Agent municipal tué à Grenoble : L’étrange business des voitures de location immatriculées en Pologne

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Deux drames, un point commun. Dimanche, Lilian Dejean, un employé municipal de 49 ans père de deux enfants, est décédé après avoir reçu deux balles dans le thorax. Témoin d’un accident de la circulation, il a tenté d’empêcher le conducteur d’une Audi RS3 de location immatriculée en Pologne de s’enfuir. Agé de 25 ans, le suspect, qui a été identifié, est toujours en fuite.

Christophe Miette, secrétaire national du SCSI CFDT [Syndicat des cadres de la sécurité intérieure] en charge de la filière judiciaire, remarque une similitude avec l’affaire Nahel. L’adolescent a été tué par le tir d’un policier en juin 2023 alors qu’il se trouvait au volant d’une puissante Mercedes A45 AMG elle aussi immatriculée dans ce pays de l’Europe de l’Est. Selon le syndicaliste, de plus en plus de jeunes, souvent issus des cités, louent ces bolides « pour faire les beaux », contre quelques centaines d’euros par jour, et se les prêtent entre eux.

« Aide logistique pour les délinquants de cités »

Un phénomène qui n’est pas nouveau puisque la police judiciaire du Rhône s’en était alertée en juin 2021, dans une note révélée par Le Parisien et consultée par 20 Minutes. « Des individus défavorablement connus des services et bien souvent non titulaires du permis de conduire sont de plus en plus contrôlés au volant de voitures de luxe impliquées dans des délits routiers et parfois accidents mortels de la circulation. Ces bolides ont la particularité d’être immatriculés en Pologne et sous-loués en France par des sociétés de locations créées depuis peu », écrivent les analystes du Sirasco [Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée].

Ces voitures puissantes ne sont pas seulement impliquées dans de nombreux délits routiers. Elles servent d’« aide logistique pour les délinquants de cités impliqués dans le narcotrafic », qui les utilisent « pour les transports de fonds, de produits stupéfiants sur des points de deal et les go fast ».

« La Pologne, c’est un filon pas cher »

Les véhicules sont d’abord loués en Pologne, un pays qui présente « des avantages multiples ». « Les sociétés sont très peu regardantes sur le profil des sociétés françaises » qui les sous-louent par la suite, soulignent les policiers du Sirasco dans leur note. D’autre part, il est possible dans ce pays de payer en liquide « jusqu’à 15.000 euros, contre 1.000 euros en France ». Enfin, « les véhicules loués sont proposés à des prix très attractifs, comprenant l’assurance et le kilométrage illimité ».

« La Pologne, c’est un filon pas cher. Pour 1.500 euros par mois, il est possible d’avoir un bolide », observe Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Un1té. Selon elle, la location de ses grosses berlines dissimule souvent un ingénieux « système de blanchiment d’argent » sale.

En effet, il est très simple, en France, de créer une société de sous-location. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, les policiers ont dans leur collimateur une trentaine de sociétés spécialisées dans le leasing polonais, basées dans les agglomérations de Lyon et de Grenoble. Si « ces sociétés n’apparaissent pas comme directement gérées par ces narcotrafiquants », ces derniers « détiennent une grande majorité des parts de l’entreprise et sont en contact avec les employés et comptables », poursuivent les auteurs de la note du Sirasco. Bien souvent, « l’origine des fonds ayant servi à la création de l’entreprise sont plus que douteux ».

« Il faut absolument endiguer ce phénomène »

Rapatriés, les bolides sont ensuite sous-loués en France, souvent via des réseaux sociaux, « à des tiers qui les prêtent ensuite à différents individus défavorablement connus, complexifiant ainsi leur traçabilité », déplore les analystes de la police judiciaire, ajoutant que ces sociétés attirent « à travers le leasing une clientèle aux revenus occultes ». La provenance de ces voitures « s’avère également obscure ». Les forces de l’ordre, qui ont observé la présence de voitures originaires de Bulgarie ou d’Estonie dans l’Ain, redoutent « que ces malfaiteurs diversifient leur source d’approvisionnement ».

Pour Christophe Miette, « il faut absolument endiguer ce phénomène très rapidement ». « La première chose à faire, c’est interdire les véhicules immatriculés à l’étranger pour les ressortissants français, comme certains pays l’ont fait, notamment la Belgique. Vous êtes Français, vous roulez dans un véhicule immatriculé en France. », insiste le syndicaliste. Avant de conclure : « Il est urgent de se mettre autour de la table avec les institutions, les différents ministres de l’Intérieur de l’Union européenne et les agences de location pour trouver des solutions. »

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