À Cannes ; 350 artistes contre la situation à Gaza

À Cannes ; 350 artistes contre la situation à Gaza

Alors que le Festival de Cannes ouvre ses portes, un appel retentissant s’élève du monde du cinéma : plus de 350 personnalités de l’industrie ont signé une lettre ouverte critiquant la passivité du milieu face à la situation humanitaire à Gaza. Rédigée avec un ton engagé, cette lettre – rendue publique par le média Variety – reflète un malaise croissant chez certains artistes, mais soulève aussi des interrogations par ses omissions.

Le texte, diffusé dès l’inauguration du festival, condamne fermement les pertes humaines dans la bande de Gaza, notamment la mort de la photojournaliste palestinienne Fatma Hassona, dont le travail est au cœur du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, présenté dans la section ACID de cette édition.

Parmi les signataires figurent des noms prestigieux : les acteurs Mark Ruffalo, Ralph Fiennes, Javier Bardem, Melissa Barrera, ainsi que des cinéastes reconnus comme Pedro Almodóvar, David Cronenberg, Alfonso Cuarón, ou Yorgos Lanthimos. Leurs voix, réunies, expriment une honte face à ce qu’ils considèrent comme un manque de réaction éthique et artistique :

« Pourquoi le cinéma, ce lieu d’engagement et de réflexion, semble-t-il rester muet face à l’horreur ? », interroge la lettre.
Les auteurs de ce manifeste estiment que l’industrie cinématographique devrait assumer un rôle de témoin actif, et se lever pour les voix opprimées :

« En tant qu’acteurs culturels, nous ne pouvons rester silencieux alors qu’un génocide a lieu à Gaza », affirme-t-elle, appelant à « tirer les leçons de l’histoire ».
Les signataires insistent sur le fait que la culture et le cinéma doivent porter les voix oubliées :

« Le cinéma a le devoir de refléter nos sociétés. Agissons avant qu’il ne soit trop tard. »
Toutefois, cette lettre très médiatisée ne fait aucune mention des quelque 240 otages israéliens enlevés par le Hamas le 7 octobre 2023, dont certains sont encore détenus à Gaza. Cette absence soulève de vives critiques, notamment de la part de familles d’otages et d’observateurs qui dénoncent une sélectivité dans la compassion exprimée.

Le texte mentionne brièvement les « terribles massacres du 7 octobre », mais ne précise ni les victimes israéliennes, ni le contexte de cette attaque déclenchée par le Hamas. Il se concentre presque exclusivement sur les pertes civiles palestiniennes et les restrictions imposées aux journalistes internationaux à Gaza.

Cette approche suscite un malaise chez ceux qui considèrent qu’un engagement éthique complet devrait reconnaître toutes les souffrances, y compris celles des otages et des civils israéliens tués dans les premières heures du conflit. Certains y voient une instrumentalisation sélective de la tribune cannoise, traditionnellement ouverte aux causes humanitaires, mais parfois accusée de partialité politique.

L’impact de la lettre est néanmoins indéniable. Elle attire l’attention sur la situation des artistes et journalistes palestiniens, sur la violence du conflit à Gaza, et sur le silence perçu de la part des grandes institutions culturelles. Elle questionne également le rôle des festivals internationaux comme Cannes dans le débat public et leur capacité – ou non – à refléter la complexité d’un conflit de longue date.

La lettre se conclut par un appel solennel :

« À tous ceux qui meurent dans l’indifférence, le cinéma doit être un relais de mémoire et de justice. »
Mais pour certains critiques, ce message, en n’incluant pas les victimes israéliennes ni les otages, manque d’universalité. Dans un conflit où les douleurs sont multiples, la parole artistique, pour rester légitime, doit-elle s’exercer dans une seule direction ? C’est la question que posent en creux ceux qui n’ont pas été mentionnés dans cette lettre ouverte.

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