La droite américaine glisse-t-elle vers l’antisémitisme ?
Une étude récente met en lumière une évolution préoccupante du discours politique aux États-Unis : la montée rapide de propos anti-Israël et antisémites au sein d’une partie influente de la droite médiatique. Le travail, mené par le Jewish People Policy Institute (JPPI), s’est appuyé sur des outils d’intelligence artificielle afin d’analyser l’activité numérique de deux figures majeures du podcast conservateur américain, Tucker Carlson et Candace Owens.
Selon cette étude, les références à Israël et aux Juifs ont fortement augmenté dans les contenus produits par ces deux personnalités au cours de l’année 2025, dépassant largement celles consacrées à d’autres sujets internationaux majeurs comme la guerre en Ukraine ou les tensions sino-américaines. Pour Owens, cette inflexion apparaît dès février 2025 ; pour Carlson, elle devient manifeste à partir du printemps.
L’analyse a porté sur près de 3 000 vidéos publiées sur leurs chaînes YouTube respectives, chacune suivie par plus de cinq millions d’abonnés. Grâce à des algorithmes de reconnaissance de mots-clés et d’analyse sémantique, les chercheurs ont comparé la tonalité des propos relatifs à Israël et aux Juifs avec celle d’autres thématiques géopolitiques. Les résultats montrent une nette dégradation du registre employé, particulièrement chez Carlson, dont les références négatives à Israël seraient passées d’environ 50 % fin 2024 à près de 70 % au second semestre 2025.
Si Carlson ne formule pas toujours de propos explicitement antisémites et affirme condamner ce phénomène, l’étude souligne qu’il a offert une tribune à des figures connues pour leurs positions antisémites, contribuant ainsi à normaliser certaines thèses conspirationnistes. Il a notamment multiplié les attaques contre Ben Shapiro, l’accusant d’allégeance prioritaire à Israël plutôt qu’aux États-Unis et reprenant des narratifs historiquement associés à l’antisémitisme.
Le cas de Candace Owens apparaît plus radical encore. Ses contenus concernant Israël affichaient déjà une tonalité extrêmement négative en début d’année, mais leur volume et leur virulence se sont accentués. L’algorithme du JPPI a classé environ 75 % de ses vidéos mentionnant les Juifs entre mai et novembre 2025 comme antisémites, contre 45 % l’année précédente. Owens a diffusé des accusations anciennes et largement réfutées, allant de la responsabilité supposée des Juifs dans la traite transatlantique des esclaves à des théories du complot liant Israël à des assassinats politiques américains.
L’étude note également l’adoption, par ces influenceurs, d’un vocabulaire auparavant cantonné à l’extrême gauche radicale : accusations de « génocide » à Gaza, assimilation d’Israël à des organisations terroristes, ou dénonciation d’une influence occulte israélienne sur la politique américaine. Pour le JPPI, ce glissement lexical marque un tournant idéologique majeur au sein de la droite américaine.
En parallèle, le groupe de réflexion a interrogé des Juifs américains dans le cadre de son enquête « Voice of the People ». Une large majorité des répondants — près de 88 % — estime que l’antisémitisme s’est fortement accru à droite, rejoignant l’analyse du sénateur Ted Cruz. Ce constat traverse les clivages politiques, bien que les perceptions varient selon les sensibilités électorales.
Les tensions se sont cristallisées publiquement lors d’un récent rassemblement conservateur, où Ben Shapiro a dénoncé des figures qu’il accuse de nourrir le complotisme. Les réactions virulentes de Candace Owens et de Steve Bannon illustrent la profondeur de la fracture idéologique au sein du camp conservateur. Pour de nombreux observateurs, ces évolutions constituent un signal d’alarme quant à la banalisation de discours qui fragilisent le tissu social et les équilibres politiques américains.
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