ai pas d’idée arrêtée sur cette question.

Alexandre Kojève, Sophia, t. I : Philosophie et phénoménologieNé en 1902, sujet russe, il a passé de longues années dans un petit appartement de la banlieue parisienne. Il mourra en 1968 à Bruxelles. Cet homme, né sujet russe a enseigneé la philosophie à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) devant un auditoire illustre, Raymond Aron, Maurice Merleau-Ponty et quelques autres non moins célèbres acteurs de la pensée philosophique durant les années trente. En 1937, il est naturalisé français mais dès l’année 19379 il se détourne entièrement de la spéculation philosophique pour aller travailler au ministère de l’économie et des finances…

On n’a pas fini de s’interroger sur ce changement si inattendu et si aberrant en apparence. Certains chercheurs pensent que c’était un agent soviétique qui n’a fait que suivre les ordres reçus de Moscou. Il demeure que ce savant, quels qu’aient été ses profondes motivations, a enseigné à l’intelligentsia française des années 30 et même bien après le mode de lecture des plus grands philosophes allemands du XIXe siècle (principalement Kant et Hegel).

A moins que tout ne trompe, il tente dans le présent ouvrage une sorte de retour aux sources, une espèce de philosophie religieuse qui lui semble être la marque authentique d’une spéculation philosophique. Son traducteur a eu l’élégance de résumer en quelques lignes ce qu’il avait l’intention de faire en écrivant cette Sophia. Voici ce qu’il écrit :

Bref, à quoi a-t-on affaire avec ce texte ? A une fresque monumentale où qui réaliserait à terme l’homme sorti de l’animalité et s’accomplit en ce qui ressemble fort à une divinité par le truchement de la révolution russe, plantant dans le monde le germe d’une URSS, ce vieux rêve d’empire universel et homogène, autrement dit sans frontières et sans classes, où les individus seraient comme de s dieux mortels.

On perçoit des relents de messianisme sécularisé, ce qui n’est pas nouveau dans la tendance marxiste de l’époque. Et Kojève projetait ses propres pensées dans les textes philosophiques étudiés.

L’auteur commence par expliciter un certain nombre d’idées ou de concepts avant de dessiner ce qu’il entend développer. Les mots philosophie, sagesse, révélation, savoir et quelques autres font l’objet d’un examen serré ; mais qui montre aussi les préférences de Kojève: la philosophie constitue les moyens pour aboutir au résultat ultime, la sagesse. Ce qui confère à cette branche de la vie intellectuelle un caractère légèrement religieux. On lit aussi quelques développements sur la théologie qui permet de connaître Dieu, un terme que le traducteur récrit toujours sans na majuscule (dieu).

De tous case longs développements sur l’accessibilité de la sagesse pour l’homme, on peut étancher ces quelques lignes particulièrement éclairantes :

Il convient, cependant, de montrer que la solution hégélienne a été (…) présentée non pas comme une philosophie païenne et athée, mais précisément par la pseudo philosophie chrétienne et théologique -théiste. Comme nous le verrons plus tard, c’est dans les milieux judéo-chrétiens qu’a surgi l’idée d’un développement historique de la v écrite et du caractère «conciliaire »et de sa révélation par l’homme… Quoi qu’il en soit la solution hégélienne, la ,seule qui soit au démurant possible, résolvait le problème de la sagesse et de son apparition c’est-à-dire de la philosophie, qui est passée de Hegel directement au marxisme-léninisme-stalinisme, et l’on peut t dires que Hegel a nettement prolongé cette idée en attribuant à l’état et à l’homme ce que le christianisme avait attribué à l’église et à dieu..

Cette sagesse n’est rien d’autre que la pleine prise de conscience, notamment de soi ; cela reste un idéal, et on peut déployer de larges efforts pour s’en rapprocher. Évidemment, tout ceci est saturé d’idées communistes ou socialistes. Voici un éloge sans réserve de q l’action de Staline en tant que leader soviétique :

Par conséquent, un philosophe digne de ce nom, doit comprendre qu’il lui faut agir non seulement en qualité de citoyen et de communiste, mais aussi en qualité de philosophe. Et il ne s’agit pas de deux activités qui se rencontreraient de manière contingente chez la même personne, mais bel et bien en deux aspects d’une seule et même vie. L’activité du camarade Staline en est la preuve la plus éclatante ; non seulement il fait toujours (comme communiste) ce qu’il dit mais il parle aussi (comme philosophe) de e qu’il fait.

Et voici le petit père des peuples paré de toutes les vertus et faisant honneur à toutes les qualités, notamment une cohérence totale dans le discours et le comportement

Ce livre contient plusieurs centaines de pages. Il m’est difficile de parler de tout, notamment de la place dans la phénoménologie dans le système. D’autant que j’envisage aussi de parler t du livre que Kojève a dédié à Kant qu’il admirait en tant que philosophe. Si j’ai bien compris l’intention fondamentale de l’auteur, en mettant de côté ses convictions, voire son militantisme politique, c’est de donner une légère touche de pensée religieuse à sa concession du monde. Cela n’est pas nécessairement aberrant puisque la philosophie de Hegel lui-même brille par son adhésion à la religion chrétienne, décrétée la meilleure religion qui soit. Or, on peut apprécier la place que l’auteur concède à l’auteur de La philosophie de l’histoire…

Maurice-Ruben Hayoun - Babelio

Maurice-Ruben Hayoun, né le 21 septembre 1950 à Agadir, est un philosophe (spécialisé dans la philosophie juive), exégète et historien français.

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