Abou Dhabi accueille une filiale israélienne
Cinq ans après la normalisation, un nouveau pas franchi : le gouvernement israélien a validé l’implantation d’une filiale de Controp Precision Technologies aux Émirats arabes unis. Cette entité, baptisée provisoirement « Controp (UAE) Limited », sera établie dans la zone franche d’Abou Dhabi Global Market (ADGM). L’objectif est clair : basculer d’une présence commerciale à une présence industrielle locale, capable d’assurer marketing, ventes, maintenance, support technique — et, fait inédit depuis les Accords d’Abraham, une production sur place de systèmes électro-optiques avancés.
Le montage reste entièrement contrôlé depuis Israël : la société mère détient 100 % du capital et nommera un dirigeant israélien. Le plan d’investissement prévoit jusqu’à 30 millions de dollars pour la mise en route (fonds propres et prêts d’actionnaires), avec une montée en puissance graduelle en fonction des contrats. Surtout, les autorités israéliennes ont verrouillé le cadre de sécurité : examen préalable par l’autorité dédiée, cloisonnement complet des systèmes d’information entre Israël et la filiale d’Abou Dhabi, et application stricte de la loi sur le contrôle des exportations de défense. Chaque transfert de savoir-faire restera soumis à autorisation et traçabilité, avec versement des redevances dues à l’État.
Pourquoi Abou Dhabi ? Parce que l’ADGM offre un environnement juridique moderne (droit commercial fondé sur la common law, guichet d’enregistrement souple, conformité renforcée), très prisé des entreprises internationales. S’y implanter, c’est gagner en proximité opérationnelle avec les clients du Golfe, réduire les délais logistiques et participer aux programmes d’industrialisation locaux. C’est aussi une porte d’entrée vers les marchés aérien et maritime de la région, où la demande en systèmes de surveillance multi-capteurs, plateformes navales et capacités anti-drones a fortement progressé ces dernières années.
Le calendrier est politique autant qu’industriel. Depuis 2020, les Accords d’Abraham ont ouvert un corridor de coopération technologique sans équivalent entre Israël et les Émirats. D’abord via des stands et pavillons conjoints dans les salons d’armement d’Abou Dhabi, puis par des protocoles d’accord et des bureaux locaux, la relation a mûri vers des projets concrets : contre-UAS, cyberdéfense, capteurs, drones ou avionique. La filiale de Controp s’inscrit dans cette trajectoire : elle permet de candidater à des appels d’offres exigeant un contenu local, de répondre aux obligations d’offset et d’offrir un service après-vente « à l’heure locale » — trois conditions clés sur ce marché.
Sur le plan économique, l’implantation régionale réduit le « friction cost » : transport plus court, délais de certification et d’intégration raccourcis, stocks et réparations au plus près des forces utilisatrices. Sur le plan capacitaire, la production et l’intégration locales facilitent l’adaptation des charges utiles EO/IR aux contraintes climatiques et opérationnelles du Golfe (chaleur, poussière, environnement salin), tout en assurant la compatibilité avec les architectures C2 existantes. À terme, la filiale pourrait aussi devenir un hub régional de formation d’opérateurs et de techniciens, maillon souvent sous-estimé de la disponibilité des systèmes.
Reste la ligne rouge : la protection des informations sensibles. C’est le cœur des garde-fous fixés par Jérusalem. La séparation des réseaux, l’étanchéité des flux de données et l’encadrement des transferts de technologie visent à concilier proximité client et souveraineté technologique. Cette « double clé » — ouverture commerciale, contrôle étatique — est devenue la norme pour les sociétés de défense israéliennes opérant à l’international.
Politiquement, la décision envoie aussi un signal. Elle matérialise une « Nouvelle Alliance » pragmatique : au-delà de la photo diplomatique, une chaîne de valeur se construit où chacun trouve intérêt — pour les Émirats, des capacités de pointe, un tissu industriel renforcé et des délais de soutien raccourcis ; pour Israël, un ancrage durable sur un marché stratégique, avec retombées économiques et diplomatiques. L’ensemble, à condition que la conformité export et les garanties de sécurité restent non négociables, consolide la crédibilité des Accords d’Abraham par des résultats tangibles.
En autorisant une implantation industrielle maîtrisée aux Émirats, Israël conjugue puissance technologique et responsabilité stratégique. Cette démarche accroît la résilience de son industrie de défense, étend ses partenariats dans un cadre sécurisé et contribue à la stabilité régionale. C’est un choix lucide : protéger le cœur des savoir-faire tout en projetant, avec des alliés, des capacités qui dissuadent, rassurent et servent l’intérêt national d’Israël.
Jforum.fr
Similaire
La rédaction de JForum, retirera d’office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.
La source de cet article se trouve sur ce site

