Accord Zelensky-Macron : Avec 100 avions Rafale, « l’Ukraine est surtout en train de préparer l’après-guerre »

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Un accord « historique ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé lundi avec Emmanuel Macron à Paris une « déclaration d’intention » en vue de l’achat futur d’une centaine d’avions de combat français Rafale, avec leurs armements, ainsi que du système de défense aérienne SAMP-T nouvelle génération, « en cours de développement », et de systèmes de radar.

Sont aussi concernées « de nouvelles acquisitions de bombes propulsées (AASM Hammer) », et des drones, a précisé la présidence française. Le président ukrainien avait déjà signé le mois dernier une lettre d’intention en vue d’acquérir 100 à 150 avions de chasse suédois Gripen.

Mais attention, prévient Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, spécialiste des armements : « C’est une lettre d’intention, soit un document symbolique indiquant qu’on engage des négociations, on n’en est pas encore à une commande ferme. Et il peut encore se passer quantité de choses, il convient donc de rester prudent. » Il décrypte pour 20 Minutes le dessous de ces annonces.

Qu’est-ce que l’avion de combat Rafale peut changer pour l’Ukraine ?

Présenté comme l’un des tout meilleurs avions de combats au monde, le Rafale serait-il un « game changer » pour l’Ukraine ? « Les Ukrainiens ont besoin d’avions qui emportent de lourdes charges pour emporter les missiles Scalp/Storm Shadow et les bombes guidées AASM que les Français et les Britanniques fournissent, explique Stéphane Audrand. Les appareils ukrainiens qui font cela – Mig 29, Soukhoï 24 – sont au bout de leur vie. Et le F-16 n’est pas très adapté à ces missions. L’Ukraine va donc avoir besoin d’appareils modernes pour prendre la relève. C’est le cas du Rafale, qui en plus le fera mieux, car il est plus agile, il peut mieux se défendre dans les conflits air-air, il a un bon rayon d’action et il est plus polyvalent. »

Le Rafale sera aussi « capable d’affronter les meilleurs chasseurs russes, de faire des raids pénétrants en Russie, pour pouvoir le cas échéant frapper des cibles de haute valeur comme une usine de [drones] Shahed ».

Mais, « il est probable que les premiers Rafale n’arrivent qu’après la guerre, puisqu’ils ne seront pas livrés avant deux, trois voire quatre ans », enchaîne Stéphane Audrand. « Avec cet achat, comme pour le Gripen, je pense donc que l’Ukraine est en train de se constituer une flotte aérienne de 200, 250 avions occidentaux modernes, pour préparer son après-guerre. » Dans ce contexte d’après-guerre, « ceux deux appareils seront très complémentaires, puisque le Gripen de son côté est un intercepteur qui va répondre au besoin de l’Ukraine de défendre son espace aérien. »

La France peut-elle fournir autant d’avions à l’Ukraine ?

Si la commande se confirme, elle s’étalerait sur dix ans. Mais même sur une période aussi longue, la France peut-elle réellement fournir autant d’avions à l’Ukraine, sachant que le chef d’état-major de l’armée de l’Air a alerté il y a quelques jours sur un manque d’avions pour ses propres besoins, actuellement compensé « par une surutilisation de la flotte Rafale à hauteur de 15 % ». Il a ajouté que l’armée de l’Air aura besoin de 230 avions de chasse, et non 185 comme prévu dans la cible actuelle. Pas question donc, a priori, de prélever sur ce stock. Dassault doit, de surcroît, honorer les nombreuses autres commandes de pays partenaires (Serbie, Indonésie, Inde…) qui ont récemment passé commande de l’avion Rafale.

L’industriel français avait annoncé en début d’année son ambition d’arriver progressivement à la production de « cinq Rafale par mois ». « Aujourd’hui, nous en sommes à plus de deux par mois et nous allons encore augmenter le rythme. […] Nous prévoyons d’atteindre trois Rafale par mois en 2026, et quatre à partir de 2028-2029 », déclarait en mars dernier Éric Trappier, le PDG du groupe français.

« L’année de pic de productions du Rafale reste pour le moment 2019, avec 26 Rafale sortis des usines, rappelle Stéphane Audrand. Depuis le Covid-19, c’est laborieux, pour Dassault comme pour les autres fabricants. » Pour le spécialiste, il est peut-être temps de s’interroger sur l’opportunité « d’investir dans de nouvelles capacités de production ».

Qu’est-ce que le SAMP/T ?

Si la lumière est braquée sur l’accord autour des Rafale, il ne faut pas non plus oublier le reste du matériel que la France pourrait vendre à l’Ukraine, notamment le système SAMP/T (système sol-air de moyenne portée/terrestre). Mis en service en 2010, ce système antiaérien franco-italien, développé par Eurosam rassemblant Thales et MBDA, permet de se défendre contre des menaces aériennes comme des avions et des missiles de croisière. Surnommé Mamba en France, il est constitué d’une batterie équipée d’un radar, un véhicule d’engagement et un véhicule lanceur.

Le lanceur de la batterie Mamba est équipé de huit missiles Aster 30.
Le lanceur de la batterie Mamba est équipé de huit missiles Aster 30. - Mickaël Bosredon

Une nouvelle version du SAMP/T, le NG (Nouvelle Génération) équipé d’un nouveau missile Aster 30 B1 NT, est en préparation pour 2026-2027, pour traiter les menaces allant jusqu’au missile balistique moyenne portée, voire hypersonique. Il aura la capacité d’atteindre une cible volant à 25.000 mètres d’altitude à 150 kilomètres à la ronde, et sera capable d’atteindre la vitesse de Mach 4,5, soit environ 5.500 km/h. Cet Aster 30 B1 NT possède en outre une capacité de manœuvre très importante. Pour Stéphane Audrand, il est « tout aussi efficace que le système américain Patriot ».

Qui va payer ?

Impossible de chiffrer à ce jour à combien pourrait grimper la facture. Mais rien que pour la centaine de Rafale, l’addition montera « aux alentours de 30 milliards d’euros, estime Stéphane Audrand, car il ne faut pas compter que l’appareil nu, mais ses armements, l’entretien, la formation des pilotes… » D’où cette question : qui va payer ?

Notre dossier sur l’armement

« C’est une équation complexe, reconnaît Stéphane Audrand, car l’Ukraine est un pays qui n’est tenu à flots sur le plan budgétaire, que parce que l’Europe et les Etats-Unis lui donnent de l’argent, et garantissent sa dette et ses emprunts. Grâce aussi aux intérêts des avoirs russes gelés, qui servent à payer une partie des dépenses de guerre. Pour les premiers avions, il n’y a pas trop de doute à avoir, mais pour 100 Rafale, plus tout le reste, sachant que toute l’armée ukrainienne devra être rééquipée de fond en comble à l’issue de la guerre, cela s’annonce compliqué. »

Le journaliste spécialisé des questions de défense, Jean-Dominique Merchet, met en avant de son côté l’existence d’un système au sein de l’Otan, Purl (Prioritised Ukraine Requirement Lists) qui permet déjà aux Ukrainiens de commander des armements aux Etats-Unis, et aux pays européens de régler la facture. Un tel système pourrait-il aussi bénéficier à l’industrie européenne ?

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